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Maîtres et parents face à l'école
«La critique de l'école n'est plus à faire», entend-on souvent.
Bien sûr, car que dire après Freinet, Neill, Bourdien, Passeron, les élèves de Barbiana et bien d'autres? Mais reste l'autre question: à partir de cette critique, que faire, et de quelles forces dispose-t-on pour faire quelque chose?
En d'autres termes, quelle est la proportion des personnes engagées dans l'aventure scolaire - enseignants, élèves, parents - qui, faisant de l'école une critique partielle ou totale, sont près à y apporter des changements, et quels changement est-il possible d'introduire?
Par critique partielle ou totale de l'Ecole, j'entends mise en cause de certaines des valeurs, des comportements, des habitudes généralement répandus et non contestés parce que cohérents avec le système scolaire dans son ensemble: il suffit de penser à l'utilisation de la compétition comme motivation au travail, à l'interdiction de collaborer lors d'interrogations écrites ou orales, à l'habitude de «payer» le travail par une note, au fait qu'un des premiers apports de l'école à l'enfant, à côté de la lecture et de l'écriture, c'est la notion qu'il y a des gens bêtes et des gens intelligents - ceux-ci étant supérieurs à ceux-là -, pour s'apercevoir que l'école ne se contente pas d'apporter des connaissances, mais qu'elle véhicule aussi tout un système de valeurs.
Du côté des enseignants, il semble que bon nombre d'entre eux désirent, par une pratique d'enseignement renouvelée, promouvoir d'autres valeurs que les valeurs traditionnelles: collaboration, sens des responsabilités, prise en charge; qu'ils cherchent à donner à leur enseignement un contenu plus adapté aux intérêts des élèves, à ouvrir leur classe aux réalités extérieures, voire même à faire vivre aux jeunes d'autres types de rapports que les rapports hiérarchiques habituels.
Mais la réalisation de ces divers projets est ardue, et ceci pour toute sorte de raisons.
Tout d'abord une constatation très simple: tant qu'on ne conteste pas les valeurs et les habitudes pédagogiques, il est relativement facile d'enseigner (en théorie du moins
) : les modèles sont là pour nous guider, et toute notre formation nous pousse à la reproduction des situations scolaires que nous avons vécues nous-mêmes comme élèves.
En revanche si l'on veut changer, créer une alternative (en admettant qu'on arrive à vaincre son propre conditionnement), on se trouve devant une absence quasi-totale de nouveaux modèles auxquels on puisse se référer à coup sûr.
Seule peut-être la pédagogie Freinet pourrait constituer, pour le primaire, un point de référence relativement solide et qui réponde à certaines des préoccupations énoncées plus haut.
Les grands espoirs fondés il y a quelques années sur le concept et la pratique de la non-directivité (attitude propre à réduire les comportements de dépendance et à favoriser l'épanouissement de l'autonomie) ont dû céder devant une analyse réaliste de l'institution scolaire: les déterminations y sont si fortes que le projet non-directif semble y être pratiquement irréalisable.
Quant à la pédagogie institutionnelle, c'est sans doute une illusion de penser qu'elle pourrait être tolérée par une société aussi hiérarchisée que la nôtre, puisque son option de base est l'autogestion.
Faute de mieux, un certain nombre d'enseignants cherchent dans le simple travail de groupes un remède à certains inconvénients de l'enseignement traditionnel, instaurant ainsi une situation qui permet la collaboration, l'aide mutuelle, l'enrichissement réciproque, et rend plus faciles des activités de recherche volontaire; mais travail qui, bien sûr, n'est pas sans inconvénients ni sans difficultés qu'il faut résoudre au jour le jour.
Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que les enseignants qui tentent des voies nouvelles sont perpétuellement en recherche, et sont souvent obligés de vivre leur pratique pédagogique comme une aventure, même si, de tempérament, ils n'ont rien d'aventuriers
Peut-être est-ce ces difficultés qui expliquent que ces maîtres ne soient pas légion
Mais ce qui l'explique encore mieux, ce sont les résistances de tous ordres auxquelles ils se heurtent.
Résistances de l'institution en général;
Résistances de certains collègues qui se sentent mis en cause;
Résistances de certains élèves qui, déjà bien «marqués», refusent toute prise de responsabilités;
Résistances de certaines directions d'établissement qui craignent des clivages dans leur collège, ou des réactions négatives des parents;
Résistances aussi de certains parents, soit déroutés par une pratique non conforme à ce qu'ils ont vécu eux-mêmes, soit inquiets parce que, pour eux, seules les méthodes traditionnelles sont garantie de réussite scolaire.
Cela me ramène à la question initiale: quelle est la proportion des parents (et non seulement des maîtres; quant au problème des élèves, il est encore plus complexe) qui n'adhèrent pas non plus totalement aux valeurs de l'Ecole, et qui seraient donc prêts à appuyer les efforts des maîtres qui essaient de trouver des alternatives, à s'interroger avec eux, à chercher ensemble des solutions? Rares sont encore les groupes mixtes enseignants- parents (en existe-t-il enseignant-parents-élèves? je l'ignore). Or, on peut dire presque à coup sûr, qu'un changement qui ne serait pas voulu et élaboré par tous les gens concernés (en l'occurrence enseignantparents-élèves) a bien peu de chances de s'imposer.
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