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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Votre fille a vingt ans

Il n'y a pas eu de gâteau rose et blanc garni de vingt bougies scintillantes, pas de liste de cadeaux, même pas une surboum avec les copains… Et c'est ainsi que vous avez doublé ce cap des vingt ans de votre fille! «Comme tout change!» avez-vous pensé, vous souvenant de votre propre anniversaire: une soirée dansante avec des garçons (mais oui), la première robe longue, petits fours glacés, flirts ébauchés… Aujourd'hui, pour la plupart de nos filles, les soirées-discussions à plat ventre sur la moquette ont plus d'importance que la valse ou le tango pour nous, un solide hot-dog moutardé remplace les petits fours, et les robes longues se portent dès l'aurore pour aller à l'Uni ou au bureau. Détails tout cela, pensent certains… Pas tant que ça, car ces détails-là sont le signe d'un changement, d'une évolution que nous, parents, devons essayer de saisir, de comprendre, d'approfondir.
Dès la naissance d'un enfant, cette date fatidique des vingt ans est présente à notre esprit:
«Quand elle aura vingt ans, ma tâche d'éducateur sera achevée.
- Quand tu auras vingt ans, tu feras comme tu voudras, mais pour l'instant…
- Pourvu que je vive jusqu'à ses vingt ans, après elle pourra voler de ses propres ailes…»
Vingt ans, l'âge adulte, vingt ans, l'âge de la majorité. Voilà pourquoi personnellement j'envisageais ce cap avec sérénité, même avec joie.
Il me semblait avoir fait mon possible pour affronter les différents paliers de l'évolution de ma fille, pour surmonter les phases d'opposition annoncées par les psychologues, pour faire d'un bébé dépendant un enfant autonome, puis une adolescente libérée, pour partager les problèmes, dialoguer, si possible donner l'exemple, pour maintenir un climat de confiance permanent. Je me répétais très souvent la consigne: tu n'élèves pas ton enfant pour toi, éduquer c'est libérer. Vous connaissez, n'est-ce pas? Vous êtes lecteurs des «Entretiens sur l'Education»!
Assez sûre de moi, je voyais donc arriver la majorité de ma fille avec confiance. Enfin plus de soucis, j'aurai à côté de moi une adulte, une amie à part entière, responsable d'elle-même, de son avenir. Une nouvelle étape riche de promesses allait commencer…
Le moment arrivé, ma fille semblait prête. Mais moi, je ne l'étais pas. Mon orgueil en a pris un méchant coup. Je m'imaginais avoir coupé le cordon ombilical, avoir piétiné toute envie de possession, toute tendance à l'autoritarisme. Et je me suis retrouvée très désemparée devant tout ce que je devais encore accepter pour appliquer vraiment les principes dont j'étais intellectuellement convaincue, mais que, le moment venu, toute l'affectivité profonde rejetait.
Voilà ce que j'ai une fois de plus découvert et que j'aimerais tenter de dire aux parents aujourd'hui: nous n'avons jamais, jamais, fini de nous former et de nous éduquer nous-mêmes.

«Votre fille a vingt ans, que le temps passe vite, Madame, hier encore elle était si petite
Et ses premiers tourments sont vos premières rides, Madame, et vos premiers soucis,
Chacun de ses vingt ans pour vous a compté double…»


chante Serge Reggiani.

