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Echec scolaire et climat affectif.

Il est des familles dont la qualification culturelle est parfaitement satisfaisante ; néanmoins les enfants - dont l'intelligence est vérifiée - obtiennent des résultats très faibles. C'est sans doute alors le climat affectif qui laisse à désirer. Sans pouvoir inventorier tous les cas qui peuvent se présenter, nous en citerons donc quelques-uns.

Mésentente conjugale.

Le premier, bien connu et courant, c'est celui de la dislocation familiale ou de la mésentente des parents. On voit alors les résultats baisser et l'attention s'effondrer. Tout se passe comme si une telle situation provoquait chez l'enfant un sentiment d'insécurité et la crainte d'une frustration. Il manifeste alors une sorte d'indisponibilité d'esprit, un affaissement des intérêts scolaires qui, d'ailleurs, apparaît fréquemment comme un aspect particulier d'une perte plus générale des intérêts vitaux ; la carence affective fait en quelque sorte disparaître les raisons de vivre, le désir de grandir. Il n'est pas étonnant qu'alors le zèle scolaire s'égare puisque le travail intellectuel apparaît à l'élève comme une manière de s'adultiser…

Jalousie.

Un autre aspect c'est la jalousie ; il est de constatation banale qu'au moment de la naissance d'un frère cadet, l'aîné accuse généralement une baisse de rendement ; pendant un certain temps, au minimum quelques semaines, il est inquiet, passif et absorbé, ou turbulent et agressif. Si les parents sont des éducateurs habiles et dissipent promptement cette menace de frustration, le rétablissement s'effectuera assez vite, mais s'ils sont maladroits et si l'enfant se voit confirmé dans son impression initiale, son indisponibilité scolaire va se prolonger et s'accentuer, et un sujet qui obtenait auparavant des résultats satisfaisants s'installe dans la médiocrité ou dans ce qu'on appelle paresse.

Perfectionnisme.

La surévaluation du travail entraîne aussi l'échec : tel est le cas des enfants qu'on veut toujours contraindre à l'étude et auxquels on refuse le droit de jouer parce qu'on y voit du temps perdu ; on les accable de leçons particulières ; les parents croient bon de donner eux-mêmes des devoirs et des leçons supplémentaires, craignant que ceux qui sont donnés en classe ne suffisent pas à une assimilation approfondie. Il en résulte une sorte d'exaspération à l'égard de ce travail, responsable de tant d'ennuis, si bien que les résultats seront à l'inverse de ce qu'on souhaite ; les voyant baisser, la famille augmente sa pression, mais plus elle la renforce et plus ils déclinent. Telle est la tendance des parents perfectionnistes qui ne se disent et ne s'avouent satisfaits que si l'enfant est « premier » et sont mécontents, voire furieux, s'il est seulement second, ou troisième ; le sujet en vient à penser qu'il est inutile de poursuivre ses efforts puisque, quoi qu'il fasse, il n'arrivera jamais à satisfaire les exigences familiales et que, quelle que soit la tension qu'il s'impose, il ne recevra jamais que des reproches.

Sacralisation du père.

L'échec peut intervenir chez ceux qui sont écrasés par leur père ; lorsque celui-ci est adoré comme une divinité dont le culte est organisé par la mère et tous les membres de la famille, posé comme un modèle, comme une sorte de perfection inaccessible, l'enfant alors pourra tirer deux conséquences également fâcheuses : la première, c'est que, de toute façon, il est impossible d'égaler ce père aussi prestigieux, et qu'il est donc inutile d'essayer… La seconde conséquence, c'est que non seulement il serait vain de prétendre égaler un tel père, mais qu'il est même, à la limite, sacrilège de le désirer et de le souhaiter, car le respect qui lui est dû implique de le laisser dans sa supériorité et de demeurer dans l'infériorité ; c'est donc ici la sacralisation du père qui est génératrice de l'échec entendu comme attitude d'abandon, de démission et de refus d'égalisation. C'est pourquoi on voit si souvent les « grands hommes » avoir des enfants bien moins grands et échouer précisément sur le plan sur lequel eux-mêmes excellent ; toutes proportions gardées, ceci se rencontre chez les enseignants qui apparaissent comme l'illustration de la réussite intellectuelle ou encore lorsque le père est présenté et vécu comme le « fort en maths » ; il arrive que son fils n'y réussisse point et même s'en désintéresse.

Curiosité bloquée.

