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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURA propos de l'apprentissage du métier de mère. « On ne naît pas mère, parfois on le devient. La mère serrant son enfant contre son coeur, c'est de la littérature, de la peinture. La maternité est une chose que l'on crée. Moi-même, en élevant mon fils, j'ai fait toutes les erreurs du monde… » Qui donc tient ce langage ? Qui ose balayer ainsi les « tabous» qui permirent à la femme d'abriter pendant des siècles souvent sa paresse, ses égoïsmes, sa force d'inertie derrière une image saint-sulpicienne ? C'est Mme Scarsella, fondatrice et directrice du « Village de la Mère et de l'Enfant », centre pilote milanais d'études sur la première enfance. L'originalité du « Village » ne réside pas dans le fait d'abriter des mères célibataires, d'autres oeuvres y ont été consacrées, mais qu'à travers ce geste cent fois répété, Mme Scarsella et ses collaborateurs aient été à l'origine des découvertes parmi les plus importantes sur la psychologie de la petite enfance. Médecins, éducateurs, psychologues, pédiatres se retrouvent, viennent d'Amérique, de Scandinavie, d'Angleterre, préparer des thèses, chercher des exemples ou, si l'on préfère, « faire le point ». Et l'exemple se propage. Mme Scarsella a donné plusieurs conférences à Lausanne, à l'Université notamment, et des foyers pour jeunes mères s'ouvrent dans différentes villes en partie inspirés par son « Village ». Les trois premières années - En touchant, en 1945, au problème urgent en Italie de l'aide aux mères célibataires, nous dit Mme Scarsella, j'ai débouché sur l'ensemble des problèmes de la maternité. Garantir à l'enfant pendant les trois premières années, non pas seulement la présence maternelle - je dis bien - mais la chaleur maternelle. On parle beaucoup d'adoption actuellement en Italie, dans les journaux, les congrès, partout. Avant de se pencher sur ce problème, il me semble qu'il faudrait s'occuper de permettre aux mères de vivre avec leur enfant. De faire connaître l'importance presque tragique pour le petit enfant d'être en contact physique avec sa mère pendant les trois premières années de sa vie, de vivre sur sa peau. - Tragique. Le mot est-il pesé ? - Je dis bien tragique. On ne se rend pas compte encore des carences qu'une privation de ce genre peut amener. On m'a conduit ici, il y a quelques mois, un enfant d'une année et demie qui ne savait ni parler ni marcher. Nettement arriéré, d'une passivité effarante. Nous en avons discuté avec mes collaborateurs. J'ai décidé de faire venir la mère au « Village ». « Vous n'aurez rien d'autre à faire qu'à porter votre enfant, lui ai-je dit, à jouer avec lui, le tenir contre vous, mais vous le ferez.» Et elle l'a fait. Au bout de deux mois, l'enfant avait rattrapé son retard, sans remèdes ni fortifiants. Plus nous allons de l'avant, plus nous découvrons que tout, ou à peu près tout, de la vie d'un individu se joue pendant les trois premières années. Si celles-ci se sont déroulées dans de bonnes conditions, j'entends si l'enfant a pu vivre dans un rapport d'amour stable avec sa mère, en contact physique - je sais qu'en Suisse, on est très puritain, ma mère était Suissesse, mais j'insiste sur le mot physique - c'est-à-dire en pouvant toucher sa mère, jouer avec elle, je dirais presque la respirer,- il est sauvé ou presque. Quels que soient les chocs, les difficultés qui pourront surgir plus tard dans sa vie, il se heurtera à un univers constitué et sûr. L'enfant réagira normalement. Voyez les enfants noirs. Ils sont beaucoup plus développés, plus sûrs que les enfants blancs du même âge parce qu'ils n'ont quitté leur mère, à trois ans environ, qu'après avoir reçu leur content non pas seulement de lait, de soins, mais de chaleur humaine. C'est cette sécurité de la première période qui leur permet d'affronter la vie sans peur, même si elle est dangereuse. Dans le cas contraire, l'enfant a été coupé trop brutalement du corps maternel, il sera presque fatalement un faible, un désaxé. Ah ! Si les mères pouvaient comprendre -la société aussi - l'importance de la maternité pendant les trois premières années de la vie de l'enfant ! Je ne crois pas à la maternité spontanée. On apprend à devenir mère. C'est beau. C'est aussi difficile. |
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