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Une expérience intéressante. Faire quelque chose ensemble
Deux sources de joie ont éclairé mon enfance et mon adolescence : la musique et la montagne. Naturellement, quand je faisais des projets d'avenir. je me voyais l'été entraîner mes nombreux enfants sur les sommets ou interpréter de la musique de chambre durant les longues soirées d'hiver
Hem ! Des courses de montagne, oui, nous en avons fait beaucoup. Là, c'était tout à fait comme dans mes rêves.
Mais la musique ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point la réalité s'est révélée différente de ce que j'avais imaginé. L'un n'avait pas d'oreille. L'autre était musicien, mais préférait jouer seul. Leur soeur aînée, douée pour le dessin, ne déchiffrait une partition qu'avec beaucoup de difficultés. La petite soeur fut très tôt capable d'improviser n'importe quoi sur n'importe quel instrument, mais ne sut jamais reconnaître la moindre note sur une portée. Et surtout, leurs goûts étaient totalement différents des miens. Moi, je ne jurais que par Mozart, Beethoven et Bach. Eux, ils raffolaient de chants patriotiques, de musique légère ou de jazz New-Orleans.
Les séances de quatuor à cordes, le soir à la chandelle, j'ai bien dû y renoncer.
Puis, les enfants sont devenus adultes et ont engendré une série de petits-enfants qui ont hérité des talents et des lacunes de leurs parents. Si bien que nous n'aurions jamais fait de musique d'ensemble en famille si je n'avais pas renoncé à quelques-unes de mes ambitions.
Plus question de solfège, de gammes, ni de conservatoire. Plus d'heures de musique qui tournent au drame. Plus de fêtes de famille gâchées par l'appréhension de jouer son morceau d'audition.
J'ai reconnu et enfin admis que notre tribu n'avait pas grand'chose de commun avec celle des Bach. J'ai opté résolument pour mon rôle de grand'mère agent-de-liaison et renoncé à vouloir à tout prix élever le niveau artistique de mes descendants. Ainsi, la musique est redevenue pour nous ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : une source de joie. Chacun chante, gratte sa guitare, souffle dans sa flûte douce, fait de son mieux, mais n'atteindra jamais la perfection.
A partir de cette modeste réalité, les petits miracles se mirent à pleuvoir. Il y eut toujours assez de volontaires pour assurer la partie musicale de la fête du grand-père ou de la soirée de Noël. En solo, en duo, en formations diverses, on exécuta des chansons de revue ou des chants de Noël avec accompagnement de tout un arsenal d'instruments hétéroclites : clochettes, triangles, tambourins, guitare, puis avec les années, clarinette, trombone, flûte traversière, violoncelle. Sans compter le piano, toujours requis comme bruit de fond nour noyer les fausses notes.
Tout ça, c'est bien joli, mais ce n'est pas de la musique, direz-vous.
Oui, vous avez raison. Sur le plan artistique, ce n'est pas fameux. Mais, si vous pouviez voir notre bonheur quand nous nous retrouvons pour travailler ! Chaque mois de décembre, nous préparons une nouvelle «œuvre » en vue de Noël. Après nous être exercés sur des chants d'école du dimanche, nous nous sommes attaqués à des chorals et à des airs de cantate. Et le soir de Noël venu, je vous assure que personne ne chôme. A la suite de l'exécution officielle de la dernière-née de nos oeuvres, les parents, les tantes, les amis, tous ceux qui ont une bonne vue et un peu de voix se joignent au petit groupe pour reprendre en choeur les pièces des années précédentes.
En somme, au bout de 25 ans, on en arrive tout doucement là où j'avais cru pouvoir commencer. Vous trouvez peut-être que 25 ans c'est bien long ? Moi aussi, je l'ai pensé quelquefois. Mais je ne crois pas que c'était des années perdues. Elles m'ont donné l'occasion de vérifier que, pour trouver ou garder le contact, il faut savoir sacrifier quelque chose.
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