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Les enfants et leur famille
Un centre français de «Recherches et d'animation» a entrepris une enquête sur «Les enfants et leur famille». Le rapport comporte de nombreuses réflexions d'enfants de 8 à 11 ans au sujet de leur famille d'une part et à propos de photographies qui leur ont été présentées, d'autre part. Ces réflexions sont ensuite commentées par un groupe de parents, d'éducateurs, d'assistantes sociales et de théologiens.
De ce travail extrêmement fourni et intéressant voici quelques extraits:
Obstacles aux bonnes relations: Si les temps de rencontre sont limités, ils existent tout de même, mais ils ne sont pas toujours pour autant occasions de vraies rencontres entre les membres de la famille. Les enfants ont parlé, à plusieurs reprises, des difficultés, voire impossibilités, de pouvoir parler, échanger avec leurs parents. Ils ont parlé tout particulièrement:
- des limites qui leur sont imposées quand la famille est à table. «Je ne parle pas à table parce que je n'ai pas le droit
parce que mes grandes soeurs sont tout le temps en train de parler.» (Philippe, 9 ans.)
- de la TV qui freine aussi le dialogue: «A table, je ne peux pas parler quand le poste est ouvert. Pourtant j'aimerais bien. (Thierry, 9 ans.) «Quand je ne comprends pas, je demande à Elizabeth. Maman ne peut pas me répondre, elle aime bien les films, elle regarde et ne veut pas me répondre.» (Bruno, 7 ans.)
- de l'ambiance familiale elle-même, enfin, qui, indépendamment des conditions matérielles peut arrêter les désirs des enfants. Ils ressentent profondément les difficultés: disputes entre les parents, désunion du foyer, problèmes financiers, rabrouades
«Papa nous rouspète; tous les soirs, il gronde Maman; j'aime mieux Maman parce qu'elle est gentille.» (Bruno, 7 ans.) «J'aime bien ma famille quand tout le monde est gentil. Quand tout le monde est méchant, ça résonne.»
On conclut que la vie de famille est bien importante: base de l'éducation, fondée sur le dialogue, tributaire du bon climat affectif.
Le point capital est celui de l'équilibre du couple et donc de sa vie propre et d'un accord à trouver entre cette vie conjugale nécessaire et la vie de famille. Ce conseil est appuyé par d'innombrables faits: «les troubles dont souffrent les enfants viennent, pour la plupart, de situations familiales pénibles.» (Assistante sociale.)
Nature et mode de relations: On s'inquiète d'abord de l'attitude intérieure qui doit favoriser les rapports parents-enfants: «Ils acquièrent rapidement une telle indépendance qu'il faut être très ouvert et très libre pour le dialogue. Il faut commencer par leur accorder une très grande confiance, beaucoup plus grande que celle qui nous était accordée. Les parents sont fréquemment dépassés parce que cela ne correspond plus du tout à leur propre mentalité.»
L'attitude intérieure doit s'exercer ensuite sur un double terrain: à quoi et comment les enfants peuvent-ils participer? Comment s'exerce l'autorité aujourd'hui?
Lorsque l'enfant est vraiment participant, membre à part entière de la famille où on lui demande de tenir une place, c'est gagné. Mais quand il est considéré comme un objet scolaire ou comme un bon copain à qui l'on permet tout, la relation parents-enfants n'est pas vraie.
«On trouve de moins en moins de malnutrition mais de plus en plus un manque de présence et d'affection réelles.» (Une assistante sociale.)
Le travail des parents: Selon la plupart des enfants rencontrés, les parents consacrent beaucoup de temps à leurs activités professionnelles et n'en offrent pas assez à leurs enfants. Ceci est vrai des pères et encore plus des mères quand elles travaillent à l'extérieur. Les parents se montrent accaparés, fatigués par leur travail; les mères sont «nerveuses», pour reprendre les termes employés par les enfants qui regrettent de ne pas «profiter assez de leur famille».
«Moi, ce qui est embêtant, c'est qu'ils travaillent, on aimerait avoir un peu plus de temps avec eux
On les voit pas assez, le soir et puis un peu les vacances, parce qu'ils ont aussi beaucoup de travail
Je trouve que c'est un petit peu bête, ça
» (Joëlle.)
Les enfants se rendent compte du surmenage des mères, déplorant leur taux de présence insuffisant en quantité et regrettant leur indisponibilité affective, rançon de la fatigue et des préoccupations.
- La plupart des foyers mettent à profit le répit dominical pour organiser des réunions de famille, des sorties en commun, etc. Les enfants éprouvent une certaine amertume si l'un des parents n'est pas en mesure d'y participer; a fortiori si les parents ne sont pas libres ce jour-là.
D'une manière générale, une absence effective, ou une présence de mauvais gré, mérite la réprobation des enfants. Cela est vrai du dimanche et des périodes de vacances durant lesquelles les parents «se doivent» aux enfants.
