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LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Le Voyage

Au seul souci de voyager.

Le voyage fut d'abord collectif : migrations, guerres, pèlerinages, exodes, transferts, etc.
Le voici qui revient à ses origines, le déplacement par masses. Les vacances portent maintenant un autre nom, donné par les sociologues « transplantations saisonnières »…
Il n'y a plus que des voyageurs : les sédentaires deviennent des originaux. Tous les hommes sont en route. Les voyages ne sont plus un caprice, mais un asservissement à des lois migratrices mystérieuses. Un vaste tournis de l'humanité, là où elle n'est pas attachée à la glèbe. Elle est devenue touristy (néologisme de D.H. Lawrence)…
Voici une planète où « l'habitat » perd ses habitants ; où les conditions artificielles de la vie l'emportent sur les conditions naturelles, aboutissant à de nouveaux chapitres de la géographie économique…
Une visite à nos cités-camping, à nos villes transportables avec leurs rues, leurs magasins, leurs points d'eau, devient enseignement. Tout disparaît en quelques heures, tentes pliées, lits roulés, moteurs en marche, pour reparaître ailleurs, comme les cirques, modifiant l'économie locale à un point difficile à imaginer. C'est la cité pré-atomique « à concentration spatiale élastique »…
Exportation d'êtres, aussi invisible que les changes, où les statistiques sont, sinon impuissantes, du moins en retard. Comment se fier aux meilleures d'entre elles, les statistiques hôtelières suisses, avec leurs évaluations mensuelles en nuitées, alors que d'incontrôlables dizaines de milliers de touristes campent à la belle étoile ?…
Les ethnologues donnent aux migrations d'autres motifs que la faim, le rythme saisonnier, la recherche de la main-d'oeuvre : ils invoquent souvent des raisons totémiques. N'assistons-nous pas à la naissance de nouveaux fétiches : les clubs de voyages, la publicité touristique, les rites de la plage, chantée par tous les romanciers, ou la pêche sous-marine, ou les festivals musicaux ? Il y eut jadis des routes d'idées ; il y eut des routes de la foi, Delphes, La Mecque, Compostelle ; il existe de nos jours des routes du Goût, ou mieux, de l'engouement, chevauchant les frontières politiques.
Misérables lignes idéales, les frontières éclatent. Le Hollandais court satisfaire son complexe de montagnes ; il cède la Place au Suisse, avide de mer iodée. Il suffit de contempler, par un beau dimanche d'été, trois kilomètres d'autos, klaxonnant, à Garavan ou à Vallorbe, pour comprendre que les jours de ces frontières sont comptés, malgré les grèves de zèle, les visas, les vaporisations ou les piqûres, les vaccinations contre la rage, le tétanos, la petite vérole, le coqueluche, la fièvre jaune ou le croup. Ce que les sociologues, parlant de frontières, nomment « pression de contiguïté » se transforme en une autre pression irrésistible : celle d'une expansion excentrique. Les douanes d'aujourd'hui ressemblent aux octrois de papa, à l'entrée des villes, vers 1920, lorsqu'on devait arrêter le teuf-teuf à la porte Maillot pour y déclarer un poulet venant de Normandie.
Hier, le voyageur s'agitait dans un monde immobile. Merveilleux moment, ces années 30, en pleine crise économique, où l'on sautait, sans avoir à retenir ses places, dans des trains toujours vides, où l'on trouvait à prix réduits les plus belles cabines ! Aujourd'hui tout voyage : les routes sont des lignes de fuite ; les Anglais construisent des maisons montables en trente minutes ; le Saint-Père, symbole de l'immobilisme, se met en route ; les courants maritimes se déplacent, las de leurs tracés éternels, modifiant les climats ; les ingénieurs font sauter atomiquement les montagnes de l'Asie centrale, créent des lacs, vident des mers ; les « migratives d'infiltration » se rient des frontières où rédacteurs de traités de paix et stratèges s'étaient évertués pendant des siècles à délimiter des territoires contestés, à découper des patries éphémères ; le mur de Berlin n'est qu'un phénomène aussi régressif que la Grande Muraille de Chine ou le mur des Romains contre les Pictes d'Ecosse.
Il existe une raison profonde à ces déplacements continus, à ces migrations infiltrées ; nous proposons celle-ci : le voyage moderne est un réflexe de défense de l'individu, un geste antisocial. Le voyageur est un insoumis. Il s'agit d'échapper à l'Etat, à la famille, au mariage, au fisc, aux polyvalents, aux passages à tabac, aux contraventions, aux tabous nationaux. On peut y voir une protestation semblable à celle des huguenots, dont le mot d'ordre fut le refuge : refuge, fuite, voyage, liberté, affranchissement, tout se tient. Il s'agit d'être : loin de… Les Anglais, loin des brumes, les Américains, loin de l'ennui du Middle West ; on fuit aussi des mères tyranniques, des épouses acariâtres, des maîtresses jalouses. Aussitôt passé la frontière, vous êtes un étranger, avec ou sans devises, personnage sacré, un milord ; nous répétons, avec le prince de Ligne :« J'aime mon état d'étranger partout. » On voyage pour exister ; pour survivre…

Tourisme social.

C'est une immense partie de cache-cache ; l'Europe joue aux quatre coins avec l'Amérique, tandis que les voyageurs se livrent aux plaisirs du chat perché ; à peine les Suisses sont-ils partis pour Positano ou Rapallo que les Italiens prennent leur place à Saint-Moritz, et les Français à Verbier ; tandis que les Californiens visitent le pays de Shakespeare, les étudiantes anglaises viennent occuper les sièges vides des auditoriums de San Francisco. Les gens de la campagne ne voyagent pas encore ; quand ils s'y mettront, il faudra les diriger sur les villes, où ils pourront occuper les lits vides des citadins…
Ainsi, des hommes aux professions les plus diverses sortent des cars à deux étages, au toit de mica, pour mieux voir les montagnes, remplissent en une heure les plus grands hôtels ; les droguistes de Hambourg suivent les boulangers de Lausanne, qui cèdent leur place aux assembleurs des usines Renault, aux minotiers d'Anvers, aux horlogers de la Chaux-de-Fonds, venus à la queue leu leu visiter les temples d'Agrigente ou le Generalife et les jardins de Grenade…
Autrefois, voyager, c'était flâner. Aujourd'hui, le temps rare est cher, il faut l'économiser, donc organiser la flânerie, comme le reste. Des centaines de milliers d'agences ont désormais pour objet d'exploiter votre paresse pour que, sans gâcher une seconde, vous puissiez perdre votre temps. Le voyage à prix fixe, l'itinéraire préfabriqué qui triomphent de nos jours, c'est aux Intourist soviétiques qu'on les doit ; par un curieux contraste, ils ont été inventés par un pays dont les nationaux n'ont pas le droit de voyager.

De la vitesse.

« Avant tout, donnez vos soins à la lenteur », recommande au chef du bureau des communications, son subordonné, le directeur de l'office antitouristique. « Il faut tuer la vitesse, cette tueuse. Tordre son cou à cette forme actuelle de l'éloquence. Les moteurs font du bruit, comme les gens qui n'ont rien à dire. Donc, mon ami, je compte sur vous pour nous rendre une France vivable, désamorcer les citernes d'essence, pour mettre du sable dans les turbines, pour briser le ciment des aires d'atterrissage. Il faut qu'en trois mois nous devenions plus inaccueillants aux étrangers que les anciens Chinois et qu'on cesse de trouver des compatriotes partout. Si les gens veulent se rendre quelque part, ils iront à pied ; ainsi verront-ils les pointes de Chartres monter peu à peu vers eux au bout de la Beauce, au lieu d'être dessus en un dixième de seconde ; ils se rendront à Fez en frappant le chemin de leur bâton et ne seront plus au bar de l'hôtel quelques quarts d'heure après avoir quitté le bar souterrain des Invalides ; ils ne seront pas informés sur toutes choses et ignoreront que ce Fez est à deux cents kilomètres à l'intérieur des terres ; ils continueront à croire Hugo et, à l'aide des quatre-vingts rameurs de la galère capitaine, ils iront par mer de Fez à Catane ! N'oubliez pas de faire incinérer les guides, les cartes, les baedekers. Je veux que notre civilisation se défende, au lieu d'aller cligner de l'oeil à tous les coins de rue, de courir, main tendue, après le client ; c'est tout juste si on n'expédie pas Versailles en Bolivie pour éviter aux Boliviens la fatigue du voyage… »

Bagages

Un pamphlet romantique a parlé de l'incommodité des commodes ; il faut y ajouter la non-nécessité des nécessaires.
Savez-vous faire vos valises ? Savez-vous serrer tendrement les objets les uns contre les autres, de façon à éviter de retrouver dessus ceux qui étaient dessous, et inversément ? Il n'y a pas d'exemple qu'une malle soit transportée autrement que la tête en bas. Evitez ces « nécessaires » où, comme l'on disait jadis, ces « bazars », orgueil des selliers et des maroquiniers, avec leurs cristaux vite dépareillés, leur vermeil gondolé et terni, leur poids de plomb. Si nous emportions les nôtres, qui datent de 1913, le coût de nos voyages en serait doublé.
Dites adieu à ces valises aux tons fauves et au parfum de cuir de Russie qui enchantaient le jeune Barnabooth, et qu'on admire sur les catalogues d'articles de voyage. Laissez-les aux Espagnols et à ce Sud-Express, resté si « Alphonse XIII ».
Rappelez-vous, en achetant une valise, qu'au cours d'un long voyage il y aura toujours un moment où vous serez obligé de la porter vous-même.
On ne saurait parler de malles sans parler de leurs clefs, un des fléaux de la vie itinérante. Qui se préoccupe de savoir si une malle a ses clefs à un autre moment que dans les cinq dernières minutes qui précèdent le départ ?
Les points faibles d'une valise, qu'il ne faut pas négliger car tout accident, au loin, est une catastrophe, sont : les poignées qui lâchent ; les serrures qui sautent ; les charnières qui cèdent si le couvercle n'est pas à crémaillère ; les angles, même renforcés, qui supportent mal usure, heurts et frottements (emportez toujours des courroies ou des sangles de secours). Les fermetures éclair qui vous trahissent en plein désert ou en pleine mer, sans réparation possible, sont de sournoises ennemies du voyageur, finalement trop heureux d'emprunter un sac à pommes de terre pour pouvoir ramasser ses hardes.









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