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Cas de conscience.
L'autre jour, dans l'autobus, je me suis prise à écouter la conversation de deux mères de famille, qui parlaient de l'instruction religieuse de leurs enfants, de ses effets, de ses répercussions : un tel sujet, une telle conversation dans l'autobus étaient assez insolites - et assez intéressants - pour m'autoriser à écouter, discrètement
Mme X. était sous le coup : Jacques avait déclaré à ses parents à midi qu'il était décidé à ne pas faire sa confirmation. Il déclarait n'être pas au clair sur certains points, et ne pas « croire » comme le pasteur, et certains de ses camarades. Dans ces conditions, participer à cette cérémonie lui paraissait une malhonnêteté, et il demandait qu'on ne le forçât pas à cette « comédie ». M. et Mme X., tout en comprenant en partie cette attitude, la trouvaient quand même scandaleuse : qu'allaient dire la grand-mère, et les voisins ? De plus, le complet était commandé, les invitations aux parrain, marraine, oncles et tantes lancées, et cela ne s'était jamais vu dans la famille que l'on ne fasse pas sa confirmation !
Mme Y. partageait avec sympathie le souci des parents de Jacques. Sa fille Antoinette était dans la même volée, elle ne disait pas grand-chose de son instruction religieuse, elle apprenait bien ce qu'elle avait à apprendre. Le pasteur était satisfait de sa conduite, il souhaiterait seulement qu'elle posât de temps en temps une question au lieu de se contenter de réciter sagement sa leçon.
Mme X. fait remarquer alors que, sur le chapitre des questions, Jacques prétend qu'il en pose souvent, et que le pasteur ne lui répond pas toujours d'une façon aussi complète qu'il le souhaiterait. Il a même l'impression que cela dérange son pasteur
Je n'ai pas entendu la suite de la conversation, mais le problème me paraissait posé, et l'on pouvait facilement en imaginer le contexte.
J'aurais voulu dire à ces mamans qu'on ne pouvait que les approuver et les féliciter de prendre au sérieux ces problèmes, alors que tant de parents y sont indifférents. Mais j'aurais voulu leur dire aussi que la première chose à faire en l'occurrence est de garder leur calme, de ne pas se croire coupables et responsables et de ne pas faire de l'événement une catastrophe nationale.
Certes, il ne faut pas minimiser ni mépriser les contingences matérielles et les conventions sociales : nous ne sommes pas des « super-humains », et Dieu ne nous le demande pas. Les questions d'argent (quand il faut élever une famille, on sait ce que c'est !) ne sont pas négligeables, ni les bonnes relations avec la famille, qui impliquent qu'on a des égards les uns pour les autres, et qu'on évite de scandaliser les personnes âgées.
Nous en sommes tous bien persuadés, mais nous devons aussi nous demander s'il n'y a pas une « certaine manière de ne pas faire les choses qui se font » comme il existe, selon un auteur dramatique anglais, une «certaine manière de faire les choses qu'on ne fait pas».
Ceci dit, sachons tout de même discerner l'essentiel. Et cet essentiel me paraît être, dans le cas qui nous occupe, le souci de sincérité, l'amour de la vérité, l'honnêteté spirituelle de Jacques. Peut-être ce garçon réagit-il un peu par bravade, pour contrarier ses parents, qu'il aime bien, mais qu'il trouve souvent trop conventionnels. C'est possible, il est à un âge où l'on cherche sa personnalité comme on peut, l'opposition étant un des moyens assez utilisés dans cette recherche
Nous savons aussi que certains jeunes catéchumènes qui refusent de faire leur confirmation le font pour des raisons uniquement superficielles et de peu de valeur. Mais le cas de Jacques, plus fréquent qu'on ne croit, est un cas sérieux, et il est bon de ne pas le prendre à la légère.
Les parents de Jacques et d'Antoinette avaient certainement pris au sérieux leur engagement au moment du baptême de leurs enfants et ils s'étaient efforcés de leur faire connaître Dieu. Mais ils ne s'étaient pas engagés à leur donner la foi, ce n'était pas leur affaire. Cela reste l'affaire du Seigneur lui-même, quand, où, et par les moyens qu'Il voudra.
Quels sont les buts de l'instruction religieuse ? Tout d'abord faire étudier et connaître la Bible. Ensuite, cette instruction devrait donner à ceux qui la suivent la possibilité d'aborder en profondeur toutes les questions qui se posent à ceux qui veulent vivre en chrétiens ; problème du témoignage dans le monde actuel, dans le travail, comment entretenir sa vie spirituelle, comment garder la foi devant les mystères de la vie (souffrance, maladie, mort, guerre), etc., etc.
Il faut reconnaître que c'est un « monde ». Il est bien difficile, dans des leçons placées en fin de journée, où, à côté de l'enseignement, il faut faire beaucoup de discipline, il est difficile d'inculquer toutes ces notions, d'éveiller l'intérêt, de susciter la réflexion en s'adressant à des enfants d'intelligence, d'éducation, de développement très différents.
Le catéchumène devrait pouvoir, par cette instruction, assimiler et repenser les croyances proposées. Nous disons « proposées » et non « imposées », cela implique donc qu'on peut les repenser, ou même les refuser, momentanément. Car il s'agit, pour un jeune homme comme Jacques, d'un moment de crise : rien n'est définitif. Jacques a réfléchi, il veut être honnête et vrai, et pour le moment il ne peut prendre l'engagement qu'on lui demande. Ne devrait-on pas se réjouir d'une telle attitude ?
Ne demandons pas à nos enfants de faire leur confirmation, c'est-à-dire de faire une promesse qu'ils ne pourront peut-être pas tenir, parce que « cela se fait» ou par reconnaissance envers les parents et le pasteur !
Sachons les entourer, durant cette période délicate, de calme, d'affectueuse attention avec tout ce que cela comporte de tact et de discrétion, sans moralisme, nous efforçant de faire de la famille le havre de paix et de sécurité dont ont tant besoin nos enfants, grands et petits !
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