Premières rides, non pas, la première ride est certainement venue avec la première dent, mais… nouvelles rides.
Je me suis trompée, l'étape des vingt ans n'est pas l'étape de la sérénité, mais une nouvelle recherche, une nouvelle aventure et c'est tant mieux. Préparez-vous donc aussi à cette aventure-là. Il y a un effort à faire pour accepter de donner cette fois une totale autonomie à votre fille.
Dans le principe, cela ne paraît pas si compliqué. C'est au niveau de la vie quotidienne que souvent les heurts se produisent et que les difficultés surgissent: les heures de rentrée pour lesquelles vous n'avez plus à donner votre avis, la manière de s'habiller, de se coiffer, de se tenir, la façon d'organiser son travail. La liberté académique laissée à l'étudiant pose parfois des problèmes, comme aussi la relative indépendance financière de celui qui est entré dans l'activité professionnelle. Les périodes de dialogue, les occasions d'échange ne sont plus déterminées par vous.
J'ai essayé honnêtement de m'adapter, me répétant chaque matin au réveil: «C'est une adulte, tu dois lui faire totalement confiance. Tiens ta langue.» Au bout de quelque temps de ce régime, je me suis aperçue que je n'étais plus pleinement moi-même à force de m'effacer, de me replier et de ruminer même une certaine amertume. D'autre part, j'ai senti confusément que du côté de ma fille quelque chose aussi clochait; en y réfléchissant, en dialoguant avec elle, avec son père (très important l'attitude du père! même si je parle maintenant en qualité de mère, vous sentez bien qu'il s'agit là d'une expérience commune et que le partage est indispensable, comme tout au long des années d'enfance), j'ai découvert que le passage à l'indépendance totale donnait à l'adolescent un sentiment d'insécurité; même si on protestait parfois, même si on ne l'avouait pas, il était très sécurisant de sentir l'appui des parents, voire rassurant de subir leur autorité. Et pourtant, cette autorité-là, on n'en veut plus.
Par certains côtés, le jeune qui prend un studio pour avoir sa vraie liberté facilite les choses. Vous ne vous sentez plus responsable de faits et gestes dont vous n'êtes pas témoin. Par contre, la vie en commun demande davantage de concessions réciproques, d'huile à verser dans les rouages, d'égards, mais une fois l'équilibre trouvé, elle apporte aux parents beaucoup de richesses et offre aux enfants des avantages certains. Ne serait-ce déjà que les repas préparés et le linge repassé, comme le relève franchement ma fille, qui ajoute malicieusement: «et puis aussi la chaleur affective!»
Au cap des vingt ans, pour les parents et pour l'enfant, il y a donc un nouvel équilibre à trouver, d'autant plus indispensable s'ils vivent encore ensemble.
Cet équilibre peut s'exprimer, pour les parents, par cette idée: respect de la personnalité de l'autre, mais en osant être soi-même, en donnant son avis, ses conseils (si on vous les demande) et surtout en offrant de sa propre personnalité une image cohérente qui soit pour le jeune une référence. Se taire sous prétexte de libérer l'autre est faux. Le dialogue est essentiel à ce stade-là. Il faut se rappeler que les attitudes provocantes et tranchantes des jeunes sont indispensables pour les aider à surmonter la vulnérabilité qu'ils ressentent face à l'avenir. Ils redoutent par-dessus tout d'être encore considérés comme des enfants; c'est donc à nous de les traiter comme de vrais partenaires, de partager avec eux non seulement les problèmes qui les concernent, mais ceux aussi qui touchent la famille tout entière.
Et c'est cela qui est difficile; même si vous vous êtes préparée et persuadée que c'est là la juste démarche. Il n'est pas simple d'accepter avec le sourire de n'être plus indispensable, d'admettre que sa mission d'éducateur est achevée. Dorénavant, on ne sera plus celle qui protège, mais celle qui accompagne, qui partage lorsqu'on le lui demande, qui s'efface tout en restant elle-même, disponible, secourable si nécessaire, efficace, mais jamais possessive ou autoritaire.
Le passage d'une étape à l'autre est brusque. Il convient que les parents s'adaptent rapidement à chacune d'elle. Il est facile de rester en retard et de se complaire à retenir l'enfant au stade qui nous convient affectivement. De même que l'on doit se préparer au métier de parent, à la retraite, à la vieillesse, il faut aussi se préparer, à temps, à affronter les étapes de l'évolution de nos enfants.

…Le disque tourne, la voix chaude et prenante de Serge Reggiani enchaîne:
«On la trouvait jolie et voici qu'elle est belle,
Pour un individu presqu'aussi jeune qu'elle,
Un garçon qui ressemble à celui pour lequel, Madame, vous aviez embelli…»

Avez-vous déjà pensé à cette étape, à l'arrivée de «l'individu» qui vous la «prendra»? A cela aussi il faut se préparer.
Serge Reggiani a raison de nous rappeler que nous aussi nous avons franchi les mêmes paliers: les tourments de l'adolescence, les désirs de libération. Mais le temps qui passe et l'expérience vécue ont modifié notre mentalité. Faisons appel à nos souvenirs pour comprendre et respecter des attitudes que nous avons en partie oubliées.
Il n'est pas plus facile aux adolescents de sortir de leur chrysalide qu'à nous d'accepter ce changement de visage. Une compréhension mutuelle cimentera le nouvel amour qui doit éclore alors entre parents et enfants. Amour adulte, amour fait d'amitié et de respect, amour qui permettra une vie communautaire enrichie d'imprévu et de charme, harmonieuse, puisque chacun sera pleinement soi-même.









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