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Reconnaître ses fautes
Il y avait divers points concernant notre éducation sur lesquels mes parents étaient très scrupuleux. Nous devions entr'autres demander pardon lorsque nous avions mal fait. Quatre-vingt dix-neuf personnes sur cent ne semblent pas avoir appris convenablement cette leçon. Pour nous toutes les gâteries du monde et toutes les gentillesses ne pouvaient pas remplacer ces mots pleins de sens : «J'ai mal fait, je le regrette, je vous demande pardon ». Si ces paroles n'avaient pas été prononcées, nous sentions toujours que le nuage n'était pas dissipé. Ceci a une grande importance dans l'éducation. Ne pas demander pardon favorise l'orgueil.
Il y a, au contraire, une grande bénédiction à inculquer à l'enfant, dès son bas-âge, le sentiment de la culpabilité. Il est des personnes qui n'arrivent jamais à se sentir vraiment coupables, cela se voit même chez les chrétiens; elles n'apprennent, jamais à dire, même à Dieu, de la vraie manière et avec un coeur contrit: «Pardonne-nous nos offenses». Ces gens-là sont, en général, les moins empressés à pardonner à autrui; ils appartiennent à la classe des propres justes et des pharisiens; ils feraient plutôt n'importe quoi que de dire humblement: «Pardonnez-moi, j'ai eu tort, j'ai mai agi, je le regrette ». Quel dommage! Car l'humilité rend l'homme vraiment beau et grand. Ah ! si les parents réalisaient quel important principe il y a dans le fait de demander pardon, et quelle influence il exerce sur le caractère et sur la vie !
Une autre chose sur laquelle mes parents étaient très stricts - peut-être aurais-je dû le mentionner tout d'abord - c'était l'aveu de ses fautes. Si nous avions mal fait et que nous le confessions, nous trouvions de l'indulgence, même si nous devions être punis; mais si nous cachions nos fautes et que nous fussions découverts, malheur à nous ! Nos parents ne souffraient pas les cachotteries. La confession nous a valu bien des impasses difficiles, je me souviens entr'autres d'un incident:
Parmi mes petits devoirs de jeune fille, j'avais à épousseter les meubles d'un salon où se trouvaient nombre de jolies choses. Je le faisais avec plaisir, mais ce que j'aimais surtout c'était de changer les choses de place pour embellir le coup-d'oeil. Sur une console à tablette de marbre se trouvait un magnifique service à café en porcelaine dorée, avec de jolies fleurs et des oiseaux peints à la main; c'était un présent de toute la famille à nos grands-parents. Ce service était disposé sur un beau plateau. Un jour je me mis en tête pour qu'il fasse plus d'effet de placer derrière, contre la paroi, un lourd plat de Chine. J'admirai fort cette disposition artistique et, très satisfaite de moi-même, je quittai la chambre en tirant vivement la porte après moi. Tout à coup j'entendis un fracas épouvantable. Rentrant précipitamment, je vis le beau service à terre, réduit en miettes. Je crus mourir de frayeur. Que fallait-il faire ? Pâle et tremblante, j'allai droit à ma mère et je lui dis: «Oh ! maman, il vient d'arriver quelque chose d'affreux, tout le service doré est en morceaux et par ma faute !» Ma mère voulut savoir comment la chose s'était produite; je lui expliquai que le lourd plat que j'avais adossé contre la muraille avait fait basculer le plateau et fait tomber le service sur le plancher.
Ma mère me regarda d'un air très sérieux, puis elle me dit: «Dieu t'a parlé, ma fille, et j'espère que tu as compris la leçon. Ce ne sont heureusement que des objets terrestres. Celui qui reconnaît ses fautes, qui les avoue et les délaisse, obtient miséricorde» . Plus jamais on ne fit allusion à ce service de prix; plus aucun de ces reproches, réprimandes ou insinuations qui rendent si difficile de demander pardon. Je retournai silencieusement vers ce qui n'était plus que les débris d'une gloire passée et je ramassai une petite soupe ébréchée, l'unique objet présentable qui restât de tout ce désastre. Je l'ai conservée dans mon armoire, pendant des années, comme un «garde à vous contre la manie de l'effet» et en souvenir du généreux pardon que ma mère m'avait accordé.
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