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Le divorce et l'enfant

Beaucoup de publications - les unes cliniques, les autres statistiques - ont traité des répercussions de la désunion conjugale - et tout particulièrement du divorce - sur l'équilibre et la santé mentale des enfants. Une documentation abondante et sérieuse ne permet plus guère de contester le fait qu'une bonne entente des parents (d'autant plus qu'elle est plus authentique et plus profonde) constitue la meilleure des conditions éducatives ; et il s'ensuit naturellement que la mésentente ne peut que constituer une condition défavorable.
Mais doit-on s'en tenir à cette dernière constatation en se contentant de la déplorer? Au reste, il y a bien des cas où l'entente n'est pas si facile à réaliser - car beaucoup de facteurs entrent en jeu et il faut, au surplus, être deux pour s'entendre comme pour se disputer. Quand le divorce est déjà prononcé, va-t-on se borner à revenir sur les raisons pour lesquelles il n'a pas pu être évité? Comment porter un jugement sur un conflit dont les racines sont souvent inapparentes ; reproches et récriminations sont d'ailleurs vains et susceptibles de faire plus de mal que de bien en s'attardant sur des événements dépassés. Toute l'attention doit porter désormais sur les moyens de faire que les enfants du ménage désuni souffrent le moins possible, non seulement dans leur coeur, mais dans leur développement physique et moral qui risque d'être lui-même affecté par la situation. Il est, bien entendu, souhaitable que la connaissance des dangers que représentent les conflits parentaux pour la progéniture fasse réfléchir les couples de bonne volonté et les incite au maximum à chercher à résoudre leurs problèmes à moindres frais. Il est certain qu'un effort d'attention et d'honnêteté devrait permettre d'éliminer certaines considérations mesquines d'amour-propre, les entêtements puérils, les aveuglements égoïstes, les malentendus parfois minimes à leur origine mais qui ont, en général, tendance à faire boule de neige.
Il arrive que l'intervention compréhensive d'autrui soit de nature, dans certains cas, à catalyser ce qui reste de bonne volonté, à faire tomber les paroxysmes et à ramener les esprits au calme et à l'objectivité, bref, à éviter que la crise d'un instant devienne l'échec définitif d'une ou de plusieurs existences. Certains spécialistes s'y emploient, mais des cas de conscience ne peuvent manquer de se poser à eux.
Il n'y a pas, en effet, de solution toute faite et bonne pour tous les cas.
Il faudrait commencer par distinguer les crises de la vie conjugale (qui, si aiguës soient-elles, ne sont en fin de compte que des crises plus ou moins transitoires) et les discussions graves qui ne se manifestent pas toujours de manière violente, mais qui font peser un malaise permanent sur le groupe familial. Car les manifestations violentes ne sont pas forcément les pires : il convient, entre autres choses, de tenir compte des caractères plus ou moins volcaniques et expansifs des conjoints et du registre où se déroule pour eux ce qu'on peut appeler leurs discussions normales. Car les normes des « hauteurs de ton » ne sont pas les mêmes pour tous les individus et pour toutes les familles. Ce qui serait dramatique chez les uns ne relève pour les autres que de l'entretien banal.
Il est vrai que les choses se gâtent bien souvent parce que les deux conjoints, sur ce point, ne sont pas toujours à l'unisson. Ici interviennent les différences qui ont conduit les caractérologues à distinguer des caractères primaires et des caractères secondaires. Aussi, tel mot, vite oublié par celui qui l'a prononcé sans y attacher une véritable importance, peut provoquer de longues ruminations chez l'autre qui s'en trouve blessé. Sans doute est-on toujours en droit de soupçonner à l'arrière-plan de ce mot mal accepté la présence d'une agressivité inconsciente qui va bien au-delà de ce que pense clairement, lui-même, celui qui l'a prononcé. Peut-être ce mot a-t-il d'ailleurs servi à diminuer la tension agressive chez ce dernier mais en jouant un rôle inverse chez celui qui a servi de cible. Le plus souvent, le germe de la dissociation du couple existait sans doute obscurément dès le jour de son association, mais il n'était guère possible en général de le détecter alors.
Ce sont les motivations du choix qui auraient dû être mises en cause, car les dispositions névrotiques, souvent contemporaines, des deux conjoints, interviennent déjà d'habitude à ce niveau, ce qui toutefois ne condamne pas fatalement à priori le mariage à une dissolution à plus ou moins brève échéance. Il existe en effet pour chaque ménage un seuil variable de tolérance mutuelle, et pour chaque conjoint une résistance au détachement, plus ou moins grande, qui, quelle que soit son origine, est susceptible de présenter des avantages pour les enfants, dès lors que la rupture n'a pas eu lieu avant leur naissance ou plutôt avant leur conception.
Tout le monde, je le sais, n'est pas d'accord sur les avantages de cette résistance au détachement, quoiqu'il me paraisse un peu simpliste aussi bien d'y souscrire que de la rejeter systématiquement, sans tenir compte des particularités de chaque cas. Il est vrai que l'enfant souffre des discussions de ses parents et les ressent jusque dans sa chair, alors même qu'il n'en a pas une conscience précise. Mais un autre facteur n'en est pas moins à considérer : la valeur « structurante » de l'image du couple, en tant que couple, même si celui-ci est imparfait. Pour un enfant, le fait que ses parents demeurent unis par sa personne et pour sa personne est quelque chose de positif, s'il s'agit de leur part d'une marque d'amour véritable à son égard. Il n'en serait peut-être pas de même s'il ne s'agissait que d'un « devoir » accompli à contre-coeur et sans amour. Dans ces conditions, l'enfant risquerait d'être l'objet d'une sourde rancune et de payer, même sans qu'on s'en rende compte, l'obstacle que sa personne constituerait par rapport au désir de divorce. Toutefois, ce qui est surtout grave pour un enfant, c'est de ne pas avoir son juste compte d'amour alors même que l'entente de ses parents serait sans nuage.
Les différends d'un couple prennent d'habitude leur source soit dans une dysharmonie sexuelle, soit dans une dysharmonie caractérielle (fréquemment conjuguées) ); mais les désaccords qui gravitent autour des questions d'argent ou de l'éducation des enfants leur servent souvent de prétexte. Il ne faudrait point passer sous silence le rôle des infidélités conjugales dans la dissolution des couples. Encore faudrait-il distinguer les parts respectives de la déception amoureuse et de la vexation d'amour-propre. L'association fondée sur une convention de totale liberté mutuelle est un jeu bien délicat, surtout quand le départ dans la vie conjugale est d'emblée placé sous le signe d'un tel principe. Il se peut néanmoins qu'à titre de solution de rechange devant une menace de faillite, elle mérite d'être prise en considération, surtout si l'on veut bien mettre l'accent sur l'union profonde dont parfois elle témoigne en dépit des facteurs de discussion plus voyants qui empêchent de les discerner. Il se peut en effet que le foyer garde, malgré tout, pour les « conjoints disjoints », une certaine force attractive capable d'empêcher le triomphe complet des forces antagonistes qui attirent l'un ou l'autre vers l'extérieur. Y a-t-il alors intérêt à maintenir une situation aussi ambiguë ou, au contraire, à la résoudre au besoin par une décision brutale de rupture ? On ne saurait donner à pareille question une réponse générale car chaque situation est à considérer non seulement comme un cas particulier mais comme une somme de cas particuliers puisque plusieurs êtres sont concernés. C'est pourquoi l'un et l'autre devraient se méfier de calquer leur conduite sur quelque stéréotype littéraire ou traditionnel, alors que les meilleures règles de conduite viennent de l'esprit et du coeur. Il ne s'agit pas de se demander comment ont agi ou auraient agi tel ou tel personnage réel ou imaginaire dans des circonstances analogues, ni ce que les autres gens vont en penser: les autres jugent de l'extérieur et sans jamais connaître toutes les pièces du procès. Et il faut bien dire que pour eux le drame d'un ménage, même ami, n'est le plus souvent qu'un fait divers destiné à tomber plus ou moins dans l'oubli. Leur opinion ne devrait donc pas peser dans la balance quand ce qui est en jeu engage tout un avenir.
Au surplus, de même qu'il y a plusieurs sortes de mariage, il y a plusieurs sortes de divorce ou de séparation. Il arrive même parfois que les anciens conjoints dont l'indépendance a effacé les aspérités caractérielles ou les désaccords physiques, s'entendent mieux dans le divorce que dans le mariage, demeurent ou deviennent bons amis - ce qui surprend l'entourage et scandalise certains - ce qui est, à tout prendre, la meilleure formule une fois la séparation admise. A l'inverse, l'un des époux peut disparaître complètement de la scène, allant jusqu'à renier ses responsabilités matérielles et morales. Celui ou celle qui reste avec la charge des enfants se retrouve donc dans le cas du père seul ou de la mère seule, avec la possible complication - qui suivant les cas peut être heureuse ou malheureuse - du retour inopiné du déserteur qui se met quelquefois à prendre intérêt à ses enfants, sans doute parce qu'ils ont grandi et sont susceptibles de lui donner des satisfactions d'amour-propre. Le fait d'être resté longtemps sans remplir ses devoirs paternels et maternels ne serait pas toujours suffisant pour empêcher un père ou une mère de prétendre faire valoir leurs droits. Une situation est pire encore, lorsqu'une telle revendication n'est qu'un moyen de pression, de chantage ou d'assouvissement de quelque vieille rancune où il est toujours désastreux que la progéniture soit impliquée. Entre ces extrêmes, il existe pour les époux divorcés de multiples types de relation qui dépendent de divers facteurs personnels ou autres. Ce que réclame l'intérêt de l'enfant, c'est que le jeu de ses sentiments spontanés reste libre. On sait que chacun doit trouver dans le parent de son sexe quelqu'un auquel il soit possible et bénéfique de s'identifier et dans le parent de l'autre sexe un idéal à aimer.
Chaque coup bas qu'un des anciens époux porte à l'autre atteint donc l'enfant en premier ; car il faut à celui-ci la liberté d'aimer et d'admirer ses deux parents, sans avoir l'impression de trahir l'un chaque fois qu'il ressent pour l'autre un peu de cet amour et de cette admiration.
Certains enfants réagissent à cette impression culpabilisante de trahison en menant un double jeu qu'il ne faut pas interpréter comme une fourberie cynique, car ce n'est en général qu'un pauvre moyen de se faire pardonner par celui qui, par l'actualité de sa présence, apparaît en quelque sorte le plus indispensable et le plus réel, au moins momentanément. Etre frustré de son amour serait trop angoissant, surtout quand la situation en elle-même est déjà frustrante ; mieux vaut donc lui dire ce qu'il ou elle a envie d'entendre et au besoin inventer des histoires qui accablent l'absent - ce qui n'empêche pas d'agir de même avec l'autre parent quand la situation est inversée. Ainsi s'enveniment les rapports de conjoint à conjoint et de famille à famille, du fait du désarroi d'un enfant qui n'est pas le vrai responsable.
Le malaise de celui-ci est d'autant plus grand que les parents adoptent, vis-à-vis de lui, une attitude plus démagogique. Par malheur, quoi que fasse un parent divorcé, l'autre est souvent tenté de le soupçonner, à raison ou à tort, de démagogie et de sournoise propagande. Si celui dont le droit de visite est limité achète un gâteau inhabituel pour le goûter du fils ou de la fille (qu'il ne peut s'empêcher d'avoir d'autant plus envie de gâter qu'il les voit plus rarement), il arrive que cela fasse un drame qui donne à la friandise un arrière-goût de péché.
