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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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A propos de lecture et de nos enfants. (A bâtons rompus)

On ne peut pas forcer l'épanouissement d'un bouton de rose, de même il est impossible de devancer les temps, en éducation.
Très jeune déjà, j'ai eu le goût passionné de la lecture. Les contes de Perrault, dans une très jolie édition offerte par mon parrain, furent ma lecture favorite dès que je sus lire, puis vinrent les jolies fictions de la comtesse de Ségur, de Mme de Pressensé et de Mme Tabarié. Ensuite je me délectais des livres d'Indiens, où de très jeunes et belles héroïnes étaient protégées et servies avec dévotion par des Indiens très « gentlemen ». Enfin je voulus puiser dans l'abondante bibliothèque de mon père, mais c'est là où les choses se gâtèrent, car mon père voulait absolument diriger mon choix sur des livres « instructifs », dont le seul titre était rébarbatif, et je protestais et refusais cette nourriture indigeste, ce qui attristait beaucoup mon père. Mais à cette époque j'avais soif de fictions, et voilà! Le bouton de rose refusait d'obéir et d'ouvrir ses pétales avant le moment fixé par la nature.
Mais 2 ou 3 ans plus tard, j'eus brusquement la soif passionnée d'acquérir des connaissances nouvelles, sur le plan de la réalité, et je m'y lançais à corps perdu, ne voulant plus lire que des livres d'histoire, des biographies historiques, des récits de voyage, etc. L'heure était venue pour moi, et venue toute seule, de découvrir le monde dans sa réalité passée et présente et j'y trouvais un vif intérêt et une très grande joie.
Parents, soyez patients et sages, ne devancez pas les temps, laissez à vos enfants la liberté de croître à leur rythme. Ils s'en trouveront bien et vous aussi, car vous garderez leur confiance et les désirs et les élans juvéniles dont vous serez de silencieux témoins, rafraîchiront votre âge mûr.

***
Claude aime lire ! C'est une constatation qui remplit de joie ses parents.
Comment a-t-elle appris à lire?
Je serais tentée de dire : malgré nous, malgré toute méthode (c'est un peu vexant pour des enseignants, mais les faits sont là !).
L'apprentissage définitif est très récent. Claude se gargarise encore des mots difficiles qu'elle vient d'acquérir :« le rhododendron » et « le chrysanthème », « un chef d'orchestre » et « un plat de faïence »!
Mais, malgré les embûches du français, la découverte des mots, des phrases la passionne. Tous les moments sont bons pour se plonger dans les aventures merveilleuses contées dans les petits et les grands livres d'Or.
Tous les endroits sont bons (même les plus secrets) pour accueillir notre lectrice en herbe. « Et maintenant, déclare notre fille, j'aimerais un livre comme ceux des grandes personnes, sans images ; je le lirai tous les jours, je mettrai une « marque » pour me souvenir de - la - page - où - j'en - suis ».
« Ma coquine de petite soeur »* et un beau signet brodé ont fait l'affaire.
Claude, avec persévérance, avance chaque jour dans cette lecture suivie. Heureusement que Pouf et Noiraud et la chère petite Taupe en barboteuse déversent de temps en temps leur luxe d'images pour reposer les yeux attentifs.
Josette a appris à lire en même temps que Claude. Elle lit très bien, sans faute, intelligemment… mais elle n'aime absolument pas ce genre d'occupation. « Pourquoi ? me demande sa mère, qu'avez-vous fait pour donner à votre fille ce goût si reposant pour les parents ! Un enfant qui lit ne s'ennuie jamais et cette distraction n'est pas bruyante ! ».
En vérité, qu'avons-nous fait? Rien. En tout cas aucun discours sentencieux. En y pensant, je ne vois que l'exemple donné et l'envie des enfants d'imiter l'adulte.
Dès sa plus tendre enfance, Claude a vu, à chaque instant de loisir, père et mère se plonger dans un livre.
La valise la plus volumineuse et la plus lourde de tous les bagages de vacances contient les bouquins à lire ou à relire pendant les heures de chaise-longue.
Chaque pièce de l'appartement compte une bibliothèque, même… la chambre à coucher.
Il est vrai que dans une famille de liseurs, il peut se trouver un enfant qui n'ouvre jamais un livre. Pourtant je suis persuadée que dans ce domaine aussi, l'exemple est un atout à mettre de son côté si l'on veut que les enfants découvrent et aiment cette source inépuisable de joie et de culture : la lecture d'un vrai livre.

