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A quoi préparer ma fille ?
«
J'aimerais que notre fille soit mieux préparée à la vie que je ne l'ai été. Mes parents ont tellement voulu m'éviter les expériences pénibles qu'ils m'ont tenue à l'écart de la réalité. Ce qui fait que je garde de beaux souvenirs de mon enfance, mais que la découverte de la vie réelle a été pour moi brutale, décevante. Comment m'y prendre pour donner à Françoise un bagage plus solide que celui que j'ai reçu ? Qu'est-ce qui va l'aider à faire face, à assumer son rôle de jeune fille et de femme ? Je pense à ce qui m'a manqué et j'essaie d'en tenir compte. Mais j'aurais besoin de renfort et de précisions
».
Il est en effet souvent difficile de donner à ses enfants ce qu'on n'a pas reçu soi-même. Cependant, le fait d'être conscient, comme vous semblez l'être, de ce que vous avez manqué, va vous aider considérablement à compenser les lacunes de votre propre éducation.
La « préparation d'une fille à la vie » est un vaste sujet. D'autant plus vaste et d'autant plus délicat à traiter que le statut des femmes est actuellement en pleine révision. Que faut-il retenir de ce qui a fait la force de l'éducation d'autrefois ? Que faut-il rejeter ? Quelles nuances apporter aux déclarations péremptoires de ceux qui affirment que la femme est un mythe de toutes pièces ? Comment croire encore à un rôle spécifiquement féminin si la différence des sexes n'est qu'une illusion soigneusement entretenue depuis des siècles ?
Pendant que les écrivains, les philosophes, les sexologues et les politiciens remettent totalement en question le statut de la femme, il faut pourtant bien que nous continuions à vivre, nous les femmes, et que nous essayions d'élever nos filles le moins mal possible, pour un avenir que nous n'imaginons que de façon approximative.
Alors, sur quels éléments s'appuyer ?
D'une part, vous trouverez dans ce numéro des « Entretiens » quelques extraits d'ouvrages écrits par des femmes sur les femmes et qui nous paraissent répondre avec compétence aux questions essentielles que vous pouvez vous poser.
D'autre part, je vais essayer de résumer ci-après quelques points qui me semblent garder une valeur incontestable dans l'éducation des filles d'aujourd'hui.
- Prenez l'habitude de répondre à toutes ses questions.
Très tôt, c'est-à-dire dès l'âge de 2 ans 1/2, les enfants commencent à poser des questions sur l'origine de la vie, la différence des sexes, la procréation, la mort. Répondez avec simplicité ce que vous savez, ce que vous pensez, ce que vous croyez. Ne dites jamais : tu es trop petite, je te dirai plus tard. Plus tard, elle n'osera peut-être plus vous questionner.
- Pas de sujets condamnés d'avance !
Prenez l'habitude d'écouter avec intérêt ce qu'elle a envie de vous raconter. Ce seront souvent des choses qui vous paraissent insignifiantes. Mais, si c'est important pour elle ?
Vous souhaitez savoir ce qu'elle pense sur les grands sujets quand elle aura 14, 17 ou 20 ans ? Il faut donc vous entraîner dès maintenant à vous intéresser aux « petites » choses qui l'intéressent.
- Aidez-la à se connaître !
Relevez ses qualités, ses dons, ou tout simplement ses « spécialités ». Pas seulement ses défauts. Tous les enfants ont besoin de savoir qui ils sont, en quoi ils se distinguent de leurs frères et soeurs, pour quoi ils sont appréciés. Mais les filles en ont souvent encore plus besoin que les garçons. Car elles croient volontiers qu'elles ne sont pas conformes, qu'elles ne donnent pas satisfaction, qu'il leur manque quelque chose
Et elles risquent de passer leur vie à rivaliser avec les garçons.
- Elle, et les autres.
Nul être humain ne peut vivre que pour lui-même. Se définir, se situer, s'accepter, s'aimer (mais oui !), c'est indispensable pour parvenir à une vie adulte épanouie. Mais en rester là, c'est se condamner à dépérir lentement. Surtout pour les femmes vraiment féminines. Car, pour s'accomplir totalement, il est souhaitable qu'elles sachent donner, se donner.
