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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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POUR PRÉPARER NOËL - UN CONTE

Le Noël d'Antonio

Il fait un beau froid de neige. C'est le soir de Noël. Au carrefour de l'Odéon, près de la bouche du métro, Antonio, le nez gelé, les mains aux poches et grelottant dans son mince vêtement rapiécé, s'est fait une place au premier rang du cercle des baclauds. Antonio a neuf ans. C'est un petit bohémien. Et pour le moment, il oublie complètement la roulotte du père Anselme, sa roulotte, qui est arrêtée en banlieue, du côté de Montreuil.
Antonio écarquille tant qu'il peut les yeux. Il ne se lasse pas de voir recommencer, sur le tapis déroulé sur le trottoir, ces jeux de force des athlètes forains. Ils soulèvent des poids énormes. Ils jonglent avec un garçon un peu plus grand que lui, qu'ils lancent en l'air et reçoivent à bout de bras comme une balle.
Pour terminer ce merveilleux spectacle, Francis, c'est le nom du jeune acrobate, Francis avale des sabres, mange du feu et crache de longues flammes rouges à pleine bouche. Puis, il fait la quête et remet au patron lutteur les piécettes que les badauds ont jetées sur le pavé.
C'est le dernier numéro. Les baladins roulent leur tapis. Les passants se dispersent. Antonio, lui, n'a pas bougé. Il est fasciné par cet autre garçon, par Francis dont la peau est bleuie de froid.
- Tiens, Francis, prends ta part… et à demain, mon gars.
- A demain, patron.

Francis compte la poignée de pièces que le lutteur en chandail lui a donnée, puis, les mains aux poches, il s'en va sans se presser par le boulevard Saint-Germain. Et, Antonio, malgré lui, emboîte le pas de ce grand.

Francis a deviné qu'il était suivi. Il s'est retourné deux fois, trois fois. Quand il a été sûr que ce gamin marchait bien sur ses talons, il s'est arrêté.
- Alors, petit, paraît que nous allons du même côté ? Comment t'appelles-tu ?
- Antonio.
- Moi, c'est Francis. Où est ta roulotte ?
- Du côté de Montreuil, dit le gamin. La tienne aussi, peut-être?
- La mienne ?
Francis a éclaté d'un grand rire.
- Moi, petit, tu ne pourrais jamais deviner où j'habite. C'est au milieu d'un parc. Tu sais ce que c'est qu'un parc, un immense jardin. Ma maison…
Francis a vu briller les yeux du gamin, dans cette pauvre petite figure couleur de mie de pain. Cet Antonio, ce petit que le hasard a mis sur sa route, ne doit pas manger à sa faim tous les jours. Et Francis a une idée.
- Antonio, est-ce qu'on s'inquiétera de toi, dans ta roulotte ? Tes parents ?
- Je n'ai plus de parents, dit le gamin. Je suis chez le père Anselme.
- Et qu'est-ce qu'il fait le père Anselme ?
- Tous deux on tresse des paniers avec du jonc, ou bien avec de l'osier. Tu sais ?
- Je sais, dit Francis. Ecoute, Antonio, ce soir, tu vas souper dans ma maison, chez moi, je t'invite. Tu veux bien ?
- Oh ! je veux bien.
- Tu verras, petit, tu verras… Je ne te dis que ça. Et, puis, demain, c'est moi qui te ramènerai à Montreuil, au père Anselme. Allez, viens… Il y a encore un grand chemin. Tu n'es pas fatigué ?
- Oh ! non…
- Alors, en route, donne-moi la main.
Les deux garçons ont passé les ponts, traversé la place de la Bastille. Dans une boutique du faubourg Saint-Antoine, Francis a sorti cette pleine main de monnaie qui sonnait dans sa poche, et il fait des achats sous le regard d'Antonio.
Entier, le pain, entier, patron. Nous sommes deux ! Et du pâté ! Naturellement, tu aimes le pâté, Antonio. Alors une vraie tranche, patron ! Et du chocolat. Oui, une tablette. Quatre bananes. Ah ! j'allais oublier, une bougie. Merci. Et faites-moi un paquet de tout cela !
Et dans la rue :
- Pour un réveillon de Noël, tu comprends, petit, il ne faut pas regarder à la dépense. Ah ! je marche trop vite ! Tu n'as pas de grandes jambes. Nous arrivons bientôt. Tu vois ces arbres. C'est le bois de Vincennes.

