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Que de questions!

S'est-il réjoui de retourner à l'école ? Est-il fier d'être maintenant un grand garçon qui va en première primaire, d'être devenu un véritable écolier, qui aura ses livres et ses cahiers, son plumier et surtout son sac d'école ?
Quelles questions ! Voilà bien les grandes personnes qui veulent toujours tout savoir, tout enfermer dans des phrases, dans des mots, qui mettent des compartiments partout, et des étiquettes dessus, et qui sont satisfaites si on range sagement ses sentiments et ses sensations dans ces casiers préparés. Comme si tout pouvait s'expliquer, et si l'on savait pourquoi un certain jour on est gentil tout naturellement, et d'autres où on est démangé par une drôle de petite envie de dire de vilaines choses ou de faire ce qui est défendu !
Et puis les grandes personnes croient toujours qu'elles savent tout, et quelquefois elles se trompent joliment. Ainsi, l'année dernière, c'est arrivé deux fois que lui, Ronald, ne voulait pas aller à l'école enfantine, le matin. Il sentait une bizarre boule écraser son estomac, et il le savait bien, c'était un mauvais jour, il était sûr que sa maîtresse ne serait pas là, qu'il y aurait une remplaçante, une inconnue, et que, du coup, toute l'école aurait un air fermé, froid, et la classe quelque chose de glacé et d'hostile qui allait le paralyser. Il en avait de l'angoisse partout dans le corps rien qu'à y penser. Et bien, maman n'a pas voulu céder, elle a grondé et prétendu qu'il avait des idées ridicules. Pourquoi la maîtresse ne serait-elle pas là ?- Et alors, était-elle là, la maîtresse ? Qui avait raison ?
Comment peut-on savoir exactement si on a été content de recommencer l'école ou non ? Jusqu'où va le contentement, jusqu'où s'infiltre l'horreur de devoir passer chaque jour de nouveau quatre fois - deux fois pour aller, deux fois pour revenir - devant la ferme dont la grange a brûlé avant les vacances ? On peut bien de temps en temps suggérer à maman de prendre un autre chemin, un plus long, pour être à l'ombre, pour voir les autos sur la grande route. Mais maman préfère le chemin de la ferme, sans circulation, « et tu verras les oies, tu aimes tellement voir les oies… ». Comme si on avait encore envie de voir les oies quand tout près se dresse la grange avec ses murs calcinés, son toit effondré dont il ne reste que
quelques lugubres poutres noircies. D'ailleurs cela n'arrange rien du tout d'éviter la ferme, son image est quand même là, tout au fond des yeux, elle flotte dans la tête et surnage même quelque part dans la région de l'estomac, avec son air lamentable et sinistre comme un méchant rêve. Autant s'assurer de temps en temps qu'elle est bien toujours là, à la même place. On peut se forcer d'abord à ne pas regarder, à détourner la tête ou à raconter très vite une histoire, n'importe quoi, pour empêcher le spectacle maudit d'envahir les pensées. Mais il arrive toujours un moment où il faut vite loucher vers le lieu de la catastrophe, et on est presque soulagé, un court instant, parce que de voir la grange dressée là, c'est comme si on s'en libérait. Mais après, naturellement, elle s'installe de nouveau tout à l'intérieur de votre corps, plus horrible qu'avant.

L'école, ce ne sont pas des livres et des cahiers, ni même le plus beau sac ; quelle place cela occupe-t-il dans ce gonflement de sécurité, de douce adoration, de bonheur comblé que représente la présente de la maîtresse bien-aimée ? Drôles de grandes personnes qui s'imaginent qu'aller à l'école, c'est entrer dans une classe, s'asseoir à un pupitre, écrire avec application toutes les lettres de son nom. On fait tout cela, bien sûr, et on appelle cela l'école, mais au fond ce mot-là renferme tout autre chose, qu'on ne peut pas dire, quelque chose d'aussi merveilleux, transparent, irisé, gonflé de lumière qu'une bulle de savon, et cela vient de la maîtresse. Dès qu'on la voit, il n'y a plus qu'elle qui compte, on n'a presque plus la patience de poser un baiser d'adieu sur la joue de la maman, on la quitte en courant sans se retourner, déjà tout aspiré par cet univers fascinant qui naît autour de la maîtresse, et où on se métamorphose soudain en un petit gars tout neuf.
Et puis il y a aussi Jacqueline, naturellement. Les grandes personnes demandent : « Qui est Jacqueline ? Comment est-elle, Jacqueline ? Pourquoi l'aimes-tu, Jacqueline ? ». Encore de bêtes de questions. Jacqueline, c'est Jacqueline ! Un petit air assuré qui vient peut-être de ses cheveux noirs. Quelle griserie, ces cheveux noirs, pour un petit garçon qui n'en voit que des blonds dans sa famille ! Jacqueline, c'est l'envie qu'on a de rire, de fanfaronner un peu, même de désobéir un peu à la maîtresse, pour bien montrer qu'on n'est pas aussi timide qu'on le paraît ! Jacqueline vous donne envie d'inventer quelque chose d'extraordinaire, de posséder quelque chose de très beau qu'on pourrait lui donner… Qui est Jacqueline ? Comment est Jacqueline ? Peut-on répondre à de pareilles questions ? Ah ! la curiosité des grandes personnes…









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