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Comment s'acquiert la politesse *
La politesse est le type des vertus de la vie sociale
Elle est étroitement liée, et jusque par l'étymologie du mot, à l'idée de civilisation. On peut dire que dans toute la mesure où l'éducation est oeuvre de civilisation, elle exige du même coup l'apprentissage et l'exercice de la politesse qui rend les relations humaines plus faciles et agréables. Mais cette qualité est négligée et même décriée à notre époque égalitaire et démocratique, où les habitudes de laisser-aller, de sans-gêne et même de brutalité se répandent fâcheusement, surtout parmi les jeunes. Raison de plus pour accorder à l'éducation de la politesse davantage de soins.
Le rôle de la famille est capital. On s'en rend compte dans les civilisations d'Extrême-Orient où la politesse a, on le sait, conservé un prestige considérable
L'éducation a ici un rôle prépondérant.
Il est banal de rappeler que la politesse, plus que les autres qualités du caractère, dépend essentiellement de l'éducation qu'on a reçue. La part du naturel est faible, ici, au regard de celle des apprentissages, encore qu'il soit vrai d'observer que les enfants ouverts et bienveillants se « polissent » plus aisément que les autres. La politesse est avant tout le domaine du surmoi.
On comprend aisément que le groupe familial, par sa structure hiérarchisée, ses rapports de dépendance, ses usages réglés se prête à cette éducation plus et autrement que l'école par exemple. Les conditions y sont favorables, à la fois pour une formation très précoce d'habitudes et plus tard pour l'éducation la plus délicate, celle où s'exprime la politesse du coeur. C'est aussi dans la famille que les relations de politesse sont le plus nécessaires; elles évitent de se gêner les uns les autres par des activités impulsives, désordonnées ou trop bruyantes. Elles répondent à la présence et au respect d'autrui.
Chez le jeune enfant, l'apprentissage de la politesse est sans doute, nous le disions, dressage pour une part : c'est le façonnage progressif d'une nature sauvage facilité par l'obéissance aux parents. Mais dès ce moment il est aussi éducation véritable par tout le travail intérieur qui l'accompagne, surtout dans le domaine de l'affectivité. C'est l'équilibre entre ces deux éléments que la famille doit sans cesse s'efforcer d'établir et de rétablir. Car on sait trop que les gestes de politesse, s'ils ne sont pas accompagnés de sentiments de bienveillance et de coopération, restent un formalisme sans âme. Inversément, une éducation qui s'emploierait à rendre plus délicats les sentiments qu'éprouvent les membres du groupe familial les uns pour les autres, sans veiller à ce que leurs manifestations se plient aux usages polis, aboutirait à créer des conduites maladroites et souvent gênantes pour autrui.
Ce qu'il faut bien souligner à l'intention des parents, c'est que dans la famille la politesse n'est pas à sens unique. Elle n'est pas seulement dirigée des enfants vers les parents, comme semblent le supposer trop volontiers certains adultes. Tous les membres de la petite communauté participent aux relations polies. C'est même par l'exemple qu'ils donnent de la retenue, de la gentillesse, de la maîtrise de leurs mouvements d'humeur que les parents participent le plus activement à cette forme d'éducation des enfants.
Le but à atteindre est d'abord, bien entendu, de se rendre mutuellement la vie plus supportable et plus agréable à la maison, malgré le manque d'espace, les différences d'âge et de caractère, la variété des occupations respectives. Mais la politesse ne se limite pas à ce premier degré. Elle suppose aussi une bienveillance active pour autrui qui trouve sa joie dans la prévenance, les attentions délicates, le tact enfin. C'est là ce qui donne leur charme aux relations familiales, ce qui constitue en quelque sorte le sourire de la politesse.
Lorsque l'enfant est devenu adolescent, la politesse acquise est souvent troublée, menacée par les tensions qui s'accroissent entre le père et son fils, et même entre la mère et sa fille. L'impatience, la prétention des jeunes gens peuvent susciter alors ou réveiller chez les parents des attitudes autoritaires, hostiles, qui vident la politesse, quand elle subsiste, de son contenu. C'est à ce moment que l'effort éducatif des parents doit s'orienter vers un assouplissement des formes du respect filial, en tenant compte de l'affirmation de soi parfois tapageuse des adolescents, mais sans que la bienveillance nécessaire exclue la fermeté, également nécessaire. Il est même possible, en s'appuyant sur le sentiment de l'honneur et l'exigence de perfection si fréquents à cet âge, d'obtenir des jeunes gens cultivés une certaine courtoisie qu'ils peuvent ensuite témoigner aussi hors du foyer, dans leurs rapports avec les personnes étrangères. La politesse plus ou moins imposée à l'enfant fait alors place à une politesse consentie, intégrée dans une personnalité plus autonome.
La politesse et la vie moderne.
La politesse a ses excès et surtout ses caricatures, quand par exemple elle se perd dans un rituel fastidieux de pratiques minutieusement réglées. L'intimité du foyer moderne demande plus de naturel. L'état social actuel veut aussi une simplification de tout l'aspect cérémoniel des usages sociaux. Mais une politesse modernisée n'est pas une politesse affaiblie. Elle doit conserver ou retrouver toute sa valeur.
Bien comprise, la politesse participe de beaucoup d'autres qualités du caractère. Elle exige souvent du courage. On la tient parfois pour le contraire de la sincérité, comme si la sincérité consistait à jeter au nez des gens ses désirs et ses humeurs ! Etre vraiment poli, cela suppose en réalité la connaissance de soi et des autres, et la possibilité de trouver, en face du prochain, les paroles et les manières qui lui conviennent le mieux.
La politesse a l'aisance de la grâce. Expression sociale du caractère, elle est aussi comme la fleur du caractère tout entier. C'est pourquoi l'on peut voir dans son éducation l'un des meilleurs moyens de promouvoir, chez l'enfant et l'adolescent, une vie plus humaine.
* Cet article a été radiodiffusé au cours de l'Heure de culture française.
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