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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Comment faire marche arrière

« Une petite chose vivante, chaude et poilue… » voilà, nous dit une psychologue, ce qu'il faut trouver pour votre fille unique qui traverse une crise d'anxiété, assez fréquente à son âge (8 ans).
Nous aurions bien voulu ne pas comprendre ou penser que l'ours en peluche ferait l'affaire, mais, en parents consciencieux et aimants, nous avons accepté de saisir le taureau par les cornes, si j'ose m'exprimer ainsi, sans imaginer pourtant que le résultat de nos cogitations serait l'arrivée au logis d'un adorable petit teckel !
En dépit ou peut-être à cause de divers essais d'élevage, allant de la perruche au poisson rouge en passant par la tortue, les souris blanches et les têtards, nous n'étions ni l'un ni l'autre particulièrement attirés par la gent animale, et le fait d'habiter un cinquième étage dans un immeuble planté au bord d'une rue à grande circulation n'arrangeait pas les choses. Mais après tout, d'autres que nous, avaient élevé un animal à quatre pattes dans de mêmes conditions. Après maintes discussions, dont je vous fait grâce bien qu'elles aient été pleines de saveur, sur les avantages respectifs du chien et du chat et bousculés par des circonstances inattendues, c'est donc un basset à poil ras que nous avons accueilli un jour au logis familial.
La joie de Claude en découvrant ce jouet vivant, blotti dans une ravissante corbeille garnie d'un tissu à fleurs du plus bel effet (nous avions bien fait les choses !) a été notre récompense.
En conseil de famille, et munis du parfait manuel « comment s'élève mon chien » (Marabout-flash) nous voici organisant les journées de Lutin - ainsi fut-il baptisé -, décidant de notre attitude éducative et de nos tâches respectives.
Un chiot de deux mois a tout à apprendre, et les maîtres d'un chiot de deux mois aussi !
Il faudrait la plume d'un écrivain épique pour décrire toutes nos expériences. Les premières nuits d'aboiements continuels, de jappements attristés, de courses en rond dans la cuisine, de gronderies, de cajoleries jusqu'au moment où, d'épuisement, Lutin s'est endormi et nous aussi, malheureusement à l'instant où la sonnerie stridente du réveil retentissait. Les leçons de dressage pour apprendre à ne pas faire ses besoins ailleurs que sur un journal ; à huit semaines, on ne descend pas encore sur le trottoir.
Notre chien était intelligent ; grâce à nos leçons répétées avec acharnement, très vite il a compris ce que l'on attendait de lui. Il s'approchait du journal, il y plaçait ses pattes. Ce n'était pas de sa faute si l'arrière-train dépassait parfois. De plus, il se montrait éclectique en souhaitant s'installer non pas sur n'importe quelle « feuille de chou », mais seulement sur le « Figaro Littéraire », ni plus ni moins !
Ces premières semaines ont été mouvementées, absorbantes, tout entières centrées sur le chien. Comme il était mignon, touchant, affectueux, et si drôle lorsqu'il courait après sa balle, se couchait sur le dos pour quêter une caresse ou, fâché, cachait son museau entre ses deux pattes.
Bien sûr, maman trouvait bien encombrant ce nouveau membre de la famille qu'il fallait surveiller deux fois plus qu'un bébé, qui rongeait les tapis, devait (le stade journal dépassé) être descendu au grand galop sur le trottoir plusieurs fois par jour (du cinquième étage, jugez plutôt de la dégringolade), qui mangeait comme quatre et qui aboyait comme huit. Mais, à tout prendre, les progrès étaient sensibles et Claude paraissait si heureuse. Papa, lui, affirmait que les promenades à onze heures le soir étaient très hygiéniques et qu'il n'en dormait que mieux. Les voisins se montraient accommodants et Lutin, lui, éclatait de santé…
Mais une situation qui paraît agréable pendant une courte période peut devenir lourde si elle se prolonge.
Le chien est un jouet charmant, vivant, chaud, etc… (voir plus haut), mais dont il faut s'occuper sans désemparer. Le matin de bonne heure et le soir assez tard. Et le dimanche matin comme les autres (qui aura le courage de descendre, un manteau sur son pyjama ?) et pendant les vacances aussi. Lutin s'avère extrêmement sociable ; aussi n'apprécie-t-il pas les soirées solitaires. Mais par contre il aime les randonnées sans fin. « Quel teckel splendide» s'exclame le vétérinaire à la première visite, « pour qu'il soit heureux, il lui faut deux à trois heures de promenade par jour ! »
Bien entendu nous souhaitons qu'il soit heureux mais de là à pouvoir lui consacrer trois heures par jour !
Et puis, il y a les jours de pluie, les jours de neige, les jours de bise… les pattes sales, les parquets souillés !
Alors peu à peu le doute s'insinue dans nos esprits. Avons-nous bien fait de prendre un chien dans un appartement sans jardin ? Avons-nous choisi la bonne race ? Pauvre bête ! une heure de promenade au parc ne suffit pas à calmer son surplus de vitalité. La couchette si douillette (le beau tissu à fleurs n'est déjà qu'un souvenir… effrangé) est installée à la cuisine, et c'est dans notre lit qu'il voudrait dormir ! Il le manifeste clairement chaque nuit en aboyant énergiquement. La douceur, la sévérité, rien n'y fait. Elle nous aime trop cette bête… C'est nos lits, nos fauteuils, nos genoux qu'elle veut.
Claude, après plusieurs semaines de plaisir délirant, trouve très agréable de dorloter son chien au moment où « la petite chose vivante, chaude »… (revoir plus haut) s'avère souhaitable. Pourtant elle a de la peine à prendre une responsabilité régulière concernant cet animal que pourtant elle aime. Mais il y a les heures de lecture, les heures de jeux, les invitations, etc., où le chien est de trop. Bref, malgré l'enthousiasme du début, les regards attendrissants de Lutin, cette présence continuelle, bruyante, exigeante devient aussi pesante.
Il faut nous séparer du chien.
Comment le faire admettre à notre fille sans provoquer un choc psychologique ?
Lutin lui-même nous aide à trouver la solution. Il a huit mois et sa vitalité se décuple encore. Il passe deux nouvelles nuits à aboyer. Lorsqu'à deux heures du matin, la troisième nuit, nous nous retrouvons, mon mari et moi, galopant aux trousses du chien pour essayer de le fatiguer, nous comprenons que le moment de la séparation est venu. Les voisins ne demandent pas mieux. Claude, qui a aussi du sommeil en retard, admet que ses parents n'en peuvent plus et accepte que Lutin parte en vacances pour une semaine dans un chenil. Pendant cette semaine-là, nous établirons le bilan de cette expérience. Sur une grande feuille de papier partagée en deux colonnes, nous notons toutes les occasions où nous aurions souhaité avoir Lutin avec nous colonne « plus ») et toutes celles où il aurait été de trop (colonne « moins»).
Après huit jours, la colonne négative étant de beaucoup la plus longue, la séparation est décidée. Lutin fut donné à une dame seule et neurasthénique, habitant la campagne. Grâce à lui, elle a retrouvé équilibre et santé.
Pourquoi vous ai-je raconté si longuement cette expérience, qui, en définitive, semble se terminer par un échec ?
Eh ! bien, parce qu'à tout prendre, le bilan est un succès et non une défaite et que chaque membre de la famille s'est enrichi grâce au petit basset.
Résultats :
1. Un abonnement au « Figaro Littéraire ».
2. Une leçon à garder et à transmettre : en essayant d'éduquer Lutin les parents ont touché du doigt la nécessité de la répétition et l'immense avantage des habitudes acquises dans le tout premier âge.
3. Une découverte : notre fille a appris ce que signifie « prendre la responsabilité de… » et a compris que lorsque cette responsabilité était impossible à envisager totalement, il valait mieux renoncer
4. Une bataille contre l'égoïsme gagnée : Claude a senti également que son propre plaisir ne devait pas faire oublier celui des autres et que pour papa, maman et les voisins, Lutin était souvent un encombrement, une charge, une fatigue.
5. Une victoire commune : tous ensemble nous avons apprécié la joie d'une décision envisagée, pesée, discutée et acceptée en commun. Le départ de Lutin a laissé un vide certes. La rencontre au parc ou dans la rue d'un petit chien au même regard implorant provoque un attendrissement, mais jamais ni regret, ni amertume.
6. Une attitude stupide éliminée : la compréhension qui, en nous, a remplacé un certain sentiment de moquerie à l'égard des humains attachés à leur chien comme à un enfant, est aussi un progrès réalisé grâce à cette expérience.
7. Un passif liquidé : une fois pour toutes, elle - l'expérience - a été faite et la question n'a plus à être envisagée périodiquement. Quel repos !… jusqu'au moment où - c'est promis, promis - nous disposerons d'une villa et d'un jardin ; alors, à nous des ribambelles de Lutins, chahuteurs, aboyeurs et… amateurs de bonne littérature.









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