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RETOURLa mère de famille et l'exercice d'un second métier Le problème de la condition féminine est complexe et actuel. Son actualité est soulignée par le nombre de colloques et d'ouvrages consacrés chaque année à ce sujet. En revanche, sa complexité n'est pas toujours reconnue et les vues schématiques ou superficielles sont fréquentes. On oublie, par exemple, que le problème se pose différemment selon qu'il s'agit d'une célibataire, d'une femme mariée sans enfant ou d'une mère de famille nombreuse, d'une activité professionnelle choisie librement, par goût, ou imposée par la situation financière de la famille. D'autre part, certaines données essentielles sont parfois oubliées ou négligées. Ainsi, par exemple, le fait qu'assumer pleinement des responsabilités de mère de famille revient à exercer un métier, au sens le plus beau et le plus noble du terme (« métier » vient du latin « ministerium » qui a donné aussi en français « ministère »). Par conséquent, la mère de famille qui choisit, accepte ou se trouve contrainte de travailler à l'extérieur exerce un second métier, même si elle a la possibilité de pouvoir confier certaines besognes ménagères à une aide. Le titre même du présent article pose ainsi le problème tel qu'il doit l'être. D'autres données fondamentales de ce problème, généralement ignorées, sont le point de vue du mari et celui des enfants. On peut estimer que le premier a eu l'occasion de discuter cette question avec sa future femme et qu'ainsi il a fondé son foyer en connaissance de cause. D'autre part, il garde toujours voix au chapitre - en principe en tout cas - et peut ainsi amener sa femme à renoncer à son second métier. En revanche, les enfants n'ont pas choisi de vivre dans tel foyer plutôt que dans tel autre et n'ont guère la possibilité de modifier une situation dont ils souffriraient. En 1965, dans le cadre d'une semaine d'étude organisée à Paris sous le titre « Perspectives des femmes dans la nation », une conférencière affirmait péremptoirement :« Plus personne n'ose sérieusement réclamer le retour de la femme au foyer». Si j'avais été présent, je lui aurais rétorqué : « Qu'en savez-vous ? Beaucoup d'enfants le réclament ! ». Mon expérience d'éducateur m'en avait convaincu. La lecture du rapport sur les examens de recrues en 1963 m'a confirmé dans ce sentiment. Rappelons qu'en Suisse les jeunes gens appelés à accomplir leur temps de préparation militaire sont soumis à un examen écrit ou oral qui doit permettre d'établir ce que l'école leur a apporté tant dans le domaine de l'instruction que sur le plan de la formation de l'esprit. L'examen écrit comprend notamment une composition ou une dissertation ; les recrues ont toujours le choix entre plusieurs sujets. En 1963, on avait proposé, parmi d'autres sujets, le thème suivant :« Faut-il favoriser ou combattre le travail des mères de famille en dehors de la maison ? ». On pourrait penser qu'un tel sujet aurait laissé indifférents de jeunes hommes célibataires, encore peu préoccupés par ce problème social ; il n'en fut rien. Une recrue sur trois choisit ce sujet de préférence à un autre et tous les jeunes qui le traitèrent le firent avec sérieux, objectivité et une sincérité évidente. Un non motivé et nuancé se dégage de l'ensemble des travaux, précise un expert, qui ajoute :« Le souci d'une bonne éducation des enfants, la tenue du ménage, l'harmonie du couple, une vraie vie de famille animée et entretenue par la mère, sont les arguments les plus utilisés pour justifier une réponse négative. Contre le travail des mères, les deux arguments sont : en premier lieu, la frustration des gosses, presque partout signalée, ce qui est réjouissant ; en second lieu, les tensions dues à la nervosité et à la fatigue. » Voici, à l'appui de ces constatations générales, quelques citation : Il est certain que le rôle de l'épouse commence à la maison, et la responsabilité d'un ménage est une tâche importante qui ne permet pas d'exercer une autre activité professionnelle. Et n'oublions pas que, dans une famille, la santé, le repos, donc la bonne humeur d'une mère sont essentiels ! (Etudiant) Il faudrait combattre le travail des mères de famille, car les conséquences, on les trouve chez les enfants. (Ferblantier) Pour ces enfants-là (ceux dont la mère travaille en usine), la maison veut dire : endroit où on couche ; quant à la famille, ils n'en ont jamais entendu parler. (Mécanicien) Elle doit tout faire à la hâte, ce qui nuit au climat familial. (Instituteur) Si la mère travaille, les parents arrivent les deux en coup de vent, ils s'énervent, les enfants sont là, on se marche dessus, on crie… (Mécanicien) Le mère de famille ne peut pas remplir deux rôles. Ce système démolit le foyer, conduit directement ou indirectement au divorce. (Jardinier) Le mère doit être calme, compréhensive, douce… une mère qui travaille ne peut se montrer calme. (Manoeuvre) Dans certains cas, pour pouvoir se procurer une auto, la mère de famille est obligée d'aller à l'usine. Pour ma part, j'aimerais mieux les voir circuler à pied ou en train et voir la mère de famille avec ses enfants. Que cette dernière les quitte, et l'harmonie familiale est rompue. (Dessinateur) Pour les gosses, combattons le travail des mères de famille. Eduquons les gens à vivre avec le salaire du mari. Trop de gens sont éblouis par l'argent et le confort. (Employé PTT) Etre mère est déjà une occupation suffisamment importante, presque comparable à une profession. (Instituteur) Mes parents étant séparés, je vis depuis l'âge de 10 ans seul avec ma mère. Pendant de nombreuses années, nous avons rencontré des difficultés diverses, car ma mère devait travailler toute la journée. (Mécanicien) Si je me marie, je préfère avoir ma femme à la maison et ne pas pouvoir me payer l'auto et autres luxes, puisque l'entente dans la famille est primordiale. (Horloger) En regardant ma mère faire son ménage, je ne vois pas où et quand elle prendrait le temps de travailler hors de la maison. (Menuisier) Personnellement, je suis très content que ma mère ait été le soleil de notre foyer et qu'elle ait accompli sa tâche de mère de famille vaillamment, à travers les vicissitudes de la vie sans jamais se plaindre. On ne s'en rend compte que lorsqu'on est en âge de fonder soimême un foyer. (Laborant) En conclusion, une recrue sur dix seulement approuve sans restriction l'exercice d'un second métier par la mère de famille ; les neuf autres expriment un avis négatif, selon les cas catégorique on nuancé. Il nous a paru utile de verser tette enquête au dossier d'un problème délicat qui suscite discussions et controverses. Elle fait entendre une opinion dont il est rarement tenu compte et qui pourtant mérite attention. |
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