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Comme l'albatros
« L'albatros, dans la tempête ouvre ses ailes et, par l'emploi habile qu'il sait faire de son orientation par rapport aux deux forces contraires qui sont le vent et la pesanteur, il peut, sans un mouvement d'ailes, sans dépense de force, s'avancer contre le vent.
» Ainsi l'homme fort et brave peut utiliser les forces mêmes qui semblent vouloir l'arrêter et le détruire, pour marcher en avant. » (Citation tirée de « La Voie du Chevalier », par Victor Morgan, lieutenant de vaisseau.)
Ces lignes, depuis longtemps, ont flotté devant mon esprit comme un étendard, quoiqu'elles n'aient pas toujours été vécues, hélas!
Mais j'aimais leur élan et la force victorieuse qu'elles exprimaient.
Car il y a beaucoup de forces contraires dans le monde et en nous-mêmes, c'est pourquoi il est essentiel de les considérer comme des occasions de monter plus haut, plutôt que comme des obstacles contre lesquels nous butons.
Chacun sait maintenant que la population terrestre vit une période extrêmement dangereuse, où le moindre faux-pas, par étourderie ou par inconscience, peut déclancher une catastrophe irréparable. Les forces mondiales contraires ne sont donc pas un mythe, c'est pourquoi nous devons tous chercher à « orienter nos plans d'ailes » de telle façon que l'extraordinaire puissance que l'ère atomique a mise entre nos mains, soit mise au service de tous les hommes et ne soit jamais utilisée pour assurer la domination de quelques-uns.
Mais qu'est-ce que cela signifie pour chacun de nous personnellement ?
J'ai connu jadis une très pauvre femme dont la longue vie avait été marquée par une suite d'épreuves. Fille naturelle de père inconnu, elle n'était pas aimée par sa mère qui l'avait fait travailler dès son plus jeune âge. C'est à dix-neuf ans seulement qu'elle s'était appris à lire, seule, à la lueur d'une bougie, dans la mansarde où ses patrons la logeaient. Plus tard, mariée à un alcoolique, elle avait vu mourir tous ses enfants en bas-âge, à part un fils que la guerre de 1914 lui avait pris à son tour, et âgée maintenant, elle vivait seule dans un petit village de la campagne française. Nous lui avons rendu visite un dimanche matin et nous l'avons trouvée dans sa chaumière en train de « faire son office », comme elle disait, car elle était seule protestante au sein d'une population catholique. Elle
avait ouvert sa vieille Bible et son livre de cantiques et se faisait à elle-même son culte dominical.
Elle nous accueillit avec un sourire plein de joie et aussi d'humour, car elle en était pétrie, mais, comme chaque fois que nous la voyions, nous sentions aussi en elle une force indomptable que l'adversité n'avait pu abattre parce que toute sa vie elle avait su « orienter ses plans d'ailes » de telle façon que les forces contraires avaient été transformées en expériences fécondes. Et pourtant le malheur s'était acharné sur elle dès son berceau.
Elle mourut rassasiée de jours après nous avoir souvent répété : « Et pourtant Dieu ne m'a jamais abandonnée ». Et je crois pouvoir dire que c'était réciproque !
Il est des êtres étonnants qui, comme cette femme, découvrent tout seuls cette haute façon de vivre, mais, d'une façon générale, je crois que c'est une attitude intérieure qu'on ne saurait enseigner trop tôt aux enfants, après l'avoir adoptée soi-même, bien entendu.
Parlons à nos enfants de l'albatros, voulez-vous ? le plus grand des oiseaux de mer, dont les ailes immenses peuvent le porter audessus des flots pendant des jours et des jours, même et surtout quand le vent souffle en tempête, car il sait utiliser les forces contraires en y faisant face, et par l'orientation habile de ses ailes il vole, presque sans mouvement et par conséquent sans fatigue, porté par ces forces contraires.
Il faut que cet oiseau, presque légendaire, devienne le symbole du courage devant la vie, que nos enfants doivent apprendre s'ils veulent traverser victorieusement les épreuves de l'existence.
Nous pouvons dire aussi, à nos grands enfants que la pensée est une force vivante que nous pouvons utiliser pour « orienter nos plans d'ailes » et tenir bon, en nous servant même des difficultés pour aller de l'avant, comme l'albatros.
Mais c'est surtout en nous-même et dans notre manière de vivre que nos enfants doivent voir à l'oeuvre cette pensée force qui sereinement, invinciblement, oppose aux soucis, aux craintes, à la maladie, la tranquille assurance d'une âme qui a mesuré l'abîme mais sait utiliser le vent qui l'a creusé pour monter plus haut.
J'ai conscience que ce que je viens d'écrire peut paraître à certains un peu irréel et fumeux, mais je crois à la valeur des paraboles dont les images (telles une télévision intérieure), créent peu à peu en nous des habitudes de pensée qui finalement passent dans nos actes et ennoblissent notre vie.
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