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L'enfant et la pilule

Ce titre ne conviendrait-il pas bien à une fable ? Eh bien, la fable, la voici ! Une mère avait un fils de quatorze ans, et ce fils dormait mal. Inquiète, elle alla trouver un médecin, qui prescrivit à l'enfant des pilules. Le remède était efficace, l'enfant dormit, se montra détendu, gai, optimiste. La mère était ravie. Elle le fut moins quand elle s'aperçut que la bonne humeur de l'enfant dépendait non du sommeil retrouvé, mais de la pilule. Tout simplement, l'enfant était en train de s'accoutumer à son remède, et elle se demanda comment il allait s'en passer. J'abandonne ma fable, qui est d'ailleurs parfaitement vraie, mais dont je ne connais pas encore la fin. N'étant pas médecin, je me garderai de tout commentaire scientifique et me contenterai de réfléchir un peu sur un problème qui dépasse le cadre de cette petite histoire.

Combien de gens autour de nous n'usent-ils ou n'abusent-ils pas de calmants, de tranquillisants, d'excitants ? Une fatigue, un peu de « vague-à-l'âme », un petit mal de tête ? Vite on recourt aux innombrables drogues qui sont en vente libre ou que prescrivent des médecins compatissants. Cela commence avec les enfants :« Qu'as-tu ? On dirait que tu as de la fièvre ! Tu n'as pas mal à la tête ? Tes yeux sont brillants. » L'enfant s'interroge, « s'écoute », et finit par se sentir malade. La sollicitude angoissée des mères crée bien des désordres physiques chez les enfants. La fatigue, l'appétit, le sommeil ! Ces trois préoccupations majeures chez beaucoup d'entre elles ont empoisonné mainte vie de famille ! L'enfant se sent un sujet intéressant. Son appétit, ou plutôt son manque d'appétit concentre sur lui à heures fixes l'attention de la mère. Peut-être est-il en outre l'objet de la conversation de ses parents. Sa difficulté à s'endormir, ses réveils brusques et bruyants, font accourir la mère inquiète et le père agacé et vaguement anxieux. Comment renoncerait-il à cette ration d'amour supplémentaire?
Autrefois, le médecin de famille, paternel et un peu sceptique, prescrivait l'un de ces remèdes anodins bien connus : de l'eau-de-fleur d'oranger, de l'huile de foie de morue, etc. Cela ne faisait de mal à personne, cela faisait même souvent du bien, d'autant qu'on avait confiance ! Aujourd'hui aussi on a confiance, mais les remèdes sont devenus si raffinés et si puissants qu'ils apparaissent parfois plus redoutables que le mal qu'ils ont mission de supprimer. Parfois les conséquences n'apparaissent pas tout de suite. La grossesse par exemple s'est toujours accompagnée de malaises plus ou moins désagréables. Mais on s'est mis à les supporter de moins en moins, et à prendre de plus en plus de calmants. Et ce fut le drame de la thalidomide ! Les conséquences ne sont pas toujours aussi graves, ni surtout aussi visibles. Mais on peut se demander quelle humanité nous préparons en intervenant au moindre désordre, et en refusant de supporter aucune douleur. Qu'est-ce donc que nous sommes devenus ? Nous ne savons plus marcher, nous roulons. Nos yeux ne supportent plus le soleil, nous portons des lunettes noires. Nous redoutons le froid, et quand il fait chaud, il faut que nous buvions glacé ! Si nous subissons un échec, si nous avons un chagrin, voilà qu'il nous faut du secours, et non plus seulement la parole amicale qui a toujours réconforté, mais le remède qui nous fera oublier… Une joie artificielle, une force empruntée et passagère, voilà qui commence à suffire à l'homme de notre époque !
Et si encore cette peur de la vie était le fait de quelques adultes déclinants ! Mais cela commence, nous l'avons dit, avec les enfants. On ne revient pas facilement de son étonnement quand on découvre le nombre d'excitants ou de tranquillisants qui se prend lors d'une session d'examens ! Et la réponse de ce très jeune homme à qui ses parents avaient permis d'inviter quelques amis et amies, à condition qu'ils ne boivent pas d'alcool : « On n'en boira qu'au début, pour se mettre en train. » Il ne s'agissait pas, puisqu'ils se connaissaient tous, de se donner du courage pour vaincre une timidité naturelle à cet âge. Non, c'était bien une certaine excitation, un certain enthousiasme qu'ils ne trouvaient pas en eux-mêmes ! Mais, je vous le demande, si, à seize ans, on a besoin de cela pour être enthousiaste, que faudra-t-il les années passant ?
Une attitude courageuse devant la vie, un certain goût de la lutte et de la difficulté, le pouvoir de supporter des malaises, des ennuis, des difficultés, ne serait-ce pas une chose bien nécessaire à communiquer à nos enfants ? Car enfin la vie n'est pas facile, et s'ils sont incapables de supporter les petits bobos ou les petits ennuis de leurs jeunes années, comment supporteront-ils l'existence de l'adulte ? Si on les habitue d'abord à se tâter et à se poser des questions sur tout ce qu'ils ressentent, si on monte en épingle les moindres petits faits, si ensuite on leur donne le moyen de supprimer tout ce qui les gêne sans jamais payer de leur personne, comment veut-on les préparer pour l'avenir ?
Mal dormir pendant quelque temps, mal manger pendant quelques jours, cela ne peut tuer personne. La fatigue peut, bien sûr, être l'indice d'une maladie, et il s'agit d'être vigilant. Mais il vaut la peine de ne pas tout de suite suivre les conseils de son inquiétude. Avant de prendre peur, et surtout d'extérioriser cette peur, il faut observer discrètement et chercher à comprendre l'ensemble de la situation. Si l'enfant continue à se plaindre de fatigue en l'absence de toute réaction de notre part, et en l'absence de tout profit tiré de la situation, il sera temps de prendre la chose au sérieux. Mais très souvent ces petits malaises disparaissent quand ils n'ont pas sur les parents l'effet psychologique inconsciemment recherché.
Notre sollicitude doit être discrète, calme, clairvoyante. Elle doit porter non sur le moment présent, mais sur le développement ultérieur de l'enfant. Le dorloter petit, c'est le préparer à être fragile étant grand. Il est bien entendu que cela s'applique à l'enfant en bonne santé et non au malade reconnu, qui demande des mesures spéciales (encore que très souvent l'enfant malade ou handicapé aurait avantage à être traité beaucoup plus comme un enfant normal, mais ceci est un autre problème). A la maison, à l'école, il faudrait que l'enfant ne rencontrât que des adultes qui affrontent joyeusement la vie et ne se dérobent pas devant les difficultés. « As-tu mal à la tête ? » Cette question anodine d'une mère au coeur tendre prépare pour demain un adulte qui, à la première difficulté, se demandera s'il n'a pas mal à la tête ? J'exagère ? A peine ou pas du tout.
Un peu de fermeté dans ce domaine, non tant à l'égard des enfants qu'à l'égard de notre propre inquiétude, c'est le moins que nous puissions nous imposer pour le bien de ces enfants qui nous sont plus chers que nous-mêmes.









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