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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Quelques considérations sur l'intelligence

L'auteur des lignes qui suivent enseigne actuellement la psychologie à l'Université Libre de Bruxelles. Il a rassemblé dans un ouvrage intitulé « Faire des adultes » quelques chapitres qui tirent leur origine d'un cours qu'il a professé à Liège: le but de l'éducation. Changer, grandir, apprendre. Motivations et stimulations. L'intelligence. La mémoire et l'oubli. La personne.
Ceux qui ne se laisseront pas rebuter par la lecture de ce texte un peu plus ardu que ce que nous proposons habituellement, liront avec intérêt le livre d'où il est tiré (collection « Psychologie et sciences humaines », éd. Charles Dessart).


Importance du « climat »

Si l'adulte de demain est appelé, comme l'écrit M. Louis Armand, à « vivre dans un monde aux dimensions transformées et aux données mouvantes » et s'il est destiné à faire face activement à des problèmes nouveaux, de complexité toujours croissante, auxquels il devra trouver des solutions originales, alors l'entraînement à une pensée intelligente, efficace, créatrice, constitue l'un des objectif pédagogiques capitaux. L'enfant doit apprendre à réfléchir par lui-même, à penser à son propre compte plutôt qu'à répéter les informations reçues ou à reproduire la gamme des solutions toutes faites imaginées par ses prédécesseurs. Dans un monde toujours plus complexe, l'enfant doit être entraîné à être intelligent…
Il n'entre pas dans notre propos de nier la trop évidente réalité des limites individuelles, parfois fort étroites, auxquelles se heurtent les efforts des éducateurs ; mais est-on toujours certain d'avoir atteint ces limites, d'avoir tout essayé ou, plus simplement, d'avoir mis tous les atouts du côté de l'éducation ? Ne se contente-t-on pas trop facilement de cet oreiller de paresse qu'offrent à l'éducateur et à l'enfant un certain nombre de clichés familiers concernant la bêtise ?… Trop de travaux, en effet, mettent aujourd'hui en évidence l'impact de facteurs affectifs, éducatifs, économiques, sociaux ou culturels sur le rendement intellectuel pour que l'on puisse encore considérer avec une bonne conscience pédagogique l'« intelligence » d'un individu comme une grandeur constante et définitive… On sait combien les altérations de la santé de l'individu, combien les modifications de l'équilibre familial ou du régime éducatif, combien les états de tension ou d'insécurité, combien un simple changement de classe ou de maître peuvent retentir sur la manifestation des capacités intellectuelles. On sait aussi que ces capacités, chez l'enfant, présentent une relation fort étroite avec les caractéristiques socio-économiques ou culturelles du milieu familial et avec le niveau d'éducation des parents. Des enquêtes ont mis en évidence l'évolution intellectuelle très favorable, après adoption dans un bon cadre familial, de jeunes enfants provenant de milieux extrêmement déshérités au point de vue mental. D'autres ont révélé comment, d'un groupe d'enfants abandonnés, recueillis dans un même orphelinat, ceux qui fréquentaient une bonne école maternelle se développaient mieux que les autres du point de vue intellectuel. On pourrait multiplier les exemples de ce genre et souligner ainsi, s'il en était encore besoin, que l'intelligence ne se développe pas indépendamment des sollicitations du milieu dans lequel l'individu se développe et des expériences qu'il y vit, et qu'elle n'apparaît nullement comme une entité séparable de l'ensemble de la personnalité de l'enfant.

Que pouvons-nous faire pour que l'enfant devienne aussi intelligent qu'il peut l'être?

