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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Les jeunes grand'mères

Une tasse de thé, quelques friandises, un peu de temps libre avaient réuni ce jour-là, cinq jeunes grand-mères dont l'amitié remontait aux bancs de l'école. Elles en étaient arrivées très vite aux sujets qui leur tenaient le plus à coeur :« le charme exceptionnel de leurs petits-enfants et le souci que leur donnaient les jeunes ménages ». Elles en parlaient, comme s'ils formaient une extension de leur propre ménage ; chacune d'elles y jouait un rôle important et ingrat, et toutes étaient en peine des repas, du nettoyage, des lessives, des santés, des sorties, des vacances, des relations, comme si elles en avaient la responsabilité et la haute direction.
- N'en faisons-nous pas trop ? s'inquiéta l'une d'elles prise de scrupules. Elle fut interrompue par de hauts cris : « On n'en fait jamais trop lorsqu'il s'agit de ses enfants ! Ils n'en sortiraient pas sans nous ! Les jeunes femmes n'ont plus la santé que nous avions. - Le salaire des femmes d'ouvrage est trop élevé. - Ma fille tient à continuer son métier. « La mienne est beaucoup trop seule… »
La scrupuleuse reprit :« A quel titre montons-nous à bord de leur barque ? Comme capitaine ou comme manoeuvre ? ».
- Comme manoeuvre, voyons !
- Soit. Mais le manoeuvre connaît bien mieux le métier que le capitaine. C'est dangereux pour le manoeuvre; très vite il va se prendre pour le grand boss et se rendre à la fois odieux et indispensable.
C'est également dangereux pour le capitaine, qui va perdre toute initiative personnelle et toute autorité sur son équipage.
L'aînée de ces dames acquiesça. « Il est vrai que lorsque nous étions des jeunes mariées, nos mamans n'étaient pas si complaisantes, et cela avait du bon : nous acquérions très vite une certaine expérience… ».
Une voix aiguë lui cria :« Tu ne vas pas nous reprocher d'aimer trop nos enfants ? ».
- Certes non ! Mais… peut-être de mal les aimer ou de trop nous rechercher nous-mêmes. Alors que nous ne parlons que de générosité et de dévouement, ne se glisse-t-il pas en nous la passion de rester nécessaires, le besoin d'être payées de retour, ou le désir de maintenir notre autorité, notre influence ou… la première place dans le cÅ“ur de notre enfant ?
Ce fut un joli charivari ! Dans l'atmosphère surchauffée, l'indignation faisait perler quelques larmes.
- Tu es horrible ! Tu as toujours vu le mal où il n'est pas…
- Mais non, je vous convie simplement à un petit examen de conscience. Ainsi, pour ma part, je me demande si je ne lâche pas trop facilement mon propre travail pour le plaisir de retrouver auprès de mes enfants mariés le souvenir de mes jeunes années ? Si je ne préfère pas jouer à la poupée avec mes petits-enfants au lieu de m'occuper des adolescents dont j'ai encore la charge et qui sont si difficiles à vivre et à comprendre. Notre foyer ne va-t-il pas souffrir de mes fréquentes absences, perdre de son intimité et glisser à la dérive. Que devient notre mari dans notre programme trop chargé ?
- Il comprend la situation ! réplique une optimiste. Les maris d'aujourd'hui sont plus complaisants que nos pères.
- Ne le sont-ils pas trop, en acceptant si facilement nos absences… gare à l'indifférence naissante. Et les nombreuses intrusions de nos jeunes ménages avec tout ce qu'elles comportent de désordre et de cris d'enfants, de langes à sécher un peu partout, de biberons sur les meubles polis, d'encombrement à la salle de bain… ne troublent-elles pas profondément l'atmosphère de notre foyer tant pour les étudiants qui nous restent que pour notre propre paix conjugale ?…
- Devons-nous pour cela abandonner nos jeunes foyers ?
- Il ne s'agit pas de les abandonner. Ce sont eux qui nous ont quittés, librement, joyeusement pour construire à leur tour une famille nouvelle.
- Et nous ! Quel rôle avons-nous encore à remplir auprès d'eux ? Que nous reste-t-il donc à faire ?
- Beaucoup de choses, mais autre chose que ce que nous avons fait pour eux durant vingt ans. Fini le doux devoir de les nourrir, de les vêtir, de les conduire, de nous occuper de leur santé, de leurs désirs, de leurs problèmes, de leur bonheur. Quelqu'un d'autre s'en charge à notre place… nous n'avons plus vis-à-vis d'eux, ni autorité ni responsabilité.
- En un mot, nous voilà à notre tour des B.I. (bagages inutiles), comme nous appelions irrespectueusement, mais sans le penser, nos propres parents, il y a trente ans.
- Pas du tout inutiles, jeunes grand-mères, si nous avons la sagesse de transformer en lien d'amitié le lien instinctif qui nous unit à nos enfants mais qui, avec l'âge, va en s'affaiblissant. Cette amitié entre parents et grands enfants est une fleur rare et précieuse qui devrait fleurir sur toutes les affections familiales. Pour nos enfants qui ne connaissent de nous qu'une seule face, elle sera une révélation ; pour nous elle nous fera voir avec d'autres yeux, ces hommes et ces femmes issus de nous et sur lesquels nous nous projetons peut-être trop. La véritable amitié n'est pas exigeante, ni tâtillonne, ni encombrante. Elle attend, écoute, encourage et pardonne. Elle est fidèle et présente, attentive aux besoins et prête à rendre service, mais toujours dans le respect des goûts et des libertés mutuels. Puissions-nous nous connaître et vivre longtemps pareille amitié. Elle demande pourtant aux parents le courage de renoncer à leur emprise comme elle demande aux enfants le courage d'assumer pleinement leurs responsabilités nouvelles. Est-ce possible si leur vie et la nôtre restent trop intimement mêlées ?









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