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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Demandé d'urgence : des adultes honnêtes

Alors, vous croyez vraiment que je ne dois pas prendre certaines de leurs remarques au tragique ?
En disant ces mots, Carole s'enfonça plus profondément dans le fauteuil où j'installe mes visiteurs. Sa bouche avait encore le pli boudeur de l'enfant en révolte, mais déjà un éclair de malice dansait dans ses yeux bruns. Elle était charmante ainsi, dans toute la fraîcheur de ses quinze ans. En d'autres circonstances, elle en aurait sans doute été très consciente. Mais pour l'instant, toute à ses soucis, elle n'en avait cure. C'est après l'une des trop fréquentes et violentes discussions qui l'opposent à ses parents qu'elle s'était réfugiée chez moi. Je l'avais peu à peu calmée, et il me fallait maintenant réfléchir à ce que je pouvais faire pour elle.
Les parents de Carole sont intelligents, soucieux de bien faire, et ils aiment leur fille, je le sais. La difficulté, dans leur cas, vient de ce qu'ils maintiennent une distance excessive entre celle-ci et eux-mêmes. Non pas certes, comme il arrive hélas ! souvent, en ne s'occupant pas suffisament d'elle ou en manquant de tendresse à son égard, mais parce que, sans peut-être bien s'en rendre compte d'ailleurs, ils se sont mis, en tant qu'adultes, en tant que parents, sur une sorte de piédestal.

Vingt-cinq ans de différence, mais pas nécessairement de sagesse.

Du haut de leurs principes, de leur « expérience », de l'efficience évidente avec laquelle ils conduisent leurs vies, ils jugent, critiquent et condamnent même volontiers les opinions, les goûts, la conduite de leur fille et des autres jeunes, tout en s'imaginant avec une parfaite bonne foi qu'ils font l'effort de compréhension nécessaire.
Cette situation n'est pas rare et elle est sans doute en partie explicable. Nous avons en moyenne vingt-cinq ans de plus que nos enfants, nous avons évolué vers la maturité, nous avons dû apprendre à composer avec certaines réalités. De plus, nous nous référons instinctivement à notre propre jeunesse pour juger de la leur. Il peut même arriver que nous nous laissions influencer, dans nos façons de voir, par certaines descriptions stéréotypées de la jeunesse actuelle. Bref, pour toutes ces raisons, parfois pour d'autres encore, il est inévitable que nous ne soyons pas parfaitement au diapason avec eux.
Ils ne nous en demandent d'ailleurs pas autant. Ils ont, en un certain sens, besoin que nous soyons différents d'eux, et ils peuvent nous trouver tout bonnement ridicules si nous essayons de jouer aux « copains ». Là pourtant où les choses se gâtent, dans le cas de Carole, dans le cas de bon nombre de ses contemporains et contemporaines, c'est alors qu'intervient dans notre attitude à nous autres éducateurs un élément qu'il ne faut pas hésiter à taxer de pharisaïsme. Lorsque l'on entend parler certains parents, lorsque l'on lit certains des articles écrits par ceux qui, à un titre ou à un autre, ont à s'occuper de nos adolescents, l'on retrouve souvent dans les propos tenus par les uns ou les autres un sentiment de leur propre supériorité qui doit leur être bien agréable. Nous sommes, il est vrai, ainsi faits que si quelque chose peut entretenir ou accroître en nous l'idée que nous nous faisons de notre valeur personnelle, nous l'utilisons de tout notre coeur.

Sommes-nous vraiment supérieurs?

Or l'enfant, durant les premières années de sa vie, comble d'une façon très particulière et complète ce besoin - normal - que nous avons de nous affirmer. Il dépend de nous. Il nous accorde une confiance totale. Nous pouvons même lui donner parfois l'impression que nous sommes infaillibles. Et il est souvent de notre devoir de lui imposer notre volonté. Si nous sommes des éducateurs suffisamment capables, le principe même de notre autorité n'est pas mis en question. Ces divers facteurs concourent à nous donner une espèce de sécurité.
Pour pouvoir guider avec fruit un adolescent, par contre, cette sécurité doit être dans une certaine mesure abandonnée. L'adolescent a besoin d'une chose avant toute autre : c'est de trouver en face de lui des aînés, des adultes, qui soient totalement honnêtes, à l'égard d'eux-mêmes d'abord, à son égard ensuite. A cela, une raison dont les parents ne sont pas toujours suffisamment conscients: l'adolescent se sent désorienté, même s'il ne le comprend pas clairement, même - et surtout - s'il essaie de donner et de se donner le change par des fanfaronnades. Faire à notre tour parade, devant lui, de notre assurance « supérieure », c'est d'abord ne pas le soulager de son anxiété, c'est ensuite tricher en exagérant les différences qui existent entre la jeunesse et la maturité, l'inexpérience et l'expérience; alors qu'il n'y a en réalité qu'une conduite à adopter : le rassurer sur ses possibilités personnelles et lui donner les moyens de les mettre en oeuvre efficacement.
Entendons-nous bien : il ne s'agit pas d'abdiquer simplement une autorité qui demeure largement nécessaire. Ni d'éprouver des sentiments de culpabilité parce que nous avons pu commettre des erreurs en élevant nos enfants: celles-ci sont jusqu'à un certain point inévitables et la vie en commun avec des enfants n'est pas rose tous les jours pour les adultes. Il s'agit moins encore de faire à nos fils ou nos filles des confidences trop poussées, voire des confessions, qui seraient aussi embarrassantes pour eux que pour nous.

Une confiance réciproque.

Mais la révision générale et la mise au point de notre attitude à leur égard doivent être réalisées dans deux domaines :
Tout d'abord, par un sérieux retour sur nous-mêmes, nous devons nous assurer que les remarques que nous faisons aux jeunes, ou les conseils que nous leur donnons, ne sont pas secrètement inspirés par les frustrations que la vie nous a apportées, par des tentatives maladroites pour compenser certains sentiments d'infériorité, par une jalousie subtile à leur égard. Nous aurons également à nous méfier des diverses formes que peut prendre ce que l'on appelle le mécanisme des « projections », et nous nous efforcerons, en particulier, de ne pas voir les problèmes qui se posent à nos enfants au travers des problèmes qui se posent ou se sont posés à nous-mêmes.
En second lieu, il nous faut reconnaître que nous ne sommes peut-être pas, intrinsèquement, meilleurs qu'eux. Que notre « sagesse », même si elle est plus mûre que la leur, est souvent bien mince encore. Que si la vie nous a appris quelque chose, c'est en bonne partie malgré nous et que nous sommes loin d'avoir tiré de ses leçons tout le parti qui aurait pu l'être. Que la valeur de nos jugements est très relative, la solution apportée à nos problèmes parfois boîteuse.
Certes, l'amour voudrait éviter aux autres quelques faux-pas, quelques déceptions cuisantes, quelques erreurs coûteuses. Mais chaque être humain a le droit de faire ses expériences parce qu'à travers elles il s'instruit et grandit. Reconnaissons à nos jeunes le droit légitime de penser par eux-mêmes, de chercher et d'essayer par eux-mêmes. Montrons-leur les difficultés inhérentes à l'existence humaine, mais ne nions pas qu'ils puissent les résoudre, le cas échéant, mieux que nous.
Alors, Carole ou Jacques, Françoise ou Blaise, auront confiance en nous parce qu'ils sauront que nous avons vraiment confiance en eux.









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