Un peu de lune éclairait la neige des allées. Francis entraînait son jeune compagnon.
- J'entre chez moi par la voie des airs. Attends que je retrouve mon arbre. Il s'élève au-dessus du mur. Le voici. Monte sur mon dos. Attrape la première branche. Hisse-toi. Tiens-moi bien, et attends-moi là-haut.
Francis, leste comme un chat, avait, en trois bonds, rejoint le gamin au faîte de l'arbre. Une grosse branche franchissait le mur et penchait de l'autre côté, sur le jardin dont Antonio découvrait les allées, les pelouses sous la neige.
- Attention, petit, tiens-toi à moi. C'est le passage difficile. Ferme les yeux je tiendrai l'équilibre.
Avec précaution, Francis avait poussé Antonio le long de cette branche. Il l'avait fait accroupir tout au bout, puis, se laissant tomber, il roulait sur la neige, se relevait, tendait les bras.
- Saute et n'aie pas peur. Voilà. Ramasse le paquet. Suis-moi. Il est beau mon parc, qu'en dis-tu ?
Un ruisseau courait dans la rocaille. Des arbustes laissaient couler leur chevelure argentée dans le courant. Et des bêtes, des oiseaux comme on n'en voit qu'en rêve, roses et bleus sous la lune, vous regardaient passer.
- Mes ibis, mes sarcelles, mes pélicans, disait Francis. Tu vois ce plateau entouré de fossés ? C'est là que l'été, se promènent mes éléphants. Tu as entendu ?… N'aie pas peur. Ce sont mes lions. Ils sont enfermés dans leurs cages.

Antonio allait de féerie en féerie. Il n'était jamais entré au Zoo de Vincennes, le merveilleux jardin des bêtes sauvages. Sa main serrait un peu plus fort celle de ce grand qui l'avait invité dans son royaume.

- Ma maison est derrière celle des éléphants, disait Francis. Et là aussi il faut entrer par les airs.
Aidé par son ami, Antonio avait escaladé un rocher de ciment.
Là s'ouvrait une lucarne que le garçon avait entrebâillée.
- Je descends le premier. Tu te laisseras glisser. Je t'attraperai.
Allez, doucement.
Au fond de cette grotte où il faisait bon et chaud, dans le noir, Antonio s'était serré tout contre son grand camarade qui allumait sa bougie.
- Tu es chez moi, petit.
Et Antonio avait vu les cages et, dans les cages, les singes, les chimpanzés qui bondissaient aux barreaux. Et Francis qui allait à eux et qui leur parlait…
- Marie-Louise… Félix ! allons, allons, c'est moi, votre ami, Francis. Là, oui, donnez-moi la main. Ce soir, j'ai amené un petit camarade. Allons, Marie-Louise ! Tu penses bien que je ne t'ai pas oubliée ! Antonio, défais vite le paquet et passe-moi les bananes.
Francis avait partagé les fruits dans les cages.
- Tu vois, Antonio, voilà la maison de mes amis. Dans la cage du coin est ma préférée, Marie-Louise. Tout l'hiver, elle a toussé. A nous, maintenant. Déballe le pain et le pâté. Et le chocolat. Mets tout sur cette caisse. Tu te souviendras, petit, de ce réveillon avec l'ami Francis. Tu es content ?
- Oh ! oui…
- Alors, mange…
Et Francis riait, joyeux du bonheur de ce gamin, coupant le pain, écrasant le pâté sur de larges tartines et continuant de parler la bouche pleine. Ah ! oui, ce serait un fameux Noël et qui compterait ! Et, tout à coup, là, sur le fond de la caisse, Francis avait aperçu l'arbre ! Dans un pot, un tout petit sapin portait six minuscules bougies de couleur et des fruits confits enveloppés de papier d'argent. Antonio aussi avait vu.
- Oh ! Francis ! un arbre de Noël !
- Comme tu vois, avait murmuré le grand, tout songeur. Mais, comme c'était un gavroche de Paris, que rien n'étonne, il avait allumé les petites bougies.

Et, à la même heure, chez le gardien des chimpanzés, dans un petit logement du Zoo de Vincennes, l'homme en découpant la bûche de Noël disait à sa femme :
- Je pense à la surprise que le gaillard aura eue. J'ai préparé un petit arbre de Noël pour lui. C'est un garçon sauvage, tu sais. L'été il dort peut-être sous les ponts. Mais tout l'hiver, il vient se chauffer chez mes singes. Il ne se doute pas que je l'ai guetté une fois, tiens, quand Marie-Louise avait cette fameuse bronchite. Je m'étais caché pour voir le garçon. Ce sera un ami des bêtes. Si tu l'avais vu forcer Marie-Louise à boire sa potion au biberon… et lui parler !

Et dans la cage des chimpanzés:
- Joyeux Noël, Antonio, disait Francis. Partage le chocolat. En trois, bien sûr, n'oublie pas la part de Marie-Louise.
Derrière ses barreaux, faisant briller ses yeux d'or, la grande bête grognait d'aise en entendant cette voix amie qui disait si bien son nom.









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