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Les adolescents et le travail

1. Tâtonnements, hésitations, contradictions

On peut caractériser brièvement la crise d'adolescence comme une époque de remaniements internes, profonds et obligés, de prises de position progressives à l'égard de l'éducation reçue jusqu'alors, d'appréhension élargie et critique du monde extérieur, d'expérimentation de soimême dans ses rapports avec autrui, etc. Tout cela prenant le sens d'une recherche d'identité psychologique, de sentiment mieux établi de soi-même, recherche dans laquelle les identifications successives, passées et actuelles, jouent un rôle capital, se combattant, s'effaçant ou se renforçant l'une l'autre, mais chacune laissant sa trace dans ce qu'on nomme finalement la personnalité, et que l'adulte croit trop volontiers avoir construit lui-même. Les tâtonnements, hésitations, mouvements de pendule, contradictions vraies ou apparentes, ne manquent pas, souvent fort mal compris, parfois considérés comme manifestations de mauvaise volonté ou d'instabilité. Le «tu ne sais pas ce que tu te veux» proféré par des parents à bout de patience est à la fois juste et injuste. Juste puisque, ne sachant pas ce qu'il est, l'adolescent ne peut savoir ce qu'il veut; injuste, car lui en faire le reproche, c'est dénier toute valeur à la recherche d'identité à laquelle il est précisément en train de se livrer.
Remarquons à ce propos que toute l'organisation sociale en matière de travail d'adolescent et d'orientation professionnelle repose sur le postulat non démontré qu'à l'âge (15 ans chez nous) auquel on fixe la fin de la scolarité et l'entrée en apprentissage, cette recherche est terminée et que l'individu a trouvé une identité définitive ou suffisamment stable pour qu'un choix soit possible qui ne soit plus remis en question ultérieurement. Dans la réalité, nous savons bien que cette recherche se poursuit bien au-delà et qu'elle prend même son plein développement dans les années suivantes, entre 15 et 20 ans, avec toute l'importance, à ce moment-là, quant à une structuration plus définitive de la personnalité, des premières expériences sexuelles.

2. Difficultés de l'orientation professionnelle

Les psychologues travaillant en orientation professionnelle savent fort bien qu'en fait, ils n'ont pas affaire à des problèmes logiques et rationnels de choix professionnel, mais aux bouleversements émotionnels suscités par la crise d'adolescence, en rapport avec l'obligation de se déterminer pour de nombreuses années à l'avance. Paradoxalement, on leur envoie ceux dont la recherche d'identité est la plus laborieuse, la plus entravée, tout en leur demandant de régler rapidement le problème de leur orientation. Il y aurait beaucoup à dire, à ce sujet, sur la notion, scientifiquement dépassée, d'aptitude et l'usage qui en est fait dans la mentalité publique et l'organisation sociale.

3. Manque de motivation. Pourquoi ?

Sous l'angle de l'identification et de son importance pour les motivations à l'égard du travail, il faut bien reconnaître que l'image que donnent beaucoup d'adultes de la vie professionnelle, n'est pas particulièrement faite pour encourager l'adolescent à en faire partie lui aussi. Ce n'est pas tellement le fait de rentrer du travail las et abattu, de ne revivre qu'aux vacances, de gagner peu ou beaucoup; c'est beaucoup plus, et à nouveau, nos contradictions adultes. Ce que l'adolescent nous reproche principalement, c'est le fait de se plaindre de son travail mais de ne rien faire pour en modifier les conditions, de le dénigrer en famille, mais de s'en vanter devant des amis, d'en invoquer les exigences pour fuir d'autres aspects de l'existence devenus pénibles, sans avoir le courage de se poser le problème plus franchement, de gémir en se déclarant débordé alors que le plaisir qu'on y prend est évident, etc., etc. En bref, dans son besoin d'absolu, son désir de nous voir forts et lutteurs tout en sachant reconnaître nos faiblesses et nos incapacités, l'adolescent nous pardonne difficilement notre double langage, notre besoin de sauver la face et notre habitude de ne lui montrer qu'un aspect des choses, celui qui nous avantage le plus. Il s'en dégage une image du monde adulte faite de grisaille, de monotonie, de passivité résignée, et souvent de lâcheté, image à laquelle le monde du travail est automatiquement assimilé. Pour beaucoup d'entre eux, devenir adulte (et par conséquent travailler, autre mise en relation discutable à leurs yeux), c'est se soumettre, se «tasser», vivre de compromis, faire le contraire de ce qu'on dit et préconiser le contraire de ce qu'on fait. Dès lors, leur effort va viser à ne conserver ou acquérir que les avantages de l'un et l'autre statut, se dispensant des inconvénients.

4. Au-delà de la crise classique

Actuellement, il devient difficile de distinguer ce qui ne serait qu'allure nouvelle d'une crise d'adolescence très classique et ce qui pourrait dénoter des changements appelant alors une adaptation du système et des conceptions.
L'un des signes les plus importants de ces modifications serait, par exemple, le refus de ce que les sociologues ont joliment appelé le système «méritocratique» et qui imprègne souvent notre mentalité adulte: mériter son emploi, son salaire, sa promotion, certains avantages matériels, le droit à certaines formes d'épanouissement personnel, etc. C'est probablement là l'un des points d'achoppement entre deux générations; nous n'aimons pas voir considérer comme un droit acquis ce que nous estimons avoir obtenu par mérite.
Un autre signe important serait le refus de se laisser emprisonner trop tôt et trop définitivement dans un rôle socio-économique déterminé. Il faut bien reconnaître, par exemple, que lorsqu'on a mis le pied dans la filière apprentissage, on peut, bien sûr, progresser dans le cadre de cette filière, mais qu'il devient très difficile de passer à une orientation totalement différente.
Enfin, ce qui donne à ces changements de mentalité une importance accrue, c'est la découverte, par les adolescents eux-mêmes, et grâce à la circulation rapide des idées, de leur existence en tant que corps social quasi constitué, et du pouvoir qui l'accompagne. Sentiment d'existence et pouvoir que les adultes ont été les premiers à leur accorder en faisant d'eux, par exemple, des consommateurs privilégiés: marché «adolescent» dans le domaine du disque, du vêtement, avantages publicitaires retirés de la mise à sac d'une boutique le jour de son ouverture ou d'une salle de spectacle à la fin d'un récital, etc. En espérant naïvement que le phénomène demeurerait limité au domaine commercial?

5. En guise de conclusion

Au travers de ces quelques notations, nous avons essayé de restituer, comme vu de l'intérieur, ce qui pouvait caractériser l'attitude d'une bonne part au moins des adolescents face au monde du travail. A tout cela, on peut répondre en parlant d'immaturité, d'inconscience, de perte du sens des responsabilités, de diminution de la virilité chez les garçons ou de la féminité chez les filles, etc. Mais n'est-ce pas là défendre notre mythologie, celle par laquelle, après coup, nous avons laborieusement justifié nos insatisfactions profondes, certains de nos renoncements, notre propre passivité?









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