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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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La marche: une corvée… ou un plaisir?

Je reviens d'une promenade à pied dans la campagne genevoise en cette fin de février, et je voudrais vous faire partager le bien-être éprouvé.
Partout l'on sent, sous terre et dans l'air, un frémissement de vie annonciateur du printemps. Les arbres seuls semblent encore indifférents et demeurent « en bois », comme disait une petite fille. Pourtant le saule a revêtu sa teinte jaune qui est sa parure à l'approche du printemps et les grands peupliers verdoient très légèrement. Quant aux feuilles des chênes séculaires qui embellissent notre coin de terre, elles ont l'air frippé et triste des choses qui approchent du grand délogement, car les nouveaux bourgeons vont bientôt les chasser. Les châtons des noisetiers sont déjà tout ouverts et poudreux et les buissons s'apprêtent, parmi les premiers, à chanter leur joie de vivre en se couvrant de fine verdure.
J'ai vu un clair ruisseau qui reflétait dans ses eaux un ciel très bleu tandis que sur ses rives de longues herbes molles et brûlées témoignaient d'un dernier dur enneigement.
J'ai vu deux corneilles amoureuses qui jouaient à cache-cache sur un champ endormi. J'ai vu un tapis de perce-neige; des hépatiques relèvent leurs petites têtes bleues et des boutons de primevères allongent leurs tiges avant de s'ouvrir au milieu de feuilles vertes qui se déploient avec un visible contentement. Tout cela je l'ai observé et j'en ai beaucoup joui parce que j'étais à pied et que je pouvais m'arrêter pour voir… et aussi pour respirer à pleins poumons sous les rayons d'un soleil amical. Tandis qu'en auto je n'aurais rien vu, rien senti; mes yeux auraient fixé la route et j'aurais tout perdu de cette joie encore contenue qui émane de la nature entière quand la fin de l'hiver approche.
Mais vous me direz: « Bienheureux sont ceux qui ont le temps et la possibilité de se promener dans la campagne. Pour nous, notre travail nous rive à la ville tous les jours de la semaine et le temps est si court pour tout ce que nous avons à faire que nous nous précipitons vers notre but en tram, à bicyclette ou en auto. Et d'ailleurs, quel plaisir y aurait-il à marcher en ville? ».
Je regrette beaucoup que vous soyez si pressés, mais je crois surtout que vous n'aimez plus marcher et qu'il ne vous viendrait pas à l'esprit de sacrifier un quart d'heure par jour pour faire du « footing », comme on dit.
Je connais deux garçons que leur mère envoyait tous les matins à pied à l'école, ce qui signifiait une demi-heure de marche estimant que cela leur ferait grand bien de se dérouiller les jambes pour commencer la journée. Eh bien, ces deux garçons de 8 et 9 ans ont été pris en pitié par leur maîtresse qui leur a dit: « Mes pauvres petits, alors vous devez venir à pied jusqu'ici chaque matin. Comme je vous plains! » Aberration physique et psychologique d'une soidisante pédagogue ! La mère n'en est pas encore revenue !
Vous dites aussi: quel plaisir y aurait-il à marcher dans la ville? A cela je répondrai qu'il y en a au moins deux. Tout d'abord le plaisir de voir de jolies devantures qui souvent rivalisent d'ingéniosité pour réjouir les yeux et inviter aux achats ; et ce n'est pas seulement aux yeux mais parfois à l'ouïe que les magasins parlent, tels ces gazouillis et roulades d'oiseaux artificiels entendus l'autre soir sortant d'un grand magasin, qui avait aussi arboré une frise printanière sur le haut de son arcade.
Et puis et surtout, la marche dans les rues vous met en présence des hommes, vos frères, de cette humanité qui court à son travail ou à ses plaisirs avec des visages en général soucieux, tristes, tendus. D'ailleurs, quand par hasard je m'aperçois dans une glace de vitrine, en rue, je me découvre un visage aussi tendu et préoccupé que celui de mes frères et je me dis :« Est-ce possible que ce soit tout ce que j'ai à offrir aux autres! ». Alors je me redresse, je relève mes coins de bouche et je tâche de faire passer dans mon regard un peu de cet amour que j'ai au fond, tout au fond de moi-même, pour la pauvre et chère race humaine.
Enfin la marche constitue une décharge motrice d'une merveilleuse efficacité. De nos jours, on veut tout faciliter, à soi-même comme aux autres ; on veut s'épargner tout effort (ski-lift à la montagne etc. etc.) et les prodigieuses ressources vitales de l'être humain ne trouvent plus à se dépenser naturellement; elles restent inemployées et se perdent dans le sable, ou bien elles se manifestent en agressivité contre la société et souvent avec une violence, surtout chez les très jeunes, qui déconcerte de nos jours tous les éducateurs.
Eh bien, les promenades à pied pour les jours de congé, dont on peut varier à l'infini le cheminement et les buts, me paraissent un moyen de libération physique et psychique à remettre en valeur. Le mouvement des Eclaireurs s'y emploie, mais ce n'est pas suffisant et n'atteint qu'une minorité. Il faut que, dans les familles, les parents s'y intéressent aussi car « foin » de ces ennuyeuses « promenades hygiéniques » du dimanche ou des jours de pluie en vacances, dont je garde moi-même un bien mauvais souvenir.
Mais déployons notre imagination pour agrémenter ces sorties, faisons-les en groupe, avec des amis, ayons surtout la conviction solide que « le jeu en vaut la chandelle » et qu'au soir d'un bon jeu de piste, d'un « cross country », d'une partie de patinage, d'une promenade dans les bois où chacun aura dû découvrir une merveille etc., tout le monde gagnera son lit avec bonheur et dormira comme un loir. Le potentiel de vitalité qui réside en chacun aura été ainsi utilisé sans nuire au prochain et beaucoup de bons souvenirs auront été glanés.
Il y aurait long à dire sur ce chapitre et je sens que mes paroles doivent paraître un peu simplistes. Mais je serai satisfaite si vous retenez de ces lignes que la marche peut être un plaisir et qu'elle est en tout cas une soupape de sûreté naturelle pour utiliser la vitalité des individus dans un geste aussi vieux que la race humaine.









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