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Bonjour le monde !
Au fil d'une lecture, il arrive que certaines phrases résonnent en nous soudain comme si elles épousaient la forme même de notre esprit. C'est ainsi que ce mot de Simone de Beauvoir à propos de deux personnages de « La Force de l'Age » : « Ensemble, ils regardaient les choses, ils s'en enchantaient », a trouvé en moi un écho sympathique.
S'enchanter des choses de la vie. Il faut avouer que cela n'a pas l'air d'arriver à beaucoup de gens, si l'on en juge à l'expression de ceux qu'on coudoie en rue. Que de visages fermés, absents, éteints, l'on croise tous les jours ! Sans parler du vôtre, du mien, qui sont souvent loin de refléter le plaisir de vivre. Au rebours de l'écran des salles obscures qui devient panoramique, il semble que celui de nos perceptions se rétrécit au fur et à mesure que la vie se fait plus trépidante.
Regarder, s'enchanter, s'étonner : qui ose s'accorder ce luxe ? C'est tout juste s'il ne semble pas de mauvais aloi. Toujours pressés, sollicités par mille exigences, happés par l'immédiat, on n'a plus le temps d'écouter la vie. Au début d'une classe, pour mettre en branle les rouages d'une langue étrangère dans des esprits encore mal éveillés, j'ai demandé un jour à mes jeunes de me dire ce qu'ils avaient vu et entendu d'intéressant en venant au cours. Je n'ai recueilli que d'insipides banalités, sans parler de ceux qui n'avaient rien remarqué du tout ! A dix-huit ans, bien sûr, on vit surtout pour le sport et l'amour. Mais si le monde ne commence pas à exister autour de soi à ce moment-là, il y a bien des chances pour que cette atrophie se perpétue tout au long de la vie.
Et pourtant, il y a dans le fait d'exister quelque chose de tellement unique que nous devrions chaque jour en être bouleversé. Le monde entier nous est donné à nouveau chaque matin et c'est d'un regard neuf aussi que nous devrions l'accueillir
tout, objets, couleurs, atmosphère, parfums, sons, gestes, tout devrait nous solliciter à tout instant, atteindre notre sensibilité pour nous faire prendre plus pleinement conscience du monde et du miracle de lui appartenir. Quel qu'il soit, le spectacle de la vie ne devrait jamais nous laisser indifférent.
Regarder, s'enchanter.
« L'homme qui a perdu la faculté de s'émerveiller, il est mort », a dit Einstein.
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