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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURUn acte de foi dans la vie « C'est extraordinaire, ce que cet enfant est peu doué », entend-on dire souvent, particulièrement dans la gent enseignante. Il est vrai que nous sommes, en tant qu'éducateurs, doublement portés à la critique négative : Elle sert en effet ce terrible amour de soi qui se nourrit des prétendues insuffisances d'autrui et de l'illusion de sa propre supériorité ! D'autre part, elle semble inhérente à notre métier qui exige de nous comparaison des enfants qui nous sont confiés avec l'enfant étalon, capable de faire 10 dans toutes les disciplines prévues ou non par l'école. Il est clair que, dans la plus grande partie des cas, cette comparaison est défavorable à nos petits ; elle nous induit à penser que nous sommes en présence d'enfants qui ne sont pas doués, qui ne sont pas intelligents, qui ne sont pas appliqués, qui ne sont pas attentifs, qui ne sont pas obéissants, et que sais-je encore ? N'est-ce pas affligeant que nous en soyons là, et déprimant pour les enfants et ceux qui les éduquent? Un enfant que l'on détruit à coups d'insultes : « Ce que tu es bête ! » « Quel cancre tu es ! » ou avec des gifles et des coups, cet enfant, que voulez-vous qu'il produise ensuite ? La fleur que la pluie ou la nuit surprend referme ses pétales. L'enfant ne fait pas autre chose, qui se cache derrière un mur où l'on ne pourra plus l'atteindre. On me demande souvent :« Est-ce que Jacques est intelligent ? Qu'en pensez-vous ? » Si l'on pouvait faire comprendre aux parents et à d'autres que tous les enfants ont en puissance des richesses merveilleuses qu'il faudrait savoir découvrir. Les classes à trois degrés, où l'on a le privilège de pouvoir suivre les enfants pendant toute leur scolarité, offrent le spectacle parfois d'éclosions surprenantes, là où l'on avait trop tôt désespéré, certaines survenant les derniers mois de la dernière année, ou bien après la fin de la scolarité ! Nous n'avons pas foi en la vie ! Nous nous permettons de juger d'un coup d'Å“il des possibilités d'un enfant, comme si nous ignorions que la vie est le plus imprévisible, le plus déconcertant des romans, capable d'amener à la floraison la graine apparemment la plus déshéritée. Le plus pauvre de nos enfants est tellement plus riche que nous ne pouvons le concevoir ! Seulement, pour entrevoir cette richesse, en prendre conscience, lui permettre ensuite de s'épanouir, avec notre aide, d'abord, seule, plus tard, il faudrait renoncer à cette arme douloureuse et destructrice qu'est la comparaison avec cette abstraction de l'élève idéal. L'enfant idéal n'existe pas, heureusement. Dès lors, pourquoi vouloir comparer ce qui est avec ce qui n'est point ? Nos enfants, vivants, nous mettent en présence de rouages autrement plus mobiles, complexes, impondérables qu'une pure construction de l'esprit. Qui, je vous le demande, si perspicace et averti psychologue soit-il, a jamais eu une intuition d'amour assez vaste et puissante pour faire le tour des possibilités du plus pauvre de nos enfants ? Qui ? Il faudrait avoir beaucoup d'amour et d'humilité pour éduquer. Beaucoup d'amour et de foi en la vie. Peut-être ainsi arriverions-nous à entr'ouvrir la porte secrète qui cache les trésors inestimables et infiniment délicats d'une personnalité enfantine. Peut-être aussi pourrions-nous mieux comprendre que l'enfant n'est pas, mais devient. Si nous pouvions exercer notre métier sans commettre de crimes, c'est-à-dire sans murer un enfant, d'un jugement négatif asséné sur la tête, dans la pauvreté que nous lui avons cruellement attribuée ! Si nous pouvions répondre à la confiance de ses yeux neufs qui attendent, par la foi dans la vie et ses richesses inconcevables ! Il nous appartient en effet - tâche merveilleuse, mais combien délicate et difficile - d'aider nos enfants à prendre conscience de ce qu'ils ont reçu, afin qu'ils s'en servent, pour devenir. |
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