***
Si les parents de Claude attribuent à l'exemple reçu en famille le goût de la lecture de leur fille, la mère de Pierre et de Jean nous communique une remarque à laquelle nous devons être attentives.
Pierre et Jean sont deux frères qui ont vécu dans le même climat éducatif et auraient pu bénéficier tous deux de l'exemple de fervents lecteurs que sont leurs père et mère.
Pierre a su lire très vite. Il dévorait avec une rapidité étonnante tous les livres qui lui tombaient sous la main. Il lisait même si vite que l'on se demandait s'il comprenait et retenait réellement ce qu'il lisait. A plusieurs reprises, ses parents ont pu se convaincre que leurs doutes étaient mal fondés.
Quant à Jean, aucun goût pour la lecture, ses occupations favorites se limitaient à une intense activité dans le domaine de l'invention et du bricolage. A l'école, Jean se tirait honorablement d'affaire, à l'exception toutefois de ses notes de dictées qui restaient désastreuses. Quand l'entrée au collège approche, cela devient inquiétant! Un examen psychologique révéla que Jean était un « dyslexique », ce qui signifie que Jean ayant eu certaines difficultés dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, ne savait pas lire correctement ; ses difficultés en orthographe étaient liées à celles rencontrées en lecture.
Jean suivit une rééducation spécialisée, rattrappa, si ce n'est complètement, du moins suffisamment son retard pour pouvoir entrer au collège. Comme sa mère faisait remarquer au rééducateur de Jean que son fils ne manifestait que très peu d'intérêt pour les livres, « comment voulez-vous que Jean aime lire, lui répondit-il, alors que la lecture lui demande un très gros effort ».
La rééducation dura trois ans. Parallèlement aux progrès constatés, se manifestait chez l'enfant le désir de lire. Par la suite, Jean est devenu un lecteur passionné, avide et heureux de trouver tant de joie à lire.

Cet exemple montre que pour pouvoir lire avec plaisir, il faut que l'enfant sache « bien » lire. Il montre aussi que parfois, malgré l'exemple qu'il peut trouver dans son entourage, l'enfant ne lira que peu, ou même pas du tout, lorsque des difficultés réelles auront échappé aussi bien à la maîtresse qu'à des parents non avertis.

***
Avant que ma fille sache lire, elle n'appréciait pas beaucoup lorsque sa mère se plongeait dans un livre et se laissait absorber par son texte. Elle avait trouvé un moyen habile pour détourner mon attention de ce qui l'accaparait :« Raconte-moi ce qu'il y a sur les images! » ou bien :« Lis-moi les folies ». Les folies, c'étaient les caricatures des journaux illustrés.
Maintenant qu'elle a seize ans, je ne regrette pas les moments que j'ai passés à traduire, à adapter ou à commenter des textes qui n'étaient pas à sa portée. Car, à présent, elle me rend la pareille. Elle aime me tenir au courant de tout ce qui lui passe sous les yeux; elle commente ses lectures, me fait part de ses réactions et me demande aussi d'exprimer les miennes. Comme nous avons 30 ans d'écart, nous n'avons pas toujours les mêmes opinions sur les mêmes sujets. Loin de là! Mais nous discutons, nous comparons, nous réfléchissons.
Grâce à ces échanges de vue, je n'ai jamais eu à me faire du souci au sujet des lectures nocives que ma fille pourrait faire. Ce qui est dangereux, c'est ce qu'on accepte passivement, aveuglément, béatement. Si on a pris l'habitude, depuis sa plus tendre enfance, de réagir, de prendre conscience, d'adopter une attitude personnelle en face des choses et des gens, on court vraiment fort peu de dangers.

***
Nos « meilleurs » livres? Ceux de nos enfants.
Quand je dis « meilleur », je pense aux livres qui non seulement nous apportent un enrichissement personnel mais qui nous permettent encore un échange et un rapprochement avec les nôtres.
Voici l'expérience d'un de mes « meilleurs » livres : c'est un livre de la « série noire ». Je n'en sais plus le titre. Mais je revois encore la couverture : une jeune femme, genre pin-up, bâillonnée, les yeux hagards, acculée dans l'angle d'une pièce, un revolver braqué sur elle. Horreur !
Quand j'ai trouvé ce livre dans la chambre de mon fils (16 ans!) j'étais désagréablement surprise et inquiète. Est-ce là sa lecture, quel temps perdu, quel mal en puissance !
Au prochain repas, je fis part de ma découverte et essayai de faire comprendre à mon grand garçon qu'il ne pouvait rien trouver de bon dans ce genre de lecture, que cette « série noire » ne lui donnerait que des idées fausses. Et je partis, soutenue par mon mari, dans une grande diatribe contre la mauvaise littérature.
Mon fils nous écouta patiemment et lorsque nous fûmes à court d'arguments, il nous dit :« Vous en avez lu beaucoup des livres de ce genre? Je dus avouer que je n'en avais lu aucun. Alors mon fils poursuivit :« C'est dommage, si tu lisais celui que tu as vu dans ma chambre, tu verrais comme l'action est bien amenée, quelle habileté, les portraits des personnages sont remarquables, les caractères sont bien campés, le style est tellement vivant et si simple, etc., etc…
Le soir même, mon mari et moi avons lu le livre en question et avons reconnu qu'il contenait de bonnes choses.

Au repas suivant il ne fut question que de ce livre. Nous n'étions pas d'accord sur tous les points, mais notre discussion fut intéressante pour tous les trois.
Je n'irai pas conclure de cette anecdote que tous les livres de la « série noire » sont à recommander à nos enfants et à lire en famille. Non. Mais je voudrais relever le fait, qu'il s'agisse de la série noire, de la bibliothèque verte ou des contes bleus, que nos enfants aiment que nous nous intéressions à ce qu'ils font et à ce qu'ils lisent en particulier. A travers les livres qu'ils aiment, nous arrivons parfois à les mieux comprendre. Et qui sait, peut-être ont-ils de leur côté la même pensée à notre égard?
Possibilité de se mieux comprendre, possibilité d'échange, donc d'enrichissement et de rapprochement, n'est-ce pas suffisant pour faire des livres de nos enfants, nos « meilleurs » livres?


* « Ma coquine de petite soeur », de Dorothy Edwards. (Edit. Ferd. Nathan.)









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