Il n'est pas du tout certain que nos usages éducatifs traditionnels développent au mieux et exploitent au maximum les potentialités intellectuelles de chacun. Il est permis de penser que le régime hérité de nos pères ressemble peut-être trop à un crible et que, plutôt que de se poser à propos de l'enfant la question classique :« Est-il intelligent ? » on devrait, dans la perspective pédagogique et sociale d'aujourd'hui, se poser cette autre question : « Que pouvons-nous faire pour qu'il devienne aussi intelligent qu'il peut l'être ? » Et à ce propos, il faut sans doute bien admettre que tout n'est pas toujours mis en oeuvre et que, d'ailleurs, notre ignorance est encore considérable. Aussi désagréable que ce soit, on doit bien reconnaître que s'il existe des familles et des écoles qui favorisent l'intelligence, il en existe aussi bien d'autres, hélas ! qui au contraire en empêchent ou en limitent l'épanouissement. Si l'on connaissait mieux les caractéristiques propres aux unes et aux autres, ainsi que les attitudes dominantes propres aux adultes qui les régissent, peut-être arriverait-on à mieux organiser l'éducation et à l'agencer de manière à ce qu'elle « produise » plus d'intelligence.
Il ne paraît plus utopique de penser que la psychologie puisse apporter quelque lumière à la solution de ce problème…
Il faut rappeler avant tout que l'intelligence et les facteurs qui favorisent son épanouissement s'élaborent bien avant qu'il ne soit question d'école. Cette élaboration commence dès le berceau, peut-on dire, et dès à propos des activités les plus primitives. La tradition nous a si bien centrés sur les aspects conceptuels, abstraits ou « scolaires » du fonctionnement intellectuel que nous en avons perdu de vue les conditions élémentaires. L'intelligence, c'est, avant tout, une certaine organisation de l'action en vue d'un but. Elle implique donc, à tous ses niveaux, mais de façon plus évidente peut-être à ses niveaux fondamentaux, le désir, l'initiative et l'activité. Qu'un jeune enfant soit par extraordinaire sans désir, que rien ne se propose à lui ou ne le sollicite, et il n'organisera aucune action, faute de but. Qu'un autre soit, par crainte ou par timidité, porté à se détourner du monde ambiant, qu'il n'ose pas se risquer dans l'action, convaincu qu'il est de son impuissance ou assuré par l'expérience de l'inutilité ou de la nocivité de toute démarche venant de lui, et il n'organisera rien non plus, se contentant de rêver la satisfaction de ses désirs plutôt que de chercher à l'assurer. Ce qu'on appellera apathie, absence d'intérêt ou d'investissement chez l'un, passivité, nonchalance, anxiété ou prudence excessive chez l'autre, font mal augurer de leur développement intellectuel à tous deux si rien ne vient modifier ces attitudes qui se rapprochent précisément de ce que l'on peut observer dans certains cas de déficience mentale. Or, on ne se doute apparemment pas qu'il est des régimes « éducatifs » de nature à provoquer plus ou moins directement de telles attitudes.
La présence de stimulations extérieures variées, la liberté d'explorer et d'investiguer, de se livrer à mille expériences de toutes sortes et de s'exercer aux activités les plus diverses, la possibilité d'élaborer graduellement une espèce de foi naïve et implicite dans les chances d'aboutissement de l'action propre, paraissent bien constituer autant de conditions fondamentales du démarrage de l'intelligence. Et tout ce qui limite exagérément ces conditions semble bien être de nature à hypothéquer son évolution ultérieure. Peut-être les parents ne sont-ils pas suffisamment avertis de l'importance de ces facteurs et sont-ils trop peu sensibilisés à la valeur profonde de la manipulation, de l'investigation libre, du jeu spontané pendant les premières années de la vie… On considère trop volontiers cette activité comme une agitation gratuite et sans profit, que l'on peut à la rigueur tolérer ; on ne voit pas assez qu'elle constitue en fait le fondement même de toute activité mentale, digne dès lors de quelques égards et de quelque considération.

Ne freinez pas constamment. Banissez la crainte et l'anxiété!

Or, à l'égard de toute cette activité ludique… l'attitude des adultes prend des formes très diverses. Les uns ne songent qu'à la restreindre : il faut rester tranquille, il ne faut pas faire de bruit, il ne faut pas déranger les grandes personnes ; en un mot, il faut être sage. Au besoin, les avertissements, les menaces, les sanctions conduiront l'enfant à voir son activité comme coupable et ses initiatives comme nécessairement mauvaises : il se figera dans la passivité pour conserver l'affection parentale. D'autres interfèrent par leur anxiété et leurs craintes : ils ne voient que les dangers, les accidents possibles ; ils croient devoir aider l'enfant dans chacune de ses entreprises, le soutenir à tout moment dans sa faiblesse et son ignorance, le mettre en garde contre tous les périls ; ils s'interposent constamment de manière protectrice entre le monde et lui. Ce faisant ils accentuent à ses yeux sa totale impuissance devant un univers essentiellement dangereux et plein de menaces, dans lequel il serait bien téméraire d'oser s'aventurer. D'autres encore ne s'intéressent pas à ce qu'il fait, ne l'aident jamais dans ses efforts, ne participent jamais à ses triomphes, ne lui suggèrent jamais aucune activité plaisante ni aucune performance, ne font jamais appel à ses services ; ils lui font ainsi sentir qu'il vit dans une sphère à part, sans valeur à leurs yeux, où tout ce qui pourrait se passer ne peut en aucune manière les concerner. Ces adultes ignorent les uns et les autres que, par leurs attitudes à l'égard des activités enfantines, ils contribuent grandement à déterminer le cadre de référence par rapport auquel l'enfant apprend à se juger lui-même et à évaluer ses entreprises.
Que l'on n'aille pas s'imaginer que tout cela est sans poids, sans importance, ni surtout sans rapport avec notre objet ! S'il est assurément trop elliptique d'affirmer que la passivité rend bête, que l'anxiété réduit l'intelligence et que l'absence de valorisation de la part de l'adulte altère le dynamisme progressif de l'enfant, il est pourtant permis, à la lumière de l'expérience clinique, de penser que des situations de ce genre, se prolongeant pendant des mois et des années, ne sont pas sans effet et qu'elles peuvent déterminer chez l'enfant, à l'égard du monde, des êtres et de soi-même, des attitudes qui s'inscrivent aux antipodes de celles qui seraient de nature à favoriser un fonctionnement harmonieux, audacieux et efficace des possibilités intellectuelles. Il est permis de croire au contraire que l'acquis résultant des expériences de la petite enfance (et qu'il importe de bien situer précisément dans son contexte d'enfance pour ne pas nous faire dire ce que nous ne pensons pas), contient plus de promesses pour le développement intellectuel ultérieur de l'individu que toutes les exhortations à être « raisonnable» qui ne sont le plus souvent que des appels à la passivité et à la pusillanimité. Le doute de soi, la crainte, la peur de s'engager constituent les freins les plus puissants à l'envol de l'intelligence…









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