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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURUne loi suggestive I. «Ce que l'homme a semé, c'est ce qu'il moissonnera», dit l'apôtre Paul. Les faits abondent pour établir cette affrimation. Elle est l'expression d'une loi organique, intérieure et inéluctable du monde moral comme du monde matériel, et elle éclaire en particulier d'une lumière profitable tout le domaine de l'éducation. Admirable dans la nature, elle éveille en notre âme l'adoration de la sagesse divine. La semence croît, le germe se développe, il sort de la graine infinitésimale une plante, parfois un arbre organisme merveilleux par sa structure, par ses dimensions, par ses éléments divers, qui, à son tour lance dans l'univers des centaines de semences nouvelles, grosses du même résultat, si bien que l'action d'une unique semence se prolonge de siècle en siècle et se fait encore sentir dans l'avenir le plus éloigné. Il y a plus: au milieu des milliers de semences d'espèces différentes, aucune ne se trompe sur la plante qui doit naître d'elle; jamais un grain de blé ne produira des roses, ni un gland un peuplier; le développement de la graine marche à coup sûr, elle porte en elle-même l'arbre qui doit par une nécessité intérieure sortir d'elle. La constatation de cette loi dans la nature n'est point étrangère aux enfants, c'est un fait naturel qu'ils ont expérimenté mille fois: ils y sont si accoutumés qu'il ne leur viendrait même pas à l'idée d'en faire le sujet d'une observation spéciale. Que ne transportent-ils la même certitude dans le domaine intellectuel et moral, et que ne sont-ils si infiniment persuadés de la réalité de cette loi dans ces domaines qu'elle préside à tous leurs principes de conduite ! A nous parents, de nous efforcer de la leur présenter, de les persuader de sa gravité, de leur faire sentir à quel point ils sont eux-mêmes les artisans de leur propre destinée, et de les convaincre que leur activité présente porte en elle la responsabilité de tout leur avenir. Sur le terrain de l'instruction, cela est relativement facile: nul doute qu'un paresseux ne fasse jamais un savant, ni un garçon négligent un homme capable, ni un élève distrait un technicien de mérite. Je sais bien que, habiles à raisonner, nos enfants sauront faire état de quelques exceptions paradoxales pour nous prouver qu'on peut devenir un homme distingué en n'ayant rien fait au collège, ou que les premiers à l'école sont parfois les derniers dans la vie; il n'en est pas moins vrai que si les «forts en thème» déçoivent parfois les espérances qu'ils avaient fait concevoir, ce sont les laborieux qui se montrent forts, ce sont les travailleurs que le succès couronne. A ce point de vue, faisons-leur connaître la biographie de ces hommes, nombreux dans tous les pays, qu'on nomme des selfs made man et auxquels un travail assidu a assuré une supériorité féconde et méritée. Qu'ils, ne se fassent pas d'illusions et qu'ils apprennent la valeur du travail non seulement quant aux connaissances directes qu'il permet d'acquérir, mais comme élément de développement et créateur d'énérgies. Mais combien n'importe-t-il pas davantage encore que nos enfants se rendent compte de l'importance de cette loi dans le domaine moral et dans la formation de leur caractère. Celui-ci ne sera pas, comme ils aiment à se le représenter, le produit fatal de l'hérédité, un bloc formé de toutes pièces qu'ils ont reçu de la nature, ni un résultat de leur tempérament ou des influences auxquelles les soumet l'existence; ils n'ont pas à subir leur caractère, à le prendre tel qu'il est, à s'y résigner, et à faire ensuite, face a la vie comme ils peuvent. Ce caractère est en formation, sans s'en douter, ils le faconnent, et par là ils préparent directement ce qu'ils seront dans l'avenir. Nos actes ne sont pas seulement des points d'arrivée mais encore des points de départ, ils ne sont pas seulement le fruit de nos déterminations antérieures, ils agissent sur nos déterminations fututres; chacune de nos décisions morales se cristalise et devient élément constituant de notre personnalité. Tout développement de notre être intérieur est issu du développement précédent, non par une nécessité fatale mais par l'influence des interventions précédentes de notre liberté. Là aussi comme dans la nature chaque semence produit la plante qui lui est propre; d'une jeunesse légère ne sortira pas une vie pure; l'habitude du mensonge dans l'enfance n'engendrera pas la sincérité dans l'âge mûr. La liberté pourra intervenir sans doute plus tard, et une volonté forte réagir sur l'orientation précédente: mais au travers de combien d'obstacles, alors que cette volonté déjà déterminée par les passions passées s'est afffaiblie. «Vous savez, répondait un jeune homme dévoyé à un ami qui s'efforçait de l'amener à changer de direction, vous savez.. .. il y a la vitesse acquise.» Effrayante parole, douloureusement instructive, expérience qui confirme précisément que dans la formation de son être intime l'homme moissonne ce qu'il a semé. «Semblable au tisserand, lisons-nous quelque part, nous lançons constamment la navette d'avant en arrière et d'arrière en avant, et à chaque coup elle insère dans la trame de notre vie un fil nouveau qui y restera toujours. Chaque pensée, chaque sentiment, chaque activité, chaque mirage de l'imagination qui joue un instant au sein de notre âme, devient un fil qui se trouve aussitôt partie intégrante de la vie que nous vivons. Nos actes et nos paroles sont des fils purs et magnifiques, ou souillés et salis selon leur caractère moral. Ainsi nous tissons toujours et le tissu que nous fabriquons doit durer dans l'éternité. Combien il importe que nous n'introduisions dans cette traîne que des fils d'une beauté immortelle. Si nous faisons toujours la volonté de Dieu, si nous nous exerçons à penser ses pensées et à recevoir en nos coeurs les influences de l'amour divin et de la grâce divine, nous tisserons pour nos âmes un vêtement sans tache de justice qui apparaîtra radieux et digne d'envie lorsque tous les vêtements terrestres seront fanés et tombés en poussière. » (1). Oh! si nos enfants pouvaient se persuader qu'ils récolteront en eux-mêmes dans l'avenir le fruit des énergies morales, des orientations pures, des efforts vers le bien, des décisions droites, dont ils auront peuplé leur jeunesse, et qu'en marchant dès maintenant selon la voix divine ils se préparent à être dans l'avenir, par le caractère qu'ils auront ainsi contribue à se former à eux-mêmes, des forces fécondes et bienfaisantes au sein de l'humanité. Efforçons-nous de le leur faire comprendre et que, spectateurs quotidiens de la loi organique qui régit la nature, ils se souviennent qu'elle est vraie pour les âmes, et que voulant la vie bonne ils sèment dès leur jeunesse en eux et autour d'eux les semences qui prépareront cette moisson. (1) J.-B. Miller: Green pastures. |
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