Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Il faut être raisonnable

Ce qui m'étonne, moi, c'est qu'à la maison, on n'a pas encore parlé de vacances ! Les autres années, Papa dit qu'il veut aller quelque part, Maman dit qu'elle veut aller ailleurs, ça fait des tas d'histoires. Papa et Maman disent que puisque c'est comme ça ils préfèrent rester à la maison, moi je pleure, et puis on va où voulait aller Maman. Mais cette année, rien.
Pourtant, les copains de l'école se préparent tous à partir. Geoffroy, qui a un papa très riche, va passer ses vacances dans la grande maison que son papa a au bord de la mer. Geoffroy nous dit qu'il a un morceau de plage pour lui tout seul, où personne d'autre n'a le droit de venir faire des pâtés. Ça, c'est peut-être des blagues, parce qu'il faut dire que Geoffroy est très menteur.
Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse, s'en va en Angleterre passer ses vacances dans une école où on va lui apprendre à parler l'anglais. Il est fou, Agnan.
Alceste va manger des truffes en Périgord, où son papa a un ami qui a une charcuterie. Et c'est comme ça pour tous : ils vont à la mer, à la montagne ou chez leurs mémés à la campagne. Il n'y a que moi qui ne sais pas encore où je vais aller, et c'est très embêtant, parce qu'une des choses que j'aime le mieux dans les vacances, c'est d'en parler avant et après aux copains.
C'est pour ça qu'à la maison, aujourd'hui, j'ai demandé à Maman où on allait partir en vacances. Maman, elle a fait une drôle de figure, elle m'a embrassé sur la tête et elle m'a dit que nous allions en parler « quand Papa sera de retour, mon chéri ! » et que j'aille jouer dans le jardin, maintenant.
Alors, je suis allé dans le jardin et j'ai attendu Papa, et quand il est arrivé de son bureau, j'ai couru vers lui ; il m'a pris dans ses bras. Il m'a fait « Ouplà ! » et je lui ai demandé où nous allions partir en vacances. Alors, Papa a cessé de rigoler, il m'a posé par terre et il m'a dit qu'on allait en parler dans la maison, où nous avons trouvé Maman assise dans le salon.
- Je crois que le moment est venu, dit Papa.
- Oui, a dit Maman, il m'en a parlé tout à l'heure.
- Alors, il faut le lui dire, a dit Papa.
- Eh bien, dis-lui, a dit Maman.
- Pourquoi moi ? a demandé Papa ; tu n'as qu'à lui dire, toi !
- Moi ? C'est à toi à lui dire, a dit Maman ; l'idée est de toi.
- Pardon, pardon, a dit Papa, tu étais d'accord avec moi, tu as même dit que ça lui ferait le plus grand bien, et à nous aussi. Tu as autant de raisons que moi de le lui dire.
- Ben alors, j'ai dit, on parle des vacances ou on ne parle pas des vacances ? Tous les copains partent et moi je vais avoir l'air d'un guignol si je ne peux pas leur dire où nous allons et ce que nous allons y faire.
Alors, Papa s'est assis dans le fauteuil, il m'a pris par les mains et il m'a tiré contre ses genoux.
- Mon Nicolas est un grand garçon raisonnable, n'est-ce pas ? a demandé Papa.
- Oh ! oui, a dit Maman, c'est un homme maintenant !
Moi, j'aime pas trop quand on me dit que je suis un grand garçon, parce que d'habitude, quand on me dit ça, c'est qu'on va me faire faire des choses qui ne me plaisent pas.
- Et je suis sûr, a dit Papa, que mon grand garçon aimerait bien aller à la mer !
- Oh ! oui, j'ai dit.
- Aller à la mer, nager, pêcher, jouer sur la plage, se promener dans les bois, a dit Papa.
- Il y a des bois, là où on va ? j'ai demandé. Alors c'est pas là où on a été l'année dernière ?
- Ecoute, a dit Maman à Papa. Je ne peux pas. Je me demande si c'est une si bonne idée que ça. Je préfère y renoncer. Peut-être, l'année prochaine…
- Non, a dit Papa. Ce qui est décidé est décidé. Un peu de courage, que diable ! Et Nicolas va être très raisonnable ; n'est-ce pas, Nicolas ?
Moi j'ai dit que oui, que j'allais être drôlement raisonnable. J'étais bien content avec le coup de la mer et de la plage, j'aime beaucoup ça. La promenade dans les bois, c'est moins rigolo, sauf pour jouer à cache-cache ; alors là, c'est terrible.
- Et on va aller à l'hôtel ? j'ai demandé.
- Pas exactement, a dit Papa. Je… je crois que tu coucheras sous la tente. C'est très bien, tu sais…
Alors là, j'étais content comme tout.
- Sous la tente, comme les Indiens dans le livre que m'a donné tante Dorothée ? j'ai demandé.
- C'est ça, a dit Papa.
- Chic ! j'ai crié. Tu me laisseras t'aider à monter la tente ? Et à faire du feu pour cuire le manger ? Et tu m'apprendras à faire de la pêche sous-marine pour apporter des gros poissons à Maman ? Oh ! ça va être chic, chic, chic !
Papa s'est essuyé la figure avec son mouchoir, comme s'il avait très chaud, et puis il m'a dit :
- Nicolas, nous devons parler d'homme à homme. Il faut que tu sois très raisonnable.
- Et si tu es bien sage et tu te conduis comme un grand garçon, a dit Maman, ce soir, pour le dessert, il y aura de la tarte.
- Et je ferai réparer ton vélo, comme tu me l'as demandes depuis si longtemps, a dit Papa. Alors, voilà… il faut que je t'explique quelque chose…
- Je vais à la cuisine, a dit Maman.
- Non ! reste ! a dit Papa. Nous avions décidé de le lui dire ensemble…
Alors Papa a toussé un peu dans sa gorge, il m'a mis ses mains sur mes épaules et puis il m'a dit : Nicolas, mon petit, nous ne partirons pas avec toi en vacances. Tu iras seul, comme un grand.
- Comment, seul ? j'ai demandé. Vous ne partez pas, vous ?
- Nicolas, a dit Papa, je t'en prie, sois raisonnable. Maman et moi, nous irons faire un petit voyage, et comme nous avons pensé que ça ne t'amuserait pas, nous avons décidé que toi tu irais en colonie de vacances. Ça te fera le plus grand bien, tu seras avec des petits camarades de ton âge et tu t'amuseras beaucoup…
- Bien sûr, c'est la première fois que tu seras séparé de nous, Nicolas, mais c'est pour ton bien, a dit Maman.
- Alors, Nicolas, mon grand… qu'est-ce que tu en dis ? m'a demandé Papa.
- Chouette ! j'ai crié, et je me suis mis à danser dans le salon. Parce que c'est vrai, il paraît que c'est terrible, les colonies de vacances : on se fait des tas de copains, on fait des promenades, des jeux, on chante autour d'un gros feu, et j'étais tellement content que j'ai embrassé Papa et Maman.
Pour le dessert, la tarte a été très bonne, et j'en ai eu plusieurs fois parce que ni Papa ni Maman n'en ont mangé. Ce qui est drôle, c'est que Papa et Maman me regardaient avec des gros yeux ronds. Ils avaient même l'air un peu fâché.
Pourtant, je ne sais pas, moi, mais je crois que j'ai été raisonnable, non ?









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève