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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURSortirons-nous ce soir? C'est la question que se posent périodiquement les jeunes parents qui éprouvent le besoin légitime de sortir « en amoureux », comme ils aimaient à le faire avant d'avoir des enfants. La possibilité de s'évader et de se délasser un ou deux soirs par mois se présente très différemment suivant qu'on habite une villa isolée ou un appartement d'immeuble locatif, suivant le nombre et l'âge des enfants, suivant le caractère et l'émotivité de ces enfants. Il n'est pas question de laisser plusieurs heures un enfant unique dans une maison seule, par exemple. En revanche, s'il y a plusieurs enfants et si l'on peut compter sur l'esprit d'à-propos et le sens des responsabilités de l'aîné, le problème se présente tout autrement. Peut-on envisager de laisser un enfant seul dans un appartement ? Certainement ; mais, s'il s'agit d'un petit, il me paraît indispensable de s'assurer qu'une voisine peut venir jeter un coup d'oeil une ou deux fois dans la soirée. - Mais, notre enfant dort comme une marmotte. C'est tout à fait inutile ! Tant que son sommeil reste bon et que tout va bien, cette précaution paraît en effet superflue. Mais, savez-vous à l'avance quand votre enfant aura un cauchemar ou une indigestion ? Imaginez-vous ce que c'est, quand on a 18 mois ou 3 ans, que de s'éveiller dans la nuit, d'appeler sans recevoir de réponse, de se sentir seul et sans secours au moment d'un mâlaise ? On connaît un grand nombre d'enfants (pour ne pas parler des adultes !) qui sont devenus exagérément craintifs à l'égard de l'obscurité et de la solitude parce qu'ils ont fait une expérience de ce genre quand ils étaient petits. C'est une émotion intense et grave lorsqu'on se sent faible et démuni, que d'être placé dans des circonstances telles qu'on puisse imaginer avoir été abandonné par ses parents. Abandonné : voilà comment il interprète sa situation, le petit qui découvre qu'il est seul et qu'il n'en a pas été prévenu. Cette idée d'abandon n'effleure même pas les adultes qui quittent leur enfant pour deux ou trois heures. Car, pour eux, il est évident qu'ils reviendront, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Pour l'enfant qui n'a pas été informé, c'est le contraire qui est évident : « puisqu'il n'y a plus personne dans l'appartement, c'est que les parents sont partis pour toujours. » On sait avec certitude que c'est de cette manière que les jeunes enfants interprètent l'absence des parents ; il vaut donc la peine de prendre une ou plusieurs précautions, afin d'éviter dans la mesure du possible, le développement de la crainte, du doute, de l'inquiétude ou de l'angoisse. Que faire ? Tout d'abord, et dans tous les cas : expliquer ce qui va se passer, avec votre voix la plus naturelle et la plus assurée. Il y a neuf chances sur dix que l'enfant n'accepte pas du premier coup la perspective de votre départ : d'une part, il est très possessif ; d'autre part, il craint vaguement de ne plus vous revoir ; cela ne signifie pas qu'il ne doive jamais commencer à s'exercer à vous quitter ; au contraire : c'est bon pour lui de prendre assez tôt l'habitude de se séparer de vous, puis de vous retrouver, dans de bonnes conditions. Il s'entraînera ainsi graduellement à supporter votre absence et se fortifiera en constatant chaque fois que les choses se passent comme cela avait été convenu. Ensuite (surtout la première fois), faire une petite répétition générale de ce que l'enfant fera si un imprévu se produit : trouver seul l'interrupteur de la lampe (savez-vous qu'il en existe de phosphorescents ?) trouver seul le vase de nuit ou la porte des W.C., possibilité d'ouvrir la porte de l'appartement et d'appeler telle ou telle voisine ; convenir également, avec des enfants plus grands, de l'opportunité qu'il y a de répondre si on sonne à la porte ou au téléphone. (Donnez éventuellement un numéro où on peut vous appeler, vous ou une parente sécurisante.) Toutes ces précautions ne sont pas destinées à suggérer des idées d'accidents ou de malheurs. Au contraire ; si vous les envisagez avec calme et naturel, elles prémuniront vos enfants contre la panique et les terreurs. Enfin, une bonne chose est de prendre l'habitude de laisser une lumière dans l'appartement, avant de s'en aller. C'est un des meilleurs moyens d'éviter la « peur du noir ». Un enfant dont les parents allumaient toujours la lampe de la cuisine avant de partir, disait, avec un sentiment touchant de sécurité : « Je suis tranquille ; si je me réveille et que tout est éteint, je sais que mes parents sont là ; s'il y a de la lumière, c'est qu'ils ne sont pas encore rentrés ; mais je peux me débrouiller tout seul. » Accordez-vous donc sans mauvaise conscience, de temps en temps, une soirée pour vous délasser ou vous enrichir ! Mais prenez les précautions élémentaires qui éviteront à vos enfants le sentiment vague, mais pernicieux, d'avoir été trompés, ou abandonnés ; qui empêcheront aussi qu'ils deviennent poltrons ou angoissés. |
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