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Une carte
dix lettres
ou le silence?
La décision est prise. Cet été, vous allez vous séparer de votre enfant pendant quatre semaines. Il part « en colonie ». Dûment préparé, selon les principes de nombreuses fois décrits dans « Les Entretiens sur l'éducation », il partira sans arrière-pensée, joyeux, et ses parents le seront aussi. Mais une question se pose. Devez-vous, pendant cette absence, exiger qu'il écrive souvent ? Devez-vous, vous-même, écrire fréquemment pour éviter l'ennui, ou au contraire renoncer à toute correspondance qui risquerait de lui donner une envie irrésistible de rentrer à la maison ?
Essayons ensemble de trouver l'attitude juste, après avoir médité sur quelques faits concrets et
authentiques !
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Bernard (15 ans) est en camp. Une première lettre est expédiée : très longue, très nuancée, avec entre autres cette remarque : « Jeudi, le chef nous a cassé les pieds en nous faisant visiter le musée de L. C'était barbant
! »
Seconde lettre, très brève : « Tout va bien, baisers. »
A son retour, Bernard, interrogé sur ce mutisme soudain, déclare : « Ils » lisaient nos lettres, alors ? Tu penses ! »
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Une lettre de Sylvie (9 ans), depuis une semaine en colonie. La joie est de courte durée. Sylvie raconte avec force détails tragiques un accident épouvantable qui lui est arrivé. Elle est tombée d'un rocher très haut, s'est fait un immense trou à la tête, elle a saigné toute la nuit, elle a eu horriblement mal, etc., etc.
Maman bondit au téléphone, persuadée d'apprendre que Sylvie disparaît sous les bandages et qu'elle est à deux doigts de la mort. (Il est vrai qu'une moribonde n'aurait pu écrire, mais allez rassurer aussi simplement une mère anxieuse ! )
Le téléphone lui apprend que Sylvie gambade dans la forêt avec ses amies. Sa tête ? Oh ! une simple coupure du cuir chevelu. - Une grosse hémorragie ? Mais non, Madame, vous savez bien que la moindre blessure à la tête saigne abondamment, mais sans danger
Tout est bien qui finit bien.
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Les parents de Claire aiment écrire, Claire aussi. Inutile de dire qu'à la moindre séparation, de nombreuses lettres, presque journalières, rejoignent la fillette partie dix jours en camp de ski.
L'année suivante, Claire, avec tact et fermeté, demande à sa mère de ne pas écrire si souvent : « Tu comprends, les autres ne reçoivent pas autant de lettres. Alors
ils se moquent de moi
et s'imaginent que je suis un bébé qui s'ennuie de sa maman !»
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Maman, très heureuse, montre à son mari une longue lettre de Paulette qui raconte la vie de la « colo » : « Et pi on a têlemant rigolé. Y a les moniteure qu'on joué une comédie en se déguizan
etc »
(sic).
Le père d'un air tragique : « J'aimerais mieux qu'elle n'écrive pas si son orthographe et son style ne devaient pas s'améliorer ! Renvoie-lui sa lettre, en soulignant les fautes. »
Paulette n'a plus écrit, et son père s'est étonné !
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Paul fait ses bagages. Maman glisse dans sa valise, avec les recommandations d'usage, un carnet de cartes postales, timbrées et adressées. Il sera facile à Paul d'écrire régulièrement pendant son absence.
Au retour, on remercie Paul de ses envois réguliers.
« Oh ! c'était facile
Pour me débarrasser de cette corvée, j'ai écrit toutes mes cartes le premier soir, et après je n'avais plus qu'à les glisser dans la boîte ! »
***
Quels conseils nous suggèrent ces anecdotes ?
1. Bien connaître les réactions de son enfant.
Une première séparation demandera davantage de contacts, lettres, téléphones, éventuellement visites, si l'enfant a besoin de sentir que sa mère ne l'a pas quitté pour toujours, mais au contraire revient toujours. Il s'habituera ainsi à la séparation et se sentira en sécurité.
2. De la mesure. Ni trop peu
ni trop ! Ceci pour les parents. Du côté enfants, souvenez-vous que :« Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ». Ecrire une lettre pour un jeune enfant est souvent une corvée, et les journées sont si courtes ! D'autre part, il préférera ne pas écrire s'il ne peut pas dire franchement ce qu'il pense.
3. Ne pas avoir l'obsession de l'orthographe et du style. N'avez-vous jamais un mauvais accord de participe passé à vous reprocher ? Soyez heureux de la peine qu'il a prise, admirez son élan et sa spontanéité.
4. Souvenez-vous qu'un enfant n'aime pas se singulariser et qu'il lui serait pénible de recevoir des lettres quotidiennes, des paquets fréquents et énormes, si ses camarades sont moins gâtés.
5. Savoir garder son sang-froid et son esprit critique en lisant ses lettres.
Certains enfants aiment raconter avec un brin d'exagération ce qui leur est arrivé, et il faut se souvenir que lorsqu'on lit sa lettre, le temps s'est déjà écoulé, les larmes sont fort probablement séchées et le sang étanché !
6. Il est vrai que certains directeurs de colonies lisent la correspondance de leurs campeurs. Non par pure curiosité, mais bien pour connaître les sentiments de leurs colons et au besoin rectifier une fausse opinion ou même améliorer leur propre attitude. Ne jugeons donc pas ce procédé forcément d'une façon négative. Le directeur s'expose évidemment à des mésaventures telles que le montre l'histoire suivante.
Dans la famille de Véronique un petit jeu était en vigueur. Pour dérouter les éventuels curieux on exprimait le contraire de sa pensée en faisant suivre sa phrase de l'exclamation : « Salut Jacques ! » ce qui signifiait : Attention, comprends le contraire de ce que je dis !
Le partenaire répondait : « Chapeau Constant ! » pour montrer que la correction était faite.
Véronique, dans la première lettre écrite de la montagne, applique le jeu.
« C'est affreux ce que l'on mange mal ici. Je m'ennuie, et en tout cas ne veux pas revenir l'an prochain ! Salut, Jacques ! »
Contentement des parents
Affolement du directeur, ami de la famille et absolument catastrophé à l'idée que Vénorique subissait ce séjour comme un calvaire. Un téléphone remit toutes choses au point.
7. Pour terminer, une suggestion, déjà faite je crois dans « Les Entretiens sur l'éducation », mais qui trouve bien sa place ici : celle du petit billet glissé préalablement dans les bagages, entre les plis du pyjama, dans la boîte à savon, ou dans la trousse de toilette, et que l'enfant trouvera le premier soir, au moment peut-être du serrement de coeur à l'idée de dormir sa première nuit loin du toit paternel. Billet discret, que l'on peut cacher et relire en secret, et qui vous soutient pendant longtemps.
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