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Le sommeil de M. Ratapoil
Monsieur Ratapoil, le chat gris, près du feu s'est endormi. Il mange en rêve quelque souris. Elle est si bonne qu'il ronronne
Mais
tac, tac, tac
quel est ce bruit ?
- Oh ! c'est Gudule, la pendule.
M. Ratapoil ouvre un oeil, saute sur le fauteuil. Non, non, non, pas de ce bruit aujourd'hui ! Tous les jours que Dieu fait, M. Ratapoil travaille assez pour pouvoir dormir en paix quand il lui plaît.
Du bras du fauteuil, souple et agile, il se faufile sur la console et de sa patte tape
tape le balancier de la pendule qui s'arrête. M. Ratapoil, le chat gris, couché en rond sur le fauteuil du salon, s'est endormi. Il retrouve en rêve sa souris.
Mais
cui, cui, cui, quel est ce bruit ?
- Oh ! c'est M. Glinglin, le serin.
M. Ratapoil se tapit puis bondit. D'un saut sur la bergère, d'un saut sur l'étagère, il atteint la cage et, sa patte entre les barreaux, frappe l'oiseau.
Enfin tranquille, près du feu fermant les yeux, M. Ratapoil, bâillant à son aise, reprend son rêve.
Mais
glou, glou, glou, quel est ce bruit ?
Dans l'âtre le bois crépite et l'eau bout dans la marmite.
- Quel ennui ! Ne peut-on dormir sans souci en cette vie ! M. Ratapoil étend la patte, écarte les tisons et regarde avec bonheur le feu qui meurt.
Il a roussi son poil, M. Ratapoil, mais il poursuit son rêve sans ennui. Il s'endort avec la souris qu'il dévore. Il oublie tous ses méfaits, Gudule qui est cassée, M. Glinglin qui est blessé et le feu enfin qui s'éteint.
Mais
bzzz, bzzz, bzzz, quel est ce bruit ?
- Ah ! petite bête qui m'embêtes, tu verras si je te touche, si de ma patte je t'attrape.
Fini le sommeil. Contre une abeille, M. Ratapoil est en guerre. Il saute en l'air.
L'abeille vole comme une folle. Elle tourbillonne. Etourdie, elle se meurtrit contre la vitre. Elle se jette dans son effroi près du chat qui guette sa proie. Il attend le bon instant et d'un coup de patte frappe.
Mais
aïe, aïe, aïe, quel est ce mal ?
M. Ratapoil porte en sa chair un aiguillon qui le fait souffrir et gémir, un aiguillon de belle façon.
A pas lents, en boitant, il revient, la patte enflée, près de la cheminée. Il se lèche et se pourlèche.
Le gros chat gris sur son derrière s'est assis.
Il se dit que chacun, sur cette terre, a droit de vivre à sa manière, qu'il n'est pas maître de l'univers.
Il réfléchit, le gros chat gris, qu'en cette vie il est permis au feu de bois de crépiter, à l'abeille de bourdonner, à l'oiseau de chanter, à Gudule la pendule de sonner.
M. Ratapoil, près de la cheminée, les yeux mi-clos s'est recouché. M. Ratapoil, le coeur contrit, le pied meurtri, s'est rendormi.
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