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RETOURJumeaux et hérédité Les êtres humains ne sont jamais de race pure au sens biologique du mot. (1) Ils résultent d'un brassage continu de particularités héréditaires, réalisé par des unions entre familles différentes à chaque génération. Le nombre des caractères en présence est considérable, si bien que chaque individu est un polyhybride dont la descendance sera effroyablement compliquée. Dans toutes ces unions, le mari et sa femme diffèrent par des dizaines de caractères génétiques, ce qui tend à réaliser un nombre immense de descendants possibles. Pour les connaître, il faudrait un nombre incroyable d'enfants. Or, justement, l'espèce humaine est peu prolifique : que sont 2, 3, 4 enfants, même les 8, 10, 12 enfants des belles familles, par rapport aux trillions de descendants tous différents qui sont théoriquement possibles. Comme il est, de plus, impossible d'expérimenter, de réaliser les unions dont le résultat intéresserait le généticien, il serait souvent difficile de décider ce qui est héréditaire ou ne l'est pas, s'il n'apparaissait, de temps en temps, des jumeaux vrais, issus d'un seul et même oeuf, ayant par conséquent exactement les mêmes gènes, la même constitution génétique. Les ressemblances que ces deux jumeaux présentent entre eux sont, en quelque sorte, la mesure de ce qui se trouve conditionné par leur hérédité. Leurs dissemblances ne peuvent être attribuées qu'à des influences extérieures, différences dans les conditions du développement embryonnaire, différences de nourriture, de genre de vie, d'exercice physique, maladies subies dans l'enfance, bref à tout ce qui constitue le milieu dans lequel les enfants se forment au cours de la gestation et de leur croissance. Il n'y a aucune chance pour que deux enfants nés des mêmes parents aient la même constitution héréditaire. Ceci est encore plus improbable pour les enfants de familles différentes. Chaque être humain naît avec une formule constitutionnelle originale qui n'appartient qu'à lui. Maintenant nous apparaît mieux l'extraordinaire importance des jumeaux vrais ou univitellins. Que sont exactement de tels jumeaux? Tandis que la plupart des mammifères produisent en même temps plusieurs oeufs qui donnent autant de petits constituant une portée, la femme ne mûrit normalement qu'un seul oeuf et ne met au monde qu'un seul enfant. Cependant, il arrive parfois que se détachent de ses ovaires 2, 3, 4 ovules qui, fécondés, deviennent autant d'enfants qui naissent en même temps. Ces enfants sont des faux jumeaux s'il y en a deux, des faux multiples s'il y en a trois ou quatre. Ces enfants, issus d'autant d'oeufs qui ont nécessairement des constitutions différentes, ne se ressemblent pas plus que deux, trois ou quatre enfants nés des mêmes parents, mais à plusieurs années d'intervalle. Dans 25 % des cas, ces faux jumeaux sont deux garçons, dans 25 % deux filles, mais, dans 50 % des cas, le sexe est différent : le couple se compose d'un garçon et d'une fille. Bien différent est le cas des jumeaux ou multiples vrais. Il n'y a alors production que d'un seul oeuf, mais cet oeuf unique se partage en formant deux, trois, quatre embryons, puis autant d'enfants qui naîtront en même temps. Fait important, les jumeaux et multiples vrais sont toujours du même sexe. Le fait montre que celui-ci dépend essentiellement de la constitution génétique. A la naissance, les jumeaux vrais sont si semblables qu'ils sont indiscernables : il faut des munir de colliers, de bracelets, de rubans de couleurs différentes pour les distinguer. Ces ressemblances persistent à l'état adulte. Elles donnent l'impression d'un individu qui serait tiré à deux exemplaires. Les parents des jumeaux les confondent souvent ; les personnes étrangères à la famille n'arrivent pas à les identifier. Il en résulte de fréquents quiproquos. Ces ressemblances extraordinaires sont très apparentes sur le plan morphologique : même forme du crâne ; mêmes traits du visage. Les cheveux sont du même type, plats, bouclés ou frisés ; ils ont la même nuance, le même mode d'implantation. Les similitudes sont complètes dans la forme et la taille des mains, des pieds, des doigts, des orteils, dans la disposition des ongles. La croissance, la marche de l'ossification, suivies sur des radiographies, sont superposables. La taille définitive est la même à quelques millimètres près ; il en est de même pour le poids du corps. La durée de la vie est généralement très semblable chez les jumeaux, mais on note aussi des différences que l'on peut attribuer aux divers genres de vie. Ce qui est hérité, c'est une certaine probabilité de durée de vie dans des conditions semblables. Une conséquence intéressante de l'identité constitutionnelle des jumeaux est la possibilité de greffer la peau de l'un sur l'autre et réciproquement. La chose est impossible entre des individus même proches parents qui ont nécessairement des hérédités différentes. Les ressemblances psychologiques sont, suivant l'expression de Galton, effrayantes. Les jumeaux vrais présentent les mêmes aptitudes, les mêmes dons ou les mêmes incapacités. Les tests scolaires, les tests de personnalité donnent des résultats extrêmement voisins, parfois identiques, même si les enfants ont vécu dans des conditions différentes. La similitude de leurs goûts, de leurs aptitudes conduit souvent les jumeaux à embrasser la même carrière. Mais il faut reconnaître que, bien plus souvent, les circonstances les conduisent à adopter des carrières différentes. Si l'on observe, en général, une concordance parfois stupéfiante entre les particularités des jumeaux, il y a assez souvent de légères dissemblances ou même de véritables discordances, si un certain caractère ne se manifeste que chez l'un des deux partenaires. Une cause de dissemblance tient au fait bien connu que n'importe quel caractère biologique est sujet à des fluctuations qui sont d'origine interne ou liées à l'action de facteurs externes. Ces fluctuations agissent les unes sur les autres. Le déterminisme d'un caractère est si complexe que de minimes variations, imprévisibles et inanalysables peuvent retentir sur le caractère et le modifier. Enfin, il est nécessaire de se représenter correctement les relations entre le patrimoine héréditaire, cause première, et le résultat final, le caractère. Dire que l'hérédité conditionne un certain caractère est une façon inexacte de s'exprimer. Ce que l'hérédité met en marche, ce sont seulement des systèmes, reliés en chaînes, de processus embryologiques et de réactions physiologiques, dont le caractère n'est que l'expression finale, probable mais non fatale. (1) Extraits d'une Conférence de M. le Professeur E. Guyénot 1955 |
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