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Des enseignements que nos enfants peuvent retirer de la guerre (1)

Certes personne ne souhaitera le mal ni ne le provoquera afin qu'il en résulte du bien; il nous est néanmoins loisible de faire tourner des événenements fâcheux à notre profit en en recueillant les enseignements ou en bénéficiant moralement des situations nouvelles dans lesquelles ils placent nos existences. A ce titre il peut sans aucun doute ressortir pour nous de l'horrible guerre qui déchire l'Europe, des expériences qui serviront à notre développement, et si nous attirons sur elles l'attention de nos enfants, ils pourront en retirer un bénéfice réel.

Essayons de préciser sur quelques points ce que nous appellerons avec un sentiment douloureux les « bienfaits de la guerre ».

Et tout d'abord dans un domaine d'importance très secondaire, la guerre donne à nos enfants l'occasion d'utiliser et de compléter les connaissances qu'ils possèdent, et par-là la valeur de celles-ci en sera relevée à leurs yeux : par exemple, ils consulteront à plus d'une reprise la carte, préciseront leurs connaissances géographiques rectifieront des notions erronées, fixeront dans leur mémoire le nom et la situation des localités inconnues. En outre, et cela a plus de valeur, l'intérêt que leur inspire la guerre, mettra leur esprit en contact avec les questions générales, les sortira de leurs préoccupations souvent mesquines et étroites, et élargira leur horizon intellectuel. Redoutez-vous de voir vos enfants lire les journaux; pour moi, c'est une satisfaction de les voir s'y intéresser: ils s'initieront aux débats politiques, aux relations diplomatiques des peuples; ils apprendront comment les questions financières se lient aux questions politiques et quelles conséquences économiques entraînent les événements; il y aura là tout un enseignement qui se produira naturellement, sans effort, sans leçons à mémoriser, et qui aura sur l'envergure de leur esprit une grande influence. Il a agi sagement ce professeur de notre collège qui a donné à ses élèves comme sujet de composition « La défense de la cause serbe, de la cause allemande, de la cause française »: quelle matière à recherches et à études utiles, quel stimulant pour la réflexion !

Mais ce que nous avons appelé les bienfaits de la guerre, ressortira plutôt de l'ordre moral que du domaine intellectuel. Nous insisterons auprès de nos enfants sur la reconnaissance que doit provoquer en nous la situation de notre pays qui, par suite de sa neutralité est à l'abri des dévastations et des massacres, où l'existence se poursuit pour eux paisible, tandis qu'ailleurs tant d'enfants deviennent orphelins, tant de foyers de familles sont détruits, tant de populations sont dispersées ; nous leur ferons observer comment cette position privilégiée permet à la Suisse de rendre des services importants aux nations atteintes et, préservée elle-même de la guerre, d'en adoucir les souffrances.

Puis, il y aura dans le spectacle à distance de ces souffrances, un éveil pour leur sympathie et par-là à la fois un éveil et un élargissement de leur coeur; nos enfants ne peuvent, il est vrai, porter ce fardeau de la souffrance des hommes au même degré que nous; les lacunes de leur expérience entraînent une lacune dans leur faculté de sentir, et il ne faut pas leur en vouloir; nous connaissons mieux la vie, et la pensée de ce que d'autres souffrent, étend sur nos coeurs un voile dont le coeur de nos enfants ne peut être assombri au même point ; néanmoins ils ne demeureront pas insensibles aux appels à la sympathie et tout ce qui met le coeur en action est bon.

Du reste les événements ne les invitent pas seulement à sentir ; le devoir de l'action s'offre aussi à eux. S'ils ne peuvent aller soigner les blessés, peut-être même pas s'occuper des prisonniers, ils ont eu leur place dans le grand mouvement d'entr'aide qui a saisi notre population, spécialement au début de la guerre; ils ont pris part aux activités secourables, ils se sont occupés de travaux de bienfaisance, ils ont eu l'occasion de rendre de multiples services nous, parents, en avons peut-être tressailli de joie et cette mise en oeuvre de leurs forces au service des autres aura constitué pour leur vie morale un bien acquis.

Pour tout le monde la guerre a opéré un triage dans l'existence : ainsi, en voyant partir leurs frères aînés pour une longue mobilisation, nos enfants ont pu constater combien l'homme se forme de besoins factices dont la nécessité peut, sans grand inconvénient, empêcher subitement la satisfaction; une hiérarchie se sera imposée d'elle-même dans leurs sujets de préoccupation ; des choses qui les intéressaient ont perdu de leur attrait, et ils saisissent mieux les vraies conditions de l'existence; ils ont constaté aussi quelles forces d'énergie et de courage sont, parfois latentes chez l'homme et peuvent surgir et se développer sous l'influence d'appels nouveaux. Les difficultés économiques qui ont simplifié la vie de la plupart des familles, ont entraîné pour eux certaines privations de nourriture, de bien-être, de commodités qui auront donné à leur volonté, à la discipline de leur personne, l'occasion de s'exercer ; ils auront ainsi pénétré par expérience dans une plus réelle compréhension de la vie et acquis plus de fermeté et de vigueur dans leur être intérieur. L'atmosphère plus sérieuse qui règne tout autour d'eux aura créé une ambiance plus fortifiante, et l'influence s'en fera sentir d'une façon salutaire sur leur application au travail.

A un tout autre point de vue, les circonstances présentes tourneront, si nous savons influencer ceux-ci salutairement, au bien de nos enfants : elles développeront en eux l'esprit de discernement à l'égard des faits et l'esprit de tolérance et de justice à l'égard des hommes. De toutes parts affluent les nouvelles, des bruits sans nombre circulent autour de nous: où est la vérité ? il faut user de discernement, il faut savoir trier, il faut se préserver de l'emballement; il faut surtout se garder de colporter des nouvelles, d'affirmer des faits dont on n'est pas sûr; les conséquences peuvent parfois en être dangereuses ; sachons mettre en garde contre cet écueil de jeunes esprits dépourvus de prudence. Sachons bien davantage les prévenir contre les jugements précipités sur les hommes, contre les généralisations hâtives, contre les condamnations en bloc, rappelons-les au devoir d'être avant tout vrais et justes, impartiaux et tolérants; qu'ils apprennent à comprendre des mentalités différentes des leurs, la bonne foi et la sincérité au sein de laquelle d'autres peuvent penser et apprécier les choses autrement qu'eux-mêmes. Sans rien faire qui fausse leur sens moral, détournons-les de l'étroitesse de vues ou du manque de justice dont l'écho résonne peut-être autour d'eux; les jeunes sont volontiers passionnés; qu'en eux la raison, la justice et l'amour surmontent les élans naturels.

Mais la guerre actuelle ne nous offre pas seulement de douloureux spectacles; il y a dans le sombre horizon des points lumineux; attachons-nous-y nous-mêmes pour relever nos courages, dirigeons sur eux les regards de nos enfants: il y a des activités d'amour, des actes de charité, des rapprochements de coeurs que les circonstances sembleraient devoir séparer, de nobles dévouements, des héroïsmes obscurs; il est bienfaisant d'être en contact avec les âmes qui honorent l'humanité et révèlent la présence des forces de vie au sein des ruines de mort: saisissons toutes les occasions de les faire connaître à nos enfants ; nous leur ferons ainsi respirer une atmosphère bienfaisante.

Puisse-t-il enfin ressortir pour eux de tout ce qu'ils entendent, de tout ce qu'ils lisent, des événements auxquels ils assistent, un sentiment profond d'horreur pour la guerre et la conviction qu'elle est odieuse. Dans les longues périodes de paix on oublie parfois ce qu' est la guerre; on parle d'elle légèrement, on en écoute des récits qui séduisent l'imagination. Quiconque aura vécu en 1914 et 1915 ne pourra plus rester indifférent en face de cette pensée; au seul mot de guerre il frémira de souvenirs douloureux, d'impressions indignées.... Heureux serons-nous si les expériences présentes font de nos enfants, dans l'avenir des partisans convaincus de la paix, des hommes qui travailleront de toute leur influence à son établissement et à son maintien parmi les nations, des hommes qui, ayant mesuré les ruines qui naissent des conflits armés entre les peuples, feront tout pour les écarter et les rendre impossibles.

Ce seront nos enfants qui formeront l'humanité de l'avenir, bénis seront-ils s'ils y deviennent des forces de paix et de fraternité.

Enfin, et c'est là une des leçons capitales que nous devons recevoir des événements actuels, nous avons touché au doigt l'été dernier l'insécurité de l'avenir. Que de voix depuis la Bible aux poètes, de saint Jacques à Victor Hugo, nous en avaient avertis, et parfois combien sans succès! Au 31 juillet, nous l'avons réalisée. En un clin d'oeil, sur la mer tranquille d'une existence paisible et prospère, la tempête a surgi et a balayé tout ce qui faisait notre assurance: contrées dévastées, familles dispersées ou arrachées à leur foyer, deuils douloureux, scissions profondes, situations compromises ou anéanties, projets pour un avenir prochain réduits à rien, horizon futur assombri, anxiétés et angoisses, problèmes poignants dans tous les domaines: rien n'a tenu contre la force du vent d'orage. Comment de nouveau escompter l'avenir, comment faire fond sur les années qui viennent? Non,

l'avenir n'est à personne.

Mais alors, quelle n'est pas l'importance du moment présent! C'est lui qu'il nous faut vivre dans toute sa plénitude, qu'il faut remplir de vraie vie; c 'est dans le moment présent qu'il nous faut être tout ce que nous devons être, faire tout ce que nous pouvons faire ; c'est dans le moment présent qu'il faut remplir consciencieusement notre tâche, dans le moment présent qu'il faut aimer, dans le moment présent qu'il faut saisir l'occasion de répandre autour de nous le bien, la consolation, le courage; ainsi nous préparerons un avenir béni, car c'est le présent qui forge l'avenir et le présent seul nous appartient; ainsi nous serons des serviteurs veillants, prêts à répondre à quelque tâche ou à quelque épreuve inattendue qui pourra nous être imposée.

Si nos enfants ressortent des mois de guerre avec un coeur plus ouvert à la sympathie, plus disposé au service, avec une notion de la vie plus profonde et une domination sur eux-mêmes plus consciente, plus forts vis-à-vis des difficultés, plus compréhensifs à l'égard des hommes, s'ils ont entrevu quelque idéal, s'ils sont plus convaincus de la valeur de l'instant présent et de leur responsabilité, - vraiment, indépendamment des abominables conséquences et du caractère criminel de la guerre, l'existence durant les derniers mois leur aura été utile ; elle aura indirectement créé autour d'eux une atmosphère fortifiante et virilisante, elle aura mûri leur caractère, elle les aura préparés à mieux vivre ; et nous pourrons bénir Dieu de ce qu'une fois de plus Il a tiré le bien du mal.


(1) Travail présenté à une réunion de mères, à Genève.









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