Pour que la séparation des parents ne nuise pas - ou le moins possible - aux enfants, il faudrait que ces derniers soient tenus au maximum en dehors du conflit; qu'ils ne servent donc ni d'instrument, ni de témoin, ni d'espion, ni de champ de bataille, ni d'enjeu. Il faudrait que les parents parviennent à être assez sages pour ne pas faire de la question de leur garde une question d'amour-propre. Lorsque celui à qui cette garde échappe ne représente pas, sur le plan psychique ou moral, un véritable danger pour l'enfant, il serait souhaitable que le droit de visite devienne une liberté de visite et que les arrangements pris pour les sorties ou les vacances ne soient pas trop rapides et ne tiennent compte que de l'intérêt du sujet.
Ce sont parfois les grands-parents - d'un côté ou de l'autre - dont il est le plus difficile de contenir l'ardeur propagandiste. L'intérêt de l'enfant veut alors que les deux anciens époux conjuguent leurs efforts pour annuler cette action nocive, d'où qu'elle vienne. Noircir le père ou la mère aux yeux de leur rejeton, c'est le noircir lui-même à ses propres yeux dans tout ce qu'il a de commun avec le personnage honni. Celui qui n'a pas atteint l'âge adulte risque d'avoir son évolution perturbée, s'il peut s'imaginer que l'un ou l'autre de ses parents était une incarnation du mal ; soit qu'il se croie dans l'obligation d'expier pour ce dernier, soit qu'il soit tenté, à l'âge de la révolte, de prendre pour modèle l'image déformée qu'on lui en aura donnée et à laquelle l'excès même de la déformation aura parfois conféré un involontaire prestige.
A la vérité, dans le divorce, la politique la plus honnête se trouve être en même temps la plus habile ; elle consiste dans le respect de la personne de celui ou de celle avec qui l'on n'a pas pu poursuivre la vie en commun et dans la recherche d'une collaboration loyale sur le plan de l'éducation des enfants. L'ancien conjoint (il faudrait peut-être dire : le disjoint) qui saura le mieux se conformer à ces principes est celui qui, en définitive, a le plus de chance d'obtenir l'estime et, peut-être même, la préférence de ceux qui lui doivent la vie. Il est en effet déplaisant d'entendre excuser ou critiquer sans cesse un de ses parents (même et surtout par l'autre) ; et il est naturel d'en vouloir, ouvertement, mais plus souvent encore secrètement, à l'accusateur le plus acharné. Il y a tout à perdre à se constituer à la fois juge et partie ; au contraire, une attitude de dignité en impose toujours. L'enfant, tôt ou tard, saura l'apprécier ; un jour ou l'autre, il saura bien juger par lui-même et il ne faut pas s'imaginer que son apparente adhésion, lorsqu'il est très jeune, engage son opinion ultérieure.
Il ne servirait à rien de chercher - par une erreur inverse - à totalement camoufler un désaccord flagrant. Si jeune soit-il, un enfant est rarement tout à fait dupe quand on veut lui faire croire, par exemple, que « papa est parti en voyage à cause de son travail » quand papa est parti pour des raisons tout autres. Bien sûr, il y a des explications difficiles, mais rien n'empêche les parents de dire à leur enfant qu'ils se sont aimés (comme le prouve son existence même), mais que leurs caractères ou leurs points de vue s'accordant mal dans la vie commune, ils ont préféré séparer leurs existences pour éviter les heurts et ne garder en commun que l'amour sans nuages qu'ils ont tous deux pour lui, l'enfant !
Quand cette situation se complique dans la constitution d'un nouveau mariage (légitime ou non) du côté paternel ou du côté maternel, il importe surtout que celui ou celle qui n'a pas « refait sa vie » évite de donner l'impression de souffrir d'une exclusion ou d'un rejet ; ce serait montrer qu'on continue à dépendre de l'autre qui s'est affranchi de vous et qui doit cesser d'être votre axe de référence.
Si les époux qui se séparent ont pour souci majeur de préserver au maximum l'équilibre et le bonheur de leurs enfants, il faut qu'ils fassent de leur divorce une sorte de concordat et l'admettent comme un traité de paix marquant la cessation d'une belligérance et non comme un acte de guerre au sein d'un conflit inachevé.









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