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Les problèmes des teenagers
Ewa Lindberg est en 3e à l'école de Kungaelw. Elle a rédigé la composition suivante sur le sujet proposé « Les problèmes des teenagers ». Nous citons ce texte d'après la traduction que M. J.G.H. Hoffmann en donne dans le mensuel français « Tant qu'il fait jour ». Ewa est suédoise.
« Nous autres « teenagers », nous sommes sûrs de nous, durs, conscients de notre valeur et fantastiquement critiques à l'égard de tout.
Mais ça, c'est l'apparence, prenez-en note. Car, tout au fond de nous-mêmes, nous sommes fantastiquement hésitants, timides, sans la moindre confiance en nous et anxieux de ce que les autres aiment et pensent.
Tous les moyens nous sont bons. Coûte que coûte, il faut que nous ne nous trouvions pas en dehors du cercle des camarades. Nous voulons être intéressants et avertis, nous voulons « être in ». Pour « être in », il faut porter les vêtements les plus chers, avoir l'expérience sexuelle, avoir goûté à l'alcool et à la drogue, enfin, et surtout, «faire partie de la bande». C'est une vraie lutte au couteau à qui « sera ou ne sera pas » de cette bande. Voilà pourquoi il faut être dur, parler crûment, être toujours ensemble.
Si on n'est pas « in », on n'est qu'un zéro, un individu sans valeur, à laisser tomber. Ce ne sont pas des mots, ce sont des faits.
Chaque jour, je suis angoissée à la pensée qu'on me « vide » (renvoie), que les copains réalisent que je ne suis pas une dure, pas aussi mûre que je tente de le paraître, et qu'au contraire je suis tout à fait hésitante, timide, embêtante.
J'ai peur parce que je ne peux pas atteindre au même « exclusivisme vestimentaire » que beaucoup d'autres ; peur parce qu'un de mes vêtements pourrait déplaire à certains. Seulement, si effrayée que je sois tout au fond de moi-même, je ne le montre jamais extérieurement.
Il y a des bandes où il est « in » de parler politique. Politique de gauche, s'entend. Car chez les jeunes, c'est tout à fait « in » d'être communiste. Ça veut dire de manifester à bloc, avec des affiches sur le dos et sur le ventre : « Soutenez le FLN ».
Merci pour moi.
Mais je vous assure que 90 % de ces jeunes communistes n'ont pas l'ombre d'une idée de ce dont il s'agit quand ils disent que Marx
était un rudement sacré bonhomme !
Cette histoire d'avoir de l'expérience sexuelle, elle est aussi drôlement nécessaire. Une fille m'a demandé si j'avais couché avec un garçon. « Non », ai-je dit. Elle a réagi à ma réponse en me disant de ne pas m'en faire, que de toute façon ce serait bientôt mon tour. J'aurais voulu la battre, et comment ! J'étais encore si fière de ma virginité. Mais pourtant, en l'écoutant, je me suis sentie fantastiquement enfantine, inexpérimentée.
Nous, les filles, on parle d'acheter des pilules
mais un gosse, une petite chose à tenir dans nos bras, dont on est responsable, est-ce que ça n'entre pas dans le tableau, non ?
L'histoire de la drogue - terrible - pourquoi est-ce devenu ainsi, ici ? Pourquoi ces jeunes drogués, qui sont crevés, qui ne peuvent plus travailler, continuer l'école ?
Bien sûr, leur dégringolade a commencé quand des copains les ont persuadés d'essayer. Ils ne pouvaient pas faire autrement, il fallait bien avoir « le style » de la bande
Ces premières bouffées, c'est bon. Alors pourquoi ne pas y aller et « fumer » de temps en temps ?
Ça n'est pas dangereux de ne fumer que du hachisch pur ; autre chose, je n'aurais pas l'idée de penser à l'essayer si
s'il n'y avait pas les copains. Bien sûr. Les étapes se suivent, comme on dit.
L'autre soir, je suis allée chez un garçon. Il y avait quelques camarades chez lui. J'ai senti une drôle d'odeur dans la chambre et ai compris ce que c'était. Du hachisch, bien sûr. Ils m'ont offert une « cigarette Look tout à fait ordinaire », que j'ai tout de suite refusée, qu'il fallait que je refuse. Mais l'offre était très raffinée et toute simple.
Et qu'est-ce qui nous vaut tout ça à nous autres jeunes ? Il y a des tas d'acteurs qui jouent : nous sommes curieux, nous avons évolué, mais - surtout - nous nous refusons à être un Svensson (en France on dirait un Dupont-Durand) qu'on laisse tomber.
Ça a toujours été comme ça pour la plupart des hommes - on ne peut pas être « autre ». Et maintenant c'est « être autre » que refuser de boire, refuser de se droguer, refuser d'avoir des relations sexuelles quand on est tout jeune.
Effrayant
mais vrai.
Qu'un garçon et une fille, très jeunes, s'accouplent, ça peut tenir à ce qu'ils s'entendent bien l'un l'autre et qu'ils y ont du plaisir. Mais la plupart du temps, c'est parce que les copains l'ont déjà fait.
Pour les « grands » garçons, c'est « la vie » que d'avoir une maîtresse de dix ans plus âgée, ou plus encore. Et c'est très courant.
Je crois que ce qu'ils cherchent dans cette femme, ce n'est pas une maîtresse mais un professeur, tout à fait « experte » dans l'art de faire l'amour. Là encore apparaît le besoin de se faire valoir. Ça permet de montrer après, aux « petites filles », quel vrai mâle on est et quel amant on sait être. Mais où est la douceur ? La plupart pensent qu'il faut y aller brutalement, d'un coup, « et hop !»- Est-ce bien çà ? - Est-ce que nous voulons vivre comme çà ?
Moi, je veux vivre dans une société où nous pourrions cultiver nos propres intérêts sans en être rejetés, nous habiller comme il nous sied, nous comporter naturellement et sans devoir adopter des attitudes de laisser-aller. Bref être nous-mêmes.
Mais il faut commencer, rendre coup pour coup, changer la loi, permettre à la police de détecter les trafics de narcotiques et autres drogues, ne pas laisser se poursuivre la vente des drogues aussi librement que c'est en ce moment le cas.
Cette transformation, nous ne pouvons pas l'opérer seuls, les « installés » dans la société doivent nous aider - même si c'est difficile. Livrés à nos seules forces, nous ne pouvons ni n'en avons les moyens. Nous ne voulons pas être abandonnés seuls, au-dehors - tâchez de le comprendre. »
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