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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Vivre quand même
On a dit d'elle: «Il est difficile d'avoir un plus grand nombre d'infirmités et de rester en vie, si l'on peut appeler cela la vie!»
«Hilary Pole? Un corps de 20 ans sur son lit, inerte, sans réaction, incapable de parler, d'ouvrir les yeux, de bouger la main, de sourire ou de répondre d'une manière ou de l'autre au salut d'un visiteur. Il y a cet assemblage bizarre de tuyaux, un qui va dans la poitrine, un dans le nez; il y a la courbe de la mâchoire, la langue qui pend au dehors. Il semble absurde de lui dire quoi que ce soit
»
«
A l'intérieur de ce corps immobilisé, il y a une femme pleine de vie, sensible, parfaitement consciente, à l'esprit étincelant, au tour de phrase plein de vivacité, une pensée vivante qui veut se communiquer
»
Pendant dix ans, elle ne peut communiquer avec autrui qu'au moyen d'une clochette suspendue à un pansement qui relie son gros orteil à la barre du lit. Puis, grâce à un appareil «le possum», qui utilise la capacité de cet orteil de soulever un poids de 10 grammes pendant 10 secondes, elle dicte des articles, entretient une correspondance avec les plus gros handicapés d'Angleterre, compose des poèmes, toujours avec des pointes d'humour (vous lisez bien: humour!). Chaque lettre exige - comme une sorte de morse - plusieurs «kling» et plusieurs «klong».
Besoin de communiquer
C'est grâce aux échanges qu'elle vit. Elle sent, entend, devine, participe à tout ce qui se passe dans sa chambre.
On la change d'unité tous les six mois pour décharger le personnel soignant. Elle appréhende chaque fois. Elle flotte. Elle a peur de perdre le contact. Finalement on la met dans le service le plus modernisé, où l'accent est mis sur l'aspect technique des soins: «Elle est parfaitement protégée. Tous les appareils fonctionnent. Ils la maintiendront en vie», disent les médecins.
«Au point de vue clinique, oui, répond sa mère au bord du désespoir. Mais je ne veux pas qu'elle soit maintenue en vie, je veux qu'elle vive!»
Importance des présences
Pourquoi évoquer ici le cas de cette grande handicapée? Non pour attirer l'attention sur les merveilles techniques d'aujourd'hui au service des malades. Mais pour relever le rôle du climat qui aide à vivre.
Maintenir en vie, grâce à des médicaments ou à des appareils extraordinaires, c'est souvent une performance. Mais, faire vivre, c'est encore autre chose.
Ce qui m'a beaucoup frappée, c'est la similitude entre l'état de cette jeune fille et celui d'un bébé qui ne peut pas encore parler pour exprimer ses sensations et ses désirs. Parce qu'ils ne bougent pas et se taisent, on pourrait croire dans les deux cas qu'ils n'éprouvent aucun sentiment, alors qu'en réalité, ils sont infiniment sensibles à la qualité des présences.
Au moyen de l'appareil électronique actionné par son orteil, Hilary Pole peut appeler au secours, exprimer ses regrets, formuler des souhaits.
«Il y a plus de deux heures que vous me laissez seule, cela m'angoisse!» «Pourquoi avez-vous retiré de ma chambre les objets que j'aime et qui constituent mon univers?» «Je n'entends plus ronronner le chat qui m'a tenu compagnie; où est-il?» «Posez l'enfant de ma soeur sur mon lit, sa présence me fait du bien.»
Le bébé dans son berceau, lui, n'a pas d'appareil pour transmettre ses impressions. Il compte sur le radar de sa mère.
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