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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Les parents angoissés

L'angoisse est un défaut qu'il est permis de considérer comme la source de presque tous les autres.
- Mais, m'objectera-t-on, comment pourrait-on reprocher à quelqu'un d'être anxieux ? Ce n'est point sa faute si sa nature est ainsi faite. N'est-il pas le premier à en souffrir ?
Nous n'en disconvenons pas :mais quand une porcelaine a un défaut, personne ne prétend que c'est sa faute et le défaut n'en existe pas moins !
D'ailleurs, une fois écarté le problème trop complexe de la responsabilité morale, peut-on affirmer en toute bonne foi qu'il n'existe pas une certaine façon de cultiver l'angoisse et de s'y complaire ? On rencontre bien des parents qui se croiraient de mauvais parents s'ils ne s'inquiétaient pas, et, si l'un des deux s'inquiète plus que l'autre, ne va-t-il pas quelquefois jusqu'à reprocher à ce dernier sa sérénité qu'il traite d'indifférence ou d'inconscience ? Une erreur assez courante consiste à croire qu'à songer toujours au pire, on parvient à l'éviter : c'est bien souvent le contraire qui est vrai ! Faut-il donc être imprévoyant ? Non, sans doute, mais encore faut-il distinguer la prévoyance de la peur. La seule prévoyance digne de ce nom est celle qui organise une résistance efficace au mal, sans accorder d'avance aux catastrophes redoutées une créance disproportionnée au risque réel. Supposer le risque plus grand qu'il n'est devrait être aussi considéré comme une forme d'imprévoyance (et de la plus dangereuse espèce !) car c'est être imprévoyant que de n'être pas capable de prévoir toutes les chances que l'on a d'échapper au danger.
Certains s'imaginent que l'on n'a pas besoin de prévoir les choses heureuses : ils craignent par-dessus tout l'espérance et la confiance, derrière lesquelles ils tremblent toujours de voir poindre la déception. Et pour se prémunir contre cette déception, ils entretiennent dans leur esprit une évocation permanente de la catastrophe qui les consume à petit feu, à coup sûr, alors qu'ils n'étaient pas du tout sûrs d'en être un jour victimes.
Cela ne serait encore rien, si l'évocation du pire n'avait aucun effet pratique. Hélas ! à force d'évoquer les événements, nous les provoquons.
Il est indubitable que la personnalité des jeunes se forme en grande partie d'après l'idée que se font d'eux leurs éducateurs ; ceux qui s'attendent toujours à une évolution défavorable voient souvent l'enfant se modeler peu à peu sur leurs craintes. A ma connaissance ce sont les personnes qui comptent sur la sagesse d'un enfant qui obtiennent cette sagesse avec le moins de peine ; en revanche, celles qui sont d'avance convaincues de sa turbulence et de sa méchanceté obtiennent toutes les manifestations possibles de cette turbulence et de cette méchanceté. Beaucoup d'exemples m'en ont été rapportés, sans compter tous ceux que j'ai eus, moi-même, sous les yeux…
Les parents anxieux conservent une dose plus ou moins grande d'espérance au fond de leur coeur, mais ce qui leur manque, c'est la confiance. Ils sont fascinés par le danger qu'ils redoutent et qui leur apparaît démesurément grossi ; mais ils voudraient le fuir, comme l'oiseau qui va devenir la proie du serpent dont le regard est dardé sur lui. Dans les deux cas une intervention extérieure est en général nécessaire pour sauver la victime.
L'angoisse est plus insupportable que le pessimisme, lequel sert peut-être même chez beaucoup de gens à résoudre la souffrance de l'angoisse. Mais c'est une toute autre solution que, pour notre part, nous voudrions préconiser en nous appuyant sur deux principes :
1. Que ces parents chassent de leur esprit l'idée que c'est un devoir pour eux de s'inquiéter.
2. Qu'ils prennent conscience d'une chose essentielle : c'est que leur inquiétude ne protège pas leurs enfants.
L'expérience montre en effet que l'inquiétude augmente même les risques. Il suffit que les parents fassent porter leur angoisse sur tel ou tel point de l'éducation de leur progéniture, pour que les choses se gâtent de ce côté-là. Une mère est-elle angoissée par le problème de la nourriture ? Elle aura presque fatalement un enfant qui ne voudra pas manger. Un père est-il hanté par la réussite scolaire ? Son fils a beaucoup de chances d'être un cancre. Tel qui a la phobie du mensonge verra ce défaut fleurir dans sa famille.

Certains penseront peut-être que c'est le manque d'appétit du nourrisson qui engendre les préoccupations alimentaires de la mère, comme les échecs scolaires du fils engendreraient les soucis obsédants du père pour tout ce qui touche aux études. Nous ne pouvons admettre ce point de vue, pour avoir vu trop d'enfants reprendre goût à la nourriture, quand elle leur était offerte avec un peu moins d'affolement, trop d'élèves redevenir studieux quand on cessait d'attendre, le coeur battant, les résultats de leurs compositions.

L'angoisse des parents est ressentie par les enfants comme une atteinte à la sécurité dont ils ont besoin pour croître sans dommage. Ils la ressentent aussi comme une faiblesse qui met les auteurs de leurs jours à leur merci et sur laquelle ils peuvent jouer inlassablement afin d'obtenir toujours davantage les preuves d'amour dont ils sont inisatiables…
A l'origine, c'est l'imagination dramatique des grandes personnes qui est en général fautive. Un enfant refuse-t-il une fois sa soupe ? On l'imagine aussitôt semblable aux petites victimes d'une famine dont les photographies des journaux ont montré les terribles effets. Déroge-t-il un morceau de sucre ? C'est la prison, le tribunal, l'échafaud peut-être, qui passent devant les yeux des éducateurs angoissés. S'amuse-t-il à baptiser du nom de fusil un bout de bois qu'il a ramassé par terre ? Les uns y verront la révélation d'une tendance à mentir et à fabuler, tandis que d'autres (dont l'inquiétude est différemment orientée) croiront y découvrir les signes précurseurs d'un instinct violent et cruel qu'ils redoutent par-dessus tout. Le simple assoiffé passera pour un futur ivrogne ; l'élève qui a recueilli une mauvaise note, pour un futur clochard. Loin de comprendre que la perfection qu'ils réclament dès le plus jeune âge serait une anomalie, les angoissés font une montagne du plus petit monticule. Tout leur paraît l'indice d'un vice probable ou d'une monstruosité naissante chez leur progéniture.
Pour combattre la néfaste angoisse des parents, un dernier remède s'impose : autant que faire se peut, tenir en laisse son imagination. Celle-ci agit comme une avalanche : au début, il est sans doute possible d'arrêter sa course, mais peu à peu l'on n'en est plus maître, les images de plus en plus dramatiques et absurdes s'enchaînent, prennent une apparence de réalité de plus en plus intense, s'amplifient et en viennent à occuper tout le champ de notre pensée. Si nous cherchions à nous en détourner, nous nous croirions perdus, comme le dompteur qui quitte des yeux le fauve avec qui il est enfermé. Mais pendant ce temps, c'est un autre fauve, bien plus réel, qui nous dévore.









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