«Mon oncle joue avec nous quand il est en vacances ici, tandis que mon Papa il vient pas souvent, il s'amuse pas souvent avec nous, il aime mieux aller nager ou alors rester sur la plage.» (Muriel.)
- Le partage d'un temps de loisir avec l'un des deux parents s'agrémente d'un soupçon de complicité; c'est une occasion aimable pour l'enfant de vivre la concurrence qui l'oppose à chaque membre du couple. C'est aussi le moyen de s'identifier, par un partage d'activités, au parent du même sexe dont on s'emploie à «apprendre» le rôle. Une relation bilatérale s'établit plus aisément dans une activité commune, bricolage, faire des courses, etc.
Joie de vivre ou morosité: Lorsqu'ils observent les adultes, lorsqu'ils entrent en rapport avec eux, les enfants se révèlent extrêmement sensibles à la joie qui les anime ou à l'accablement qui les étreint. Il est toujours dépité de se heurter à un refus de rire, de partager les jeux et la gaieté.
«Ceux-là, ils vivent heureux, ils s'aiment bien, ils aiment beaucoup rire.» (Antoinette.)
«Ceux-là c'est pas pour leurs visages que je les préfère, c'est parce qu'ils rient un petit peu, ils s'amusent un peu
Ils s'aiment.» (Jean-Christophe.)
«Ils punissent pas, ils jouent avec leurs enfants, ils les taquinent un peu.» (Murielle.)
«Ils sont très heureux, ils sont vifs, ils sourient
Moi, je serai une mère très gentille, je jouerai des fois au ballon avec ma fille, je serai très sportive.» (Sophie.)
«Je trouve que c'est bien d'être joyeux.» (Marie-Jo.)
«Je crois qu'ils ont l'air de ne pas aimer beaucoup la vie, et être maussades tout le temps, jamais contents de quelque chose alors ce serait pas très bien pour eux d'avoir des enfants.» (Marie-Jo.)
«Ils ont l'air de s'aimer d'une certaine manière, c'est-à-dire s'aimer sans s'aimer quoi, c'est-à-dire s'aimer sans se faire plaisir. Et puis, elle a l'air maussade, ils ont l'air contents de rien et pourtant ils ont des belles choses et tout
» (Joëlle.)
La sérénité, le contrôle de soi ou la nervosité: Les enfants à multiples reprises déplorent ce qu'ils appellent la nervosité des adultes qui les entourent. Il s'agit plus spécialement des femmes: les mères, les institutrices, sont facilement excédées, elles crient, les réprimandes et les punitions sont alors distribuées avec arbitraire et non point en fonction de la gravité de la faute; les mères ne souffrent pas les jeux bruyants; elles n'ont ni le temps ni l'envie de jouer, de parler, d'aider, et elles s'acquittent avec accablement des tâches ménagères parce qu'elles les considèrent comme une corvée; lorsqu'elles n'ont pas objectivement la possibilité d'y passer le temps souhaitable elles les expédient à la hâte. Or, pour un enfant, même âgé de 10 ans, les multiples soins de la maison, la préparation des repas notamment sont, semble-t-il, encore des occasions de constater la vigilance, la prévenance et l'affection maternelle. Mais il y a plus: dans la mesure où le temps passé avec les parents est court, il devient primordial que la qualité des échanges qui s'établissent alors soit satisfaisante. Or, d'après les enfants, cela ne peut être le cas si l'atmosphère est tendue.
«Elle a l'air de préparer ça avec beaucoup de coeur; par exemple quand il y a beaucoup de gens elle dit pas: c'est toujours moi qui fait la cuisine, j'en ai marre!» (Joëlle.)
«Ils doivent sûrement être gentils avec leurs enfants, le monsieur est tranquille, la dame est tranquille, alors les enfants doivent être tranquilles aussi.» (Paul.)
«Je voudrais que mon mari ne soit pas tellement nerveux, qu'il ne se mette pas toujours à crier quand j'ai même pas terminé ma phrase.» (Sophie.)
«Ils sont mariés, ils vivent bien, ils prennent le temps.» (Marie.)
«Ils sont pas pressés, ils ne commencent pas très tôt ni ne finissent très tard, et ça va entre eux deux.» (Olivier.)
La disponibilité, l'aptitude à partager une activité, ou le repli sur soi-même: Les enfants aiment que l'on fasse des choses ensemble; ils aiment les parents disposés à partager un passe-temps favori; ils aiment les mères qui ne se retranchent pas derrière la dévolution des rôles et qui acceptent, qui souhaitent que les pères fassent la cuisine par exemple. Ils aiment que l'affection réciproque se traduise dans des échanges actifs qui donnent à chacun l'occasion de manifester qu'il prend «l'autre en considération».
«Ils travaillent ensemble, avec sa femme, alors s'ils ont des enfants, çà doit être la même chose; c'est ceux-là que je préfère parce qu'ils ont l'air d'être davantage ensemble, mieux ensemble.» (Myriam.)
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