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Que faire?
Philippe, 6 ans, est un vrai gaucher sans aucun doute. L'oculiste et la maîtresse me conseillent de le laisser écrire de la main gauche. J'avoue avoir beaucoup de peine à m'y résoudre, surtout que ses progrès en écriture ne sont pas spécialement brillants (tout à fait dans la moyenne m'assure la maîtresse). De la main droite, c'est carrément catastrophique. Il n'arrive même pas à tenir son crayon convenablement. Qu'en pensez-vous ? Doit-on le laisser se servir uniquement de sa main gauche ou l'habituer aussi à se servir de la main droite ? Au piano je n'arrive pas à remarquer de différence. Pour saluer, c'est automatiquement toujours sa main gauche qu'il avance, malgré toutes nos observations sur la politesse !.. J'attends votre verdict ! Je m'inclinerai et je me laisserai convaincre
J'ajouterai encore que c'est son oeil droit qui est plus faible et atteint de strabisme et qu'il « shoote » admirablement du pied gauche, mais qu'il est incapable de le faire du pied droit. Vous penserez que je suis bien stupide de vous poser encore la question après toutes ces constatations. Peut-être suis-je encore trop attachée aux habitudes traditionnelles
J'ai eu deux élèves de piano
tout à fait gauchères, mais elles pouvaient écrire des deux mains également. C'est ce qui me trouble.
Pardonnez-moi mon long bavardage. J'espère ne pas avoir abusé de votre temps et de votre patience.
Thérèse Schiltknecht.
Vous avez raison, Madame, de vous préoccuper de la « gaucherie » de votre fils. Chaque mère, en effet, doit observer ses enfants et noter leurs anomalies afin de pouvoir y remédier. Philippe est assurément un véritable gaucher. Suivez donc les conseils de l'oculiste et de l'institutrice : laissez-le utiliser librement sa main, son oeil et son pied gauches. Ne vous préoccupez pas de la pression sociale exercée par la famille et les amis bien intentionnés. Ceux-ci sont persuadés qu'il s'agit uniquement d'inculquer de bonnes habitudes à l'enfant récalcitrant. Ces personnes ignorent, sans doute, que les gauchers obéissent strictement à une dominance cérébrale dont ils ne sont pas maîtres. Cette dominance est sous la dépendance de l'acquisition du langage. Jusqu'à l'âge de 10 ans il faut laisser le gaucher agir à sa guise et ne lui imposer aucune contrainte sur le côté droit. Sinon de graves troubles du langage et de l'équilibre seraient à redouter.
Il ne faut pas lutter contre la gaucherie, mais composer, c'est-à-dire s'arranger avec elle. Les gauchers sont lents, donc partiellement et provisoirement inadaptés. Mais cela ne dure qu'un temps pendant lequel les parents et les maîtres d'école feront bien de collaborer. Dans un climat positif, les écoliers gauchers fournissent un travail de plus en plus régulier et ordonné. Les parents et les frères et soeurs, de leur côté, aident l'enfant gaucher à acquérir tous les automatismes de la vie courante sans le bousculer, mais en lui demandant une participation active et intelligente. Pourquoi ne pas stimuler son ambition comme chez n'importe quel enfant ? Il faut veiller surtout à ce que l'enfant gaucher ne devienne un « cas ». Il ne doit pas se sentir diminué par son anomalie, ni se reposer sur elle comme sur un oreiller de paresse. Du reste, vers l'âge de 12 ans, la situation se normalise ; la gaucherie subsiste toujours, mais elle ne représente plus un problème. Pour vous encourager, je vous citerai, en terminant, l'exemple de ma fille qui, gauchère complète, vient d'obtenir sa maturité latine. Nous l'avons toujours traitée comme les autres enfants de notre famille et nous n'avons jamais insisté particulièrement sur sa gaucherie. Après lui avoir fait subir des tests, à l'âge de 6 ans, nous ne l'avons jamais contrariée, mais nous l'avons encouragée comme ses frères et soeurs, à utiliser de bonnes méthodes de travail. Vous voyez donc que l'avenir peut être plein de promesses aussi pour les gauchers.
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