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Filles et garçons, aujourd'hