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S'il est menteur
Les mensonges qui n'en sont pas
Avant de savoir comment remédier au mensonge, il faudrait préciser ce qui est mensonge et ce qui ne l'est pas. Or, pour une grande personne, il est relativement facile de définir le mensonge ; nous disons par exemple que mentir, c'est affirmer une chose que l'on sait contraire à la vérité. Mais appliquée à un enfant en bas âge, un enfant de cinq ans par exemple, cette définition n'aurait pas grand sens et ceci pour la bonne raison que le petit enfant n'a pas une notion précise de la « vérité ». Un enfant peut très bien dire une chose fausse sans s'être demandé si elle était vraie, et sans avoir le moins du monde l'intention de vous induire en erreur.
Il ne sait pas ce qu'est la « vérité »
Le petit enfant accueille en effet de la même façon toutes les idées qui lui viennent à l'esprit ; ce qu'il voit, ce qu'il désire, ce qu'il imagine, et tout cela lui paraît à peu près réel au même titre. Ainsi une fillette de deux ans avait demandé à son papa de l'emmener regarder les canards qui habitaient un étang à proximité ; père et fille se mettent en route et parcourent les bords de l'étang, mais, ce jour-là, point de canard, impossible de voir où ils avaient pu se cacher. Et comme le papa se mettait en devoir de continuer à fouiller les rives, la petite, qui tournait à ce moment-là le dos à l'étang, lui dit :« Ne cherche pas, papa, moi, je les vois les canards. » Bien entendu, elle ne pouvait en réalité apercevoir le moindre canard, et les « vrais » canards restèrent invisibles de toute la promenade. Peut-on, dans un cas comme celui-ci, parler de mensonge ? Evidemment non, bien que la petite ait affirmé avoir vu quelque chose qu'elle ne voyait pas en réalité.
Mais voilà justement où réside la difficulté : c'est nous qui disons « en réalité » alors que, pour l'enfant, cette distinction entre le monde réel et le monde imaginaire n'est pas encore bien établie. La fillette avait demandé à voir les canards ; on avait fait ce qu'il fallait pour cela, on avait marché et cherché ; voilà bientôt une heure qu'elle avait des canards dans la tête ; ce fut en fin de compte comme si elle les « voyait ».
Eh bien ! il se peut que, jusque vers six ou huit ans, votre enfant vous raconte ainsi de temps en temps avoir vu des choses qu'il n'a pas vues et commis des actes qu'il n'a pas commis ; ne vous hâtez pas de le traiter de menteur. S'il vous dit par exemple qu'il est monté sur un gros éléphant alors que vous ne l'avez jamais conduit au jardin zoologique, cela ne signifie pas nécessairement qu'il cherche à vous tromper. Je dirais même que, dans certains cas, ce peut être tout le contraire car, en vous livrant ainsi ses fantaisies, l'enfant fait preuve de confiance à votre égard et il vous invite en quelque sorte à vivre avec lui dans ce monde imaginaire où il est à son aise.
Votre rôle n'est donc pas de le démentir brutalement, mais seulement de lui apprendre, petit à petit, ce qui est vraisemblable et ce qui ne l'est pas, ce qui est possible et ce qui est impossible. S'il vous dit qu'il a vu un chien gros comme un lion, c'est sans doute que ce chien lui a fait peur et c'est son imagination qui l'a grossi ; contentez-vous de lui dire que les chiens sont tous plus petits que les lions ; dites-lui à la rigueur qu'il vient de dire une bêtise, inutile de parler de mensonge, car, même s'il avait voulu mentir, il verra bien ainsi que vous n'avez pas cru à son récit.
Un jeune enfant peut imaginer qu'en affirmant une chose, il la fait exister, et qu'en la niant, il la supprime.
Cette dénégation magique réapparaît quelquefois chez l'adulte lui-même dans des cas de trouble et d'émotion très violents ; si l'on apprend à quelqu'un la mort imprévue d'un être qu'il aime beaucoup, il s'écriera peut-être :« Ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible. » Si l'on réfléchit, cela veut dire :« C'est tellement pénible que je ne veux pas l'accepter. » Mais cette démarche de l'esprit est inconsciente, elle se traduit par une négation pure et simple d'un fait qui pourtant est vrai. Si un enfant en bas âge nie systématiquement un fait évident, cela peut signifier qu'il voudrait, en le niant, le supprimer ; cela ne signifie pas toujours que cet enfant se rebelle contre l'adulte ou se moque de lui.
En conclusion :
Il ne faut pas voir dans les dires imaginaires des enfants en bas âge des mensonges proprement dits. L'enfant confond d'abord l'imaginaire et le réel, et il apprendra à les distinguer peu à peu avec votre aide. Toutefois, si, au-delà de dix ans, votre enfant ne vous paraît pas acquérir cette distinction, et vous raconte des histoires fabuleuses auxquelles il semble plus ou moins croire lui-même, il sera utile de consulter un spécialiste.
Les vrais mensonges
Occupons-nous maintenant des enfants qui mentent « pour de bon », c'est-à-dire de ceux qui disent des choses fausses alors qu'il sont déjà tout à fait capables de distinguer le vrai du faux, le réel de l'imaginaire.
De toute manière, vous vous efforcerez dans votre éducation de faire comprendre à l'enfant, sans même attendre qu'il ait menti, que toute confiance repose sur la franchise. Mais si, malgré cela, votre enfant se met à mentir, il s'agit de savoir comment vous réagirez.
Peut-être serez-vous tenté de le punir de ses mensonges. Or, ce ne sera peut-être pas là une bonne méthode, car il faut savoir que ce qui pousse les enfants à mentir, c'est justement, dans le plus grand nombre de cas, la crainte d'être puni.
L'enfant a fait une bêtise quelconque, mettons qu'il ait renversé un encrier sur son tablier. Par peur d'être puni, il cache son tablier le plus longtemps qu'il peut. Vous lui demandez ce qu'il en a fait ; il vous répond qu'il l'a perdu. Vous découvrez son tablier tout taché d'encre et vous demandez à l'enfant comment il s'y est pris, il vous répond que ce n est pas lui qui l'a taché ; peut-être, pris de panique, ira-t-il même jusqu'à accuser un frère, une soeur, ou un camarade. Qu'est-ce qui a commandé tous ces mensonges ? Ç'a été tout du long une même crainte : la peur d'être puni.
Supposons maintenant qu'ayant découvert ces mensonges, vous punissiez l'enfant, précisément pour le fait d'avoir menti. Il est facile de prévoir ce qui risque de se passer au prochain incident : non seulement l'enfant cachera sa bêtise, comme il a fait la première fois, mais il mentira encore un peu plus, afin de reculer le plus possible le moment où il lui faudra avouer et la bêtise qu'il a faite, et le mensonge qu'il a commis pour la cacher.
Que faire?
Est-ce à dire qu'il faille laisser passer le mensonge sans rien faire ? Non, mais il y a avantage, dans beaucoup de cas, à ne pas l'attaquer de front. Si vous sentez que votre enfant s'engage dans un mensonge, votre tâche est de lui faciliter l'aveu de ce qu'il est en train d'essayer de vous cacher. Si vous lui dites brutalement : « Tu mens », l'enfant se trouve deux fois accusé : accusé de la bêtise qu'il a faite et accusé de vous tromper. A ce moment-là, c'est un véritable petit état de guerre qui s'établit entre vous et lui, et, s'il a quelque amour-propre, il est pratiquement dans l'impossibilité d'avouer. Il faut donc que la tension se relâche et que l'enfant puisse sentir que vous désirez encore lui faire confiance. Et c'est après seulement qu'il aura avoué, que vous essayerez de le faire réfléchir sur son mensonge et de lui montrer comment il a risqué de détruire la confiance que vous lui donnez.
Par vantardise
Il y a bien d'autres motifs encore qui peuvent inciter votre enfant à mentir. Par exemple, il se vantera de prouesses qu'il n'a pas accomplies.
Parfois même il se vantera de méfaits qu'il n'a pas accomplis, afin de jouer au « dur » en quelque sorte. Bien sûr, toutes ces vantardises ne sont pas à encourager, et il est bon que l'enfant sente que cela « ne prend pas » sur vous. Mais ce n'est là que l'aspect négatif de votre rôle, et il est désirable en outre que vous cherchiez à comprendre pourquoi il éprouve ainsi le besoin de se vanter, que ce soit en bien ou en mal.
Un enfant qui se vante systématiquement est en général un enfant qui, à tort ou à raison, se sent en infériorité par rapport à un milieu donné.
Par exemple, s'il est parmi les plus jeunes de sa famille, il entend raconter les exploits de ses aînés, leurs succès en classe, leurs expéditions en vacances, leurs conversations avec leurs grands amis, et lui, qui ne vit encore que dans l'entourage immédiat de sa famille, se sent en infériorité parce qu'il n'a rien à raconter que tout le monde ne sache déjà. Alors il invente quelque chose afin d'être écouté lui aussi et apprécié à ce qu'il estime sa juste valeur. Cela me rappelle un petit garçon de six ans dont la soeur aînée avait été au jardin zoologique, et lui non. Comme sa soeur parlait un jour du gros éléphant qu'elle avait vu, il répondit : « Moi, j'en ai vu un bien plus gros. » « Où cela ? », lui demande-t-on. « Ah ! Je ne veux pas le dire !»
Lorsque vous aurez ainsi compris ce qui se passe, l'attitude à prendre en découlera d'elle-même : vous ne féliciterez pas l'enfant de ses exploits imaginaires et vous ne ferez pas semblant d'y croire, mais vous essayerez de lui donner l'occasion de voir ou de faire quelque chose qui lui soit personnel ; par exemple, vous l'emmènerez voir quelque chose que ses aînés n'ont pas encore vu. Ainsi aura-t-il des éléments réels à son actif et sera-t-il dispensé de mentir pour se faire valoir.
Vous venez de lire, à propos du mensonge, des passages extraits d'un ouvrage qui vient d'être publié par l'Ecole des Parents de Paris et qui s'intitule : « L'éducation quotidienne »; éditeur : A. Colin-Bourrelier.
Il a été rédigé par des médecins, des psychologues et des éducateurs qui vous proposent leur aide pour vous permettre de mieux comprendre les raisons des attitudes de vos enfants et de vous-même.
Toutes les difficultés que vous rencontrez dans l'éducation y sont abordées : votre enfant est-il nerveux ? Suce-t-il son pouce ? Est-il peureux, timide, jaloux, désobéissant, colérique ? Vous demandez-vous ce que c'est que la véritable autorité ? Désirez-vous préparer votre adolescent à la vie d'adulte? Voulez-vous compléter votre information à propos du mensonge ? Procurez-vous cet ouvrage pratique, bien conçu, illustré avec humour.
Vous n'y trouverez pas de « recettes », mais une foule de renseignements qui vous aideront à voir plus clair dans votre tâche délicate, à commencer par d'autres paragraphes sur l'enfant menteur : à cause de mauvaises influences, par esprit simulateur, etc..
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