- Pas de vie rétrécie.
Préparer une fille à la vie, ce n'est pas la tenir à l'écart des dangers. Pour apprendre à connaître les garçons, il faut en rencontrer dès le plus jeune âge. Les filles uniques, de même que celles qui n'ont pas de frères, peuvent être embarrassées, déroutées, voire angoissées face à cette moitié de l'humanité qu'elles définissent mal (ce qui explique non seulement certaines timidités exagérées, mais aussi, croyez-le, bien des attitudes provocantes).
Une fille qui a joué au sable, sauté à la corde, pique-niqué avec des petits garçons continuera son évolution en allant patiner, se baigner, faire des excursions avec des camarades masculins aussi bien qu'avec des amies. Ce qui l'amènera insensiblement à souhaiter sortir avec eux (et elles) pour voir des films, écouter de la musique, danser.
Les risques que vous redoutez ne viennent pas tellement « des hommes » (comme si le monde masculin guettait chacune de nos filles pour la violer ?) mais plus souvent de l'ignorance, de la peur, du doute, de la crainte de ne pas plaire, de la hantise d'être laissée pour compte.
- Savoir dire non.
Savoir dire non sans se croire plus bête que les autres, voilà l'une des meilleures assurances-tous-risques. Savoir dire non est une preuve de force, non de faiblesse.
Les pressions énormes exercées par la publicité, la mode, les moyens audio-visuels, grignotent journellement la personnalité des êtres en pleine évolution. Tout les incite à céder. Alors que la vraie force consiste à savoir refuser, ou accepter, après avoir pris le temps de réfléchir.
- Compter sur soi autant que sur autrui.
Beaucoup de filles ont tendance à croire que, lorsqu'elles auront rencontré le grand amour, tout s'arrangera. Or, même avec un « grand amour » à l'appui, rien n'est jamais définitivement établi. L'amour, c'est relativement facile. Mais pour entretenir l'amour tout au long d'une vie commune, il faut presque du génie. Et il ne suffit pas que l'un des partenaires soit génial.
La vie, au moins à 50%, c'est celle qu'on se fait soi-même. - Apprendre à choisir.
Attendre passivement au bord du chemin que la destinée vous offre sur un plateau le coup de foudre libérateur, c'est se préparer un avenir de désillusions et d'amertume. Mais s'entraîner dès la petite enfance à faire des choix intelligents, c'est acquérir la possibilité d'édifier sa vie sur des bases solides.
La petite fille qui s'est exercée à choisir entre une banane et une orange, une jupe bleue et une robe jaune, une guitare et un accordéon, a fait un certain nombre d'expériences fort utiles qui l'aideront ensuite à décider (après avoir pesé le pour et le contre) si elle veut faire du patin ou de la danse, si elle préfère lire ou faire de la poterie, s'inscrire en section latine ou en section scientifique. Ce qui l'amènera tout naturellement à savoir choisir plus tard ses amies, ses amis, une profession satisfaisante, un partenaire pour la vie.
Tous les choix que vous lui aurez donné l'occasion de faire entre 3 et 20 ans l'aideront à découvrir - puis à admettre - que «choisir, c'est exclure ».
Choisir la jupe bleue, c'est renoncer à la robe jaune. Opter le dimanche, pour une balade avec les amies, c'est se priver du goûter familial avec la grand-maman généreuse. Consacrer ses économies à l'achat d'un tourne-disques, c'est accepter de renvoyer à une autre année l'acquisition du vélomoteur convoité.
Devenir fonctionnaire, c'est souvent renoncer à l'imprévu, la fantaisie, l'improvisation; tandis qu'opter pour une carrière d'artiste exclut généralement la continuité, la régularité, la sécurité.
On ne peut pas avoir un mari, des enfants, des relations familiales étendues, et goûter tout le silence et la paix qu'on souhaiterait.
On ne peut pas en même temps jouir de l'indépendance du célibat et connaître les privilèges de la vie de famille.
Il faut constamment choisir, opter pour l'essentiel, laisser tomber l'accessoire.
Est-ce dans cette perspective que vous élevez votre fille ?
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