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Si vous désirez…
Connaître une île déserte, vous lirez :
Croisière cruelle
par Henri Bourdens, éd. Arthaud (prix : Fr. 17.75)
Partir ! Echapper à la vie civilisée et policée, faire la croisière autour du monde : c'est le rêve qu'Henri Bourdens et José, sa femme, avaient mis à exécution. Non sans de sérieux préparatifs. Mais quelques mois plus tard, un bateau australien recueillait les deux naufragés…
Leur histoire (vraie) est un document irremplaçable. Non pas dans sa première moitié, qui n'est qu'une suite un peu lassante d'incidents de navigation, mais dans ses derniers chapitres : car c'est sur une île déserte que la tempête fit échouer ce couple.
Que peut être la vie sur une île déserte sans espoir de secours ? On en connaît enfin une image réaliste. L'île déserte, ce sérum de vérité qui ne laisse à l'homme aucun moyen de tricher, représente bien le comble de l'aventure. Après les anecdotes à la Robinson Crusoé, après les privations et les souffrances physiques, il ne restait aux naufragés que leur force spirituelle pour survivre.
Leur témoignage est bouleversant parce que, au lieu de sombrer moralement, au pire de l'épreuve, Henri et José Bourdens se sont élevés jusqu'à forcer le respect. Même quand ils en étaient à dériver, au fin bout de leur résistance, sur un radeau qui s'enfonçait doucement dans l'océan…
C'est José qui a écrit les dernières pages :
« La goélette s'est rapprochée, il est vrai, mais sa route la fera passer à quelque distance, et elle ne semble pas vouloir en changer. Fiévreusement, Henri tente de faire partir d'autres signaux : fusées parachutes, feux à main, bombes fumigènes… Mais tout est trop humide (ironie de ces signaux de détresse, censés être utilisés à bord de radeaux ou de canots de sauvetage, et qui portent en grosses lettres :« A tenir au sec » ! Je voudrais que le fabricant, et les crétins de l'administration qui « approuvent » ce matériel, soient là avec nous !) Enfin un autre fumigène consent à prendre et une autre nuée orange dérive sur les eaux.
Et il nous faut en croire nos yeux incrédules : la goélette s'éloigne. Nous pouvons maintenant voir sa poupe, et les deux mâts s'aligner tandis qu'elle diminue dans le lointain. Nous croyons devenir fous. « Vite, donne-moi ta chemise ! » crie Henri. J'arrache mon anorak rouge, et Henri, grimpant sur la cantine, dansant de rage, se met à le secouer follement, tandis que je demande, presque en pleurs, à haute voix : « Pourquoi nous l'avoir montrée, mon Dieu, seulement pour nous l'enlever ? »
- Prie ! prie ! hurle Henri. Et je continue, maintenant débarrassée de toute fausse honte »…
Livre proposé par S. GUYE
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