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Parler de Chalande, est-ce mentir?
« Jamais je ne parlerai de Saint-Nicolas, de Chalande ou du Père Noël à mes enfants. Je veux les élever dans une atmosphère de vérité et de réalité. Et puis, je veux leur éviter la déception que j'ai éprouvée, dans ma propre enfance, lorsque j'ai découvert que mes parents m'avaient trompé ».
Si vous avez fait cette expérience négative qui laisse à l'enfant l'impression d'avoir été mystifié par les adultes, je comprends que vous soyez devenu un adversaire des personnages allégoriques. Mais tous les enfants réagissent-ils de cette manière? Le passage de ces êtres magiques laisse-t-il forcément des traces fâcheuses dans les coeurs ? Pourquoi certains enfants sont-ils enthousiasmés par ces apparitions et en gardent-ils longtemps une impression merveilleuse ? Pourquoi d'autres sont-ils au contraire terrorisés, ou pourquoi ont-ils le sentiment pénible d'être dupés ?
Que nous le voulions ou non, nos enfants entendent inévitablement parler d'eux un jour ou l'autre. Il ne s'agit pas de les « faire croire à Chalande » ; il s'agit plutôt de savoir quelle attitude nous allons adopter à l'égard des personnages et des rites qui hantent régulièrement leur imagination au mois de décembre.
Mais, n'est-ce vraiment que pendant le mois de décembre que les enfants sont habités par des êtres imaginaires ? N'ont-ils pas, tout au long de l'année, une prédilection particulière pour les jeux et les personnages « inventés »? N'avez-vous pas remarqué à quel point ils aiment entendre parler des fées, des rois tout-puissants, des lutins ? Lorsqu'ils jouent seuls, ne les entendez-vous pas fréquemment parler avec conviction à un compagnon imaginaire ?
Jusqu'à cinq ou six ans, l'enfant distingue très mal la réalité du monde imaginaire. Il passe de l'un à l'autre avec une facilité qui déconcerte souvent les adultes. Cette faculté ne doit pas inquiéter les éducateurs. Il faut la considérer comme faisant partie naturellement de la vie enfantine. Si le développement de l'enfant se poursuit normalement, il s'entraîne peu à peu à distinguer ce qui est réel de ce qui ne l'est pas ; il apprend à s'intéresser toujours plus au monde réel. Sachons patienter et ne nous étonnons pas trop si la passion de la vérité, telle que nous la concevons avec notre mentalité d'adulte, est longue à prendre racine chez nos petits.
Lorsque votre fillette requiert votre collaboration pour être tour à tour la cliente de son épicerie, le docteur qui opère sa poupée ou le contrôleur qui poinçonne les billets d'un train fait de tabourets couchés par terre, vous n'avez pas mauvaise conscience; vous n'avez pas l'impression d'encourager le mensonge. Vous tenez compte de l'âge mental de votre fille et vous jouez le jeu qui lui fait plaisir.
Rien ne vous empêche, non plus, de jouer au jeu de saint-Nicolas, de Chalande ou du Père Noël. Pourvu que cela reste un jeu. Un jeu agréable, charmant, poétique. Un jeu merveilleux où les enfants gagnent à coup sûr !
Evitez ce qui est laid, ce qui fait peur, ce qui fait de la peine. Les enfants sensibles n'apprécient pas les masques grotesques ; ils n'aiment pas être mis sur la sellette en présence de frères et soeurs narquois ou de camarades peu charitables; aucun enfant n'aime beaucoup qu'on lui rappelle, au cours de ce jeu, ses désobéissances de la semaine précédente ou le trois d'orthographe de son dernier bulletin.
Servez-vous de Chalande pour répandre de la joie autour de vous, mais ne l'utilisez pas comme un instrument destiné à punir ou à humilier. Savoir qu'il existe un être qui aime assez les enfants de la terre pour leur apporter à chacun une friandise ou un cadeau, c'est merveilleux et bienfaisant. Mais, se sentir menacé par un être qui, tel ou tel jour de décembre, apparaîtra pour vous faire rendre un compte exact de vos défauts et de vos défaillances, c'est démoralisant.
Vos enfants vous reprocheront-ils, plus tard, de vous être laissés entraîner, avec eux, dans le monde du merveilleux ? Je ne le crois pas. A condition que vous soyez suffisamment souples dans votre attitude. Avec un enfant qui tient absolument à ce que le Père Noël soit « vrai », gardez votre opinion pour vous et attendez que le moment soit venu de l'éclairer graduellement. Avec l'enfant qui a des doutes et qui a reconnu le grain de beauté d'oncle Gustave sous la moustache de saint-Nicolas, pourquoi ne pas sourire d'un air entendu?
Evitons toute attitude rigide ou forcée. Il ne s'agit pas que nos enfants « y croient » absolument, ou qu'ils soient préservés de cette hérésie à tout prix. Ce qui importe, c'est que nous comprenions leur besoin de merveilleux et que nous leur offrions suffisamment de sécurité pour leur permettre, quand le moment sera venu, d'abandonner la vie imaginaire sans regret excessif, afin d'accepter toujours mieux la vie réelle.
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