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Ne soufflez pas sur les chrysalides!
L'homme est pressé, voilà pourquoi ses oeuvres sont chancelantes et inachevées.
Je me rappelle que j'avais un jour arraché du tronc d'un olivier une chrysalide et que je l'avais posée sur la paume de ma main. Sous sa peau diaphane j'avais aperçu une chose vivante qui remuait ; le travail secret devait toucher à sa fin et le futur papillon, comme prisonnier, attendait en tremblant doucement que vienne l'heure sainte d'apparaître au soleil. Il ne se pressait pas ; il avait confiance dans la lumière, dans l'air tiède, dans la loi éternelle de Dieu, il attendait.
Mais moi, j'étais pressé. Je voulais voir éclore devant moi un peu plus tôt le miracle : la chair surgir de son tombeau et de son linceul et devenir âme, papillon. Je m'étais penché et m'étais mis à souffler sur elle mon haleine chaude. Et voilà que bientôt une déchirure s'était faite sur le dos de la chrysalide, que peu à peu le linceul s'était fendu depuis le haut jusqu'en bas et que j'avais vu apparaître, étroitement ligoté, les ailes repliées, les pattes collées au ventre, encore imparfait, un papillon tout vert. Il frémissait légèrement et prenait vie de plus en plus sous mon haleine chaude et obstinée. Une aile s'était détachée du corps, pâle comme la feuille du peuplier à peine sortie du bourgeon et s'était mise à palpiter et à lutter pour se développer jusqu'au bout, mais en vain ; elle était restée à demi-ouverte et froissée. Bientôt l'autre aile s'était agitée, avait essayé à son tour de s'étendre, n'y était pas parvenue et s'était arrêtée, tremblante. Et moi, avec l'impudence de l'homme, penché sur elles, je leur soufflais mon haleine chaude ; mais les ailes avortées s'étaient immobilisées et étaient retombées, flétries.
L'angoisse m'avait saisi : dans ma hâte, en osant violer une loi éternelle, j'avais tué le papillon ; ce que je tenais dans ma main n'était plus qu'un cadavre. Des années et des années ont passé, mais depuis, le petit cadavre du papillon pèse sur ma conscience.
L'homme est pressé. Dieu ne l'est pas ; voilà pourquoi les oeuvres de l'homme sont chancelantes et inachevées, quand celles de Dieu sont solides et irréprochables. Mes yeux s'étaient gonflés de larmes, et j'avais juré de ne plus jamais violer cette loi éternelle ; de recevoir la pluie et le soleil, comme un arbre, d'être battu par les vents et d'attendre avec confiance : l'heure longtemps désirée viendrait bien, l'heure de la fleur et du fruit.
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