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Lu pour vous… La merveilleuse histoire de la Tortue

La Tortue est une île située au nord de Haïti, longue de 42 km. et large de 10 km. Elle est caractérisée par sa crête régulière en forme de carapace qui lui a valu son nom. Séparée de ce qu'on appelle là-bas la «Grande terre» par un chenal de 10 km. environ, elle est difficile d'accès et a servi autrefois de repaire aux boucaniers et aux corsaires. Elle a servi aussi jusqu'à il y a 25 ans de dépotoir à Haïti car on y envoyait, pour s'en débarrasser, les tuberculeux, les lépreux, les syphilitiques et les malades mentaux…

Or aujourd'hui c'est un lieu privilégié en comparaison de la Grande terre. On y trouve un hôpital, deux médecins qui disposent de médicaments, une équipe d'infirmières. Les habitants ne vivent plus comme autrefois dans le désespoir.

Comment un tel miracle s'est-il produit? Grâce à un homme, et à un homme seul, qui raconte aujourd'hui son histoire avec simplicité dans un livre dont la lecture est passionnante.

Roger Riou, né au Havre, a vécu sa jeunesse dans un milieu plus que misérable. Il a connu la vie des déshérités, la maison de correction et la prison, ainsi qu'il le raconte dans la première partie de son livre jusqu'au jour où, s'étant converti, il est entré au séminaire avec la ferme intention de devenir missionnaire. Envoyé en Haïti, il y travaille pendant 10 ans puis il est chargé par son évêque d'assurer la mission sur la Tortue «pour 6 mois». Il devait y rester 22 ans et y accomplir le travail qui lui a valu le surnom, bien mérité, de «Dr Schweizer des Caraïbes».

Les pages les plus émouvantes du livre sont celles où le père Riou raconte son arrivée et ses débuts dans l'île:

«A mesure que je montais vers le presbytère, je réalisais l'immensité de ma tâche. Tous ces gens qui m'applaudissaient, qui me suivaient, attendaient tout de moi. Et je n'avais rien. J'étais seul. J'étais pauvre. Et comment soigner les âmes sans soigner les corps?

L'île du désespoir…

Je priais, pour garder ma force. J'avais un sentiment étrange, issu d'une image biblique, à cheminer ainsi au milieu de ces malheureux. Une sensation que je n'avais pas connue en Haïti. J'avais l'impression que j'étais leur père. Il ne s'agissait plus, ici, de se battre pour la foi. mais de se battre pour faire vivre des hommes, pour sauver des enfants.

Cette île abandonnée de tous, stupide de beauté inutile, et insolente, je sentais qu'elle allait me dévorer tout entier, si je ne parvenais pas à y vaincre la malédiction de la maladie et de la misère. Si je ne faisais pas de l'île du désespoir une terre heureuse.»

«Pour commencer, j'avais, en tout et pour tout, une trousse de médecin, bien incomplète.

Un embryon de dispensaire est né spontanément dans la cour du presbytère: un Noir nommé Tizo, malin comme un singe, dont il sera souvent question dans ce livre, s'était offert à m'aider pour un tout petit salaire-que j'ai réussi à augmenter par la suite. Quelques jours après mon arrivée, à la tombée de la nuit, j'ai vu un attroupement à quelque distance du presbytère. Ça parlait, ça parlait… Il pleuvait. Tizo éclairait la scène avec sa lampetempête: une jeune femme venait d'accoucher dans la boue, sur le chemin. Le bébé gisait près de la maman, mais un autre se présentait. J'ai fait mettre la femme sur un brancard, et je lui ai demandé de retenir ses contractions jusqu'à ce qu'on ait pu la porter au sec.

Je n'oublierai jamais mon Tizo, diable noir armé d'une lanterne, répétant à la mère:

- Quimbé (retenez!), ma chère, père a dit de ne pas pousser…

J'ai fait l'accouchement sur une table branlante, éclairé par la lanterne de Tizo. Telle fut la première salle d'opération de l'île de la Tortue.

Le premier des jumeaux fut appelé Cétaterre - parce qu'il était né sur le chemin - et le second Mercipère - parce que j'avais fait l'accouchement.

Peu à peu, je me suis rendu compte qu'on peut faire quelque chose avec rien. Je n'avais ni budget de mission ni locaux pour garder les malades, mais je pouvais du moins panser les plaies, les laver plutôt - sans autre désinfectant, en ces temps héroïques, que de l'eau distillée.

Mais les tuberculeux, les lépreux, les syphilitiques, les victimes du pian?

Tout ce que je pouvais faire, au début, c'est qu'ils ne se sentent pas abandonnés. Alors, pour ne pas les renvoyer sans rien, ayant épuisé mon maigre stock d'aspirine, je les faisais aligner dans la cour du presbytère, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, et je leur faisais des piqûres d'eau distillée.

Je voyais la joie dans leurs yeux: ils n'étaient plus des déshérités dont personne ne s'occupe.

En Europe, on irait en prison, pour de semblables pratiques.»

(Roger Riou: «Adieu la Tortue.» Ed. Laffont. 38 fr. français.)









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