D'autres ne manifestent aucune curiosité d'esprit. Ils ne travaillent pas, parce que les tâches scolaires ne les intéressent pas ; tout, en classe, les ennuie et quand on leur demande quelle est leur discipline préférée, cette question leur semble absurde parce qu'il n'en est aucune qui soit chez eux objet de préférence ; on a affaire à des esprits inertes et l'on constate, en les examinant de plus près, que ces enfants sont ceux dont on a antérieurement et dès leurs premières années bloqué la curiosité, ceux auxquels leurs parents ont défendu de parler parce qu'un « enfant bien élevé ne parle que quand on l'interroge », reproché les questions qu'ils posaient parce que ce sont des questions qui ne se posent pas, répété de ne se préoccuper que de ce qui les « regardait », c'est-à-dire de leurs jeux, et surtout de ne pas se mêler à l'univers adulte ; ils ont pris à la lettre ces consignes et parce qu'on leur a imposé, lorsqu'ils étaient tout petits, de ne s'intéresser à rien, ils continuent effectivement à ne s'intéresser à rien ; la famille s'étonne qu'ils ne soient pas plus éveillés, mais c'est elle qui a tari et brimé leur curiosité en entravant leur épanouissement.

Priorité de l'influence éducative de la famille.

Sans être complet, cet inventaire présente quelques-uns des aspects les plus couramment rencontrés dans l'examen des élèves en échec, et il fournit quelques clés pour la compréhension de leur cas ; mais surtout il fait surgir un problème complexe : est-ce la famille ou l'école qui exerce la plus forte influence éducative ? On pourrait à bon droit penser que c'est l'école ; quand on songe au nombre d'heures et d'années que l'enfant y passe et que prolongent si souvent les études, les garderies et les multiples activités parascolaires, il semblerait que, dans une époque de scolarisation poussée, la part de la famille à l'éducation tende à décroître et à devenir secondaire. N'est-ce pas d'ailleurs ce sentiment qui entraîne si souvent une certaine tension entre les familles et le personnel enseignant, comme si une lutte d'influence s'exerçait entre eux et comme si le rôle de l'un ne pouvait grandir qu'au détriment de celui de l'autre ? Mais cette vision du problème, pour courante qu'elle soit, s'avère superficielle et inexacte. Non seulement le niveau culturel de la famille conditionne la réceptivité de l'apport scolaire, mais surtout la qualité affective conditionne l'adaptation. Son influence est décisive et déterminante. Toutes les acquisitions de la psychologie contemporaine qui soulignent si vigoureusement l'importance du début de la vie permettent de supposer que l'essentiel est déjà joué et l'équilibre à venir établi ou compromis dès avant la scolarisation. L'enfant est modelé culturellement et affectivement par sa famille. S'il y est ouvert et épanoui, il abordera la vie scolaire de manière adaptée et prometteuse ; s'il y est déjà renfermé et détérioré, toute la suite s'engage mal. Aussi faudrait-il noter que, loin de s'opposer et de varier en sens inverse, ces deux influences varient dans le même sens. L'enfant qui profite le plus de la classe est celui auquel sa famille a le plus apporté. Il y a donc une priorité de l'influence familiale. C'est elle qui engage toute la suite. Non qu'il y ait une fatalité absolue ni qu'une première éducation manquée doive entraîner irrémédiablement une inadaptation scolaire définitive. Mais il sera toujours difficile, long et problématique d'acclimater à la vie scolaire celui dont la petite enfance a été malheureuse, décevante ou pénible.
Cette priorité de la famille n'est pas seulement chronologique ; ce n'est pas exclusivement le climat des premières années qui conditionne un accès facile à la scolarisation. A chacune de ses étapes, celle-ci peut être compromise si le climat se modifie ou se détériore ; que la mère s'absente quelques jours, et l'on remarquera que l'enfant détend son effort ; a fortiori qu'elle disparaisse, que le père s'éloigne, que le ménage se disloque, que de nouvelles naissances remanient la structure du groupe ou désorganisent l'équilibre antérieur des relations, et aussitôt le désarroi de l'enfant envahit tout le champ de son activité. On ne saurait trop souligner la fragilité et la vulnérabilité des sujets humains. Certes c'est le sort de tous et nul ne peut, sans prétention ni expérience, se dire à l'abri des chocs affectifs ; mais la sensibilité de l'enfant est plus aiguë et plus vive que celle de l'adulte. Ne pouvant ni dominer intellectuellement sa situation, ni prendre d'initiatives efficaces pour la modifier, ni soutenir un effort volontaire pour l'améliorer, ni se procurer de compensations, il est entièrement dépendant de son entourage, lié à ses oscillations et suspendu à ses modifications successives. Il est essentiellement dépourvu d'autonomie affective. Sa famille est la seule médiatrice entre l'univers - physique et social - et lui-même. Il ne s'insère dans le monde que si ce relais est assuré ; l'indifférence intellectuelle et l'inattention scolaire de l'enfant frustré réfractent son sentiment d'être un étranger dans le monde.

L'équilibre familial n'est pas la condition suffisante de l'adaptation scolaire ; bien d'autres facteurs peuvent jouer. Mais il est sûr qu'il en est la condition nécessaire. Et les exemples isolés qu'on pourrait présenter de tel ou tel enfant malheureux qui a puisé dans sa détresse même la force de réagir et de forcer le destin ne sauraient prévaloir sérieusement contre l'immense majorité des cas dans lesquels le goût de travailler et le goût de vivre sont suspendus à l'affection délivrée et reçue.









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