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Nous avons aimé… Pluie et vent sur Télumée Miracle

Simone Schwarz-Bart
Ed. du Seuil
Réédité par la Guilde du Livre 246 pages. Fr. 15.90

L'Afrique et les Africains sont devenus ces dernières années l'une des préoccupations majeures des Européens, mis en face des problèmes du Tiers monde. Mais les idées que nous nous faisons des hommes et des femmes qui habitent cet immense continent, comme aussi des anciens esclaves qui peuplent l'Amérique et les Antilles sont stéréotypées et sans doute complètement fausses. Elles restent plus ou moins conditionnées par l'image que nous en a donnée la «Case de l'Oncle Tom». Et ce ne sont pas la lecture des journaux, les nouvelles politiques ou les théories sur la négritude qui nous permettent de mieux comprendre ces peuples. Ils se différencient en effet de nous non seulement par la couleur de la peau, mais par leur sensibilité, leur façon de voir, de sentir et de réagir, notamment devant la nature.
Voici un livre qui nous permet de pénétrer un tout petit peu dans cet univers pour nous inconnu. L'auteur est originaire de la Guadeloupe. Elle a fait des études et a épousé André Schwarz-Bart, devenu célèbre il y a quelques années par son livre «Le Dernier des Justes». Son roman nous raconte l'histoire d'une négresse, sa vie faite d'heurs et de malheurs, de pluie et de vent, dans de petits villages des environs de Pointe-à-Pitre. Avec elle on partage les joies et les tristesses, les amours et les haines de ces nègres qui vivent pauvrement mais en contact étroit avec la nature. C'est pourquoi peut-être il se dégage de ce récit une poésie à laquelle il est difficile d'échapper.
Il faut dire que Simone Schwarz-Bart utilise une langue admirable qui semble être une sorte de transposition du créole et donne au récit une saveur très particulière. Qu'on en juge par le passage suivant dans lequel l'héroïne, qui a été élevée par sa grand-mère, appelée «Reine sans nom» raconte comment se passaient dans son enfance les soirées du dimanche:

«C'était l'heure où la brise se lève, monte doucement la colline, gonflée de toutes les odeurs qu'elle a ramassées en chemin. Grand-mère prenait position dans sa berceuse, au seuil de la case, m'attirait contre ses jupes et, soupirant d'aise à chaque mouvement de ses doigts, entreprenait tranquillement de me faire les nattes. Entre ses mains, le peigne de métal ne griffait que le vent. Elle humectait chaque touffe d'une coulée d'huile de carapate, afin de lui donner souplesse et brillant, et, avec des précautions de couseuse, elle démêlait ses fils, les rassemblait en mèches, puis en tresses rigides, qu'elle enroulait sur toute la surface de mon crâne. Et ne s'interrompant que pour se gratter le cou, le haut du dos, une oreille qui la chagrinait, elle modulait finement des mazoukes lentes, des valses et des biguines doux-sirop, car elle avait le bonheur mélancolique. Il y avait Yaya, Ti-Rose Congo, Agoulou, Peine procurée par soi-même et tant d'autres merveilles des temps anciens, tant de belles choses oubliées, qui ne flattent plus l'oreille des vivants. Elle connaissait aussi de vieux chants d'esclaves et je me demandais pourquoi, les murmurant, grandmère maniait mes cheveux avec encore plus de douceur, comme si ses doigts en devenaient liquides de pitié. Lorsqu'elle chantait les chansons ordinaires, la voix de Reine Sans Nom ressemblait à son visage où seules les joues, à hauteur de pommette, formaient deux taches de lumière. Mais pour les chants d'esclaves, soudain la fine voix se détachait de ses traits de vieilles et s'élevant dans les airs, montait très haut dans l'aigu, dans le large et le profond, atteignant des régions lointaines et étrangères à Fond-Zombi, et je me demandais si Reine Sans Nom n'était pas descendue sur terre par erreur, elle aussi. Et j'écoutais la voix déchirante, son appel mystérieux, et l'eau commençait à se troubler sérieusement dans ma tête, surtout lorsque grand-mère chantait:

Maman où est ou est où est Idahé
Ida est vendue et livrée Idahé
Ida est vendue et livrée Idahé…


A ce moment-là, grand-mère se penchait sur moi, caressait mes cheveux et leur faisait un petit compliment, bien qu'elle les sût plus courts et entortillés qu'il n'est convenable. Et j'aimais toujours les entendre, ses compliments, et comme je soupirait contre son ventre, elle me soulevait le menton, plongeait son regard dans le mien et chuchotait, avec un air d'étonnement:
- Télumée, petit verre de cristal, mais qu'est-ce que vous avez donc, dans votre corps vivant… pour faire valser comme ça un vieux coeur de négresse?…»









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