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La musique et l'enfant

Pour Jacques-Dalcroze, « plus que tout autre art, la musique possède le pouvoir d'unir les individus, de leur communiquer un esprit universel d'union et de réunion et de créer au sein de cette société organisée un foyer central de mouvement, de chaleur et d'active vie sentimentale. »

Commencer par le commencement…

Tous les éducateurs seront d'accord avec moi, dit-il, pour affirmer que dans l'enseignement de n'importe quelle branche il faut au début des leçons éveiller chez l'élève la curiosité de la question à traiter, lui en faire saisir le sens général et ressentir l'importance, en établissant des rapports entre le sujet traité et la vie même de l'enfant, cette petite vie avide d'inconnu et d'inattendu. Or, avant de faire faire aux enfants des exercices de gymnastique, on cherche bien rarement à éveiller en eux le désir impérieux de se mouvoir dans tous les sens, de ressentir les mouvements, - ses élans, ses arrêts, ses vibrations et ses variations de force et de durée, - dans leur être tout entier.
…Il en sera de même dans les études de l'art musical qui jadis n'était cultivé que par des prédestinés, alors qu'aujourd'hui tous les enfants sont pour ainsi dire condamnés à faire de la musique, sans en avoir jamais manifesté la moindre envie. S'ils ne parviennent pas après une année de gammes cahotées à jouer un joli petit morceau à la fête de la tante Eglantine, la maman proclame en sanglotant que l'enfant n'a pas de goût pour la musique, oubliant d'ailleurs qu'elle-même, après douze années d'études, a renoncé subitement au piano la veille même de son mariage.
N'aurait-il pas fallu chercher avant tout à faire agir musicalement l'enfant rebelle, à le faire penser musicalement, à faire vibrer sa musique intérieure à l'unisson de la musique extérieure? La devise de l'éducateur doit être « commencer par le commencement ». D'abord l'éveil des sens puis celui du sentiment, ensuite seulement les analyses, les raisonnements et les théories. Il s'agit avant tout d'essayer de faire parvenir chaque petit être à vivre sa vie à soi, à s'exprimer à sa façon.

La musique, le piano et l'enfant.

On n'enseigne l'écriture qu'à l'enfant qui sait déjà parler. On ne lui demande son opinion sur la chaleur qu'après qu'il l'a éprouvée. Et s'il existe de malheureux bambins qu'un père pédant a initiés très tôt aux lois inflexibles de la rhétorique et de la syntaxe, ils deviennent bien vite odieux à un entourage intelligent du caractère enfantin. A quoi bon apprendre à un baby de 4 ans à compter jusqu'à « 20 », alors qu'il est avéré qu'à partir du chiffre « 6 » un enfant de cet âge n'a pas une notion exacte et concrète du nombre de choses que les chiffres suivants peuvent représenter?
Il devrait en être de même en musique. Le maître de musique aurait tort de parler à un enfant de syncopes, de sextolets, de quintes, de dièzes et de bémols, avant de l'avoir mis à même d'éprouver des sensations créées par les mouvements corporels rythmés et par les vibrations de l'appareil vocal. Je demandai un jour à un petit garçon qui ne parvenait pas à marcher et gesticuler à 4 temps, d'essayer de marcher à 5 temps. Il y réussit immédiatement, et comme je m'en étonnais, il me dit en me montrant triomphalement ses doigts « J'en ai 5! »…
Si nous suivons de près un enfant, nous le surprendrons très souvent en train de scander ses jeux par de petites mélodies qu'il improvise en chantant, méprisant la tonalité, mais ayant déjà l'instinct de l'accentuation et du phrasé. Il aime exprimer ses sensations du moment et scander les événements de sa vie ingénue sur les rythmes des mélodies qu'il a captées au passage. Dès qu'on l'entend improviser vocalement, et dès que ses doigts sont devenus suffisamment forts, on peut, et l'on doit, lui demander d'improviser des mélodies sur le clavier, il y parviendra sans peine, et l'étude des intervalles et des tonalités deviendra pour lui ensuite un jeu facile et captivant.
Bien au contraire, des études instrumentales entreprises sans préparation suffisante risquent d'amoindrir la sensibilité de certains enfants naturellement doués pour la musique. L'ennui occasionné par l'aridité des procédés techniques et l'indigence artistique des oeuvres pédagogiques imposées à l'enfance, réfrène les instincts et tue l'imagination. Imaginez un enfant auquel on apprendrait à réciter des poésies avant de savoir exprimer des idées élémentaires ou encore auquel on imposerait des études de grammaire, alors qu'il en est aux premiers vagissements!
Les parents intelligents cherchent, au contraire, à éveiller en lui le sens des rapports existant entre les choses qu'on lui montre, - entre les sensations qu'il éprouve, - avec les mots qui dépeignent les objets, qui donnent un nom aux chocs sensoriels. Comme la musique est avant tout un langage, il faut, - si l'on veut apprendre à l'enfant à s'exprimer musicalement, - développer avant tout la sensibilité de son oreille et de son système nerveux, la vivacité de ses impressions et de ses sentiments. Le meilleur moyen d'enseigner la natation à un enfant est de le jeter à l'eau. Ce sont les impressions sensorielles qui développent les idées et apprennent à l'esprit à les analyser. Or, un grand nombre de maîtres de piano apprennent à l'enfant à mouvoir ses doigts « selon les règles » avant d'avoir facilité son contact avec la musique qu'il est appelé à exprimer. Lorsque, curieux des effets sonores, le débutant laisse errer ses doigts sur le clavier et se prépare ainsi inconsciemment à différencier les sons, à préférer certaines successions, certaines superpositions de notes, à s'égayer à l'audition des rythmes divers que créent ses petits tapotements, - on lui retire sévèrement les mains du clavier et ne les laisse s'y replacer que pour égréner le cycle des gammes et perfectionner le passage du pouce! ! L'enfant qui adore la vitesse est condamné à une perpétuelle lenteur.
De nombreuses expériences me permettent d'affirmer que tout enfant assez musicien pour suivre un enseignement pianistique peut devenir capable d'improviser. Il aime chercher avec ses petits doigts des combinaisons sonores, et c'est avec un intérêt touchant qu'on le voit essayer de trouver une mélodie, de la soutenir par quelques accords et d'inventer un doigté approprié. Les parents ne se doutent pas que ces essais maladroits mettent l'enfant en contact plus direct avec la musique et éveillent plus vite son sens tactile que l'étude laborieuse de certains procédés traditionnels. Quant au maître de piano, il aurait tout intérêt à favoriser les premiers tâtonnements des tout petits. Il rendrait son enseignement plus agréable et plus efficace.
Il est facile pour un maître de musique aimant et comprenant les enfants de les guider dans leurs tâtonnements sur le clavier en imaginant de petits jeux dans lesquels se résument les lois régissant la sonorité et le rythme. Il leur fait remarquer que les doigts se promènent sur les touches, lentement comme de lourds camions, ou rapides comme des autos. Ils frappent sur les touches comme des marteaux, ils sautent par-dessus certaines notes, comme, par un temps de pluie les gens sautent par-dessus les flaques d'eau ; ils font des bonds comme les puces ; ils sautillent comme des moineaux ; ils grimpent sur les touches noires comme sur des escabeaux. Tous les déplacements se font en hauteur, en largeur, l'espace est à nous, comme c'est amusant ! Et l'on ferme les yeux, laissant les doigts agir tout seuls : l'on frappe sur une touche, puis sur deux, puis sur trois, le rythme d'une chanson connue ; l'on imite l'écho en attaquant une note ou plusieurs successivement avec force et avec douceur. On frappe le clavier en faisant partir le mouvement de l'épaule, du coude, de la main, des doigts. On accélère et ralentit les frappés pour imiter le train qui se met en marche ou se prépare à s'arrêter à une station. On imagine des dialogues entre la main droite et la main gauche, et parfois, les deux interlocuteurs parlent à la fois comme papa et maman. On imite le gazouillis des oiseaux tout en haut de l'échelle sonore, et, tout en bas, les grondements de l'ours de Berne. Puis ce sont les jeux d'adresse, les sautillés, les poursuites, les arrêts subits quand surgit le gendarme. Les petits doigts peuvent faire tant de choses!… Toutes les particularités du langage musical peuvent être traitées sous la forme de jeux. Lorsque l'esprit de l'enfant s'est rendu compte que soit ses doigts, soit sa main, soit son bras ont leur propre vie, une vie aussi riche que celle de leur heureux possesseur, - lorsque sa volonté s'est éveillée, son imagination aussi, - le maître peut tenter alors de donner des explications, d'indiquer certaines lois, d'exiger certaines disciplines. Il n'ennuira pas l'enfant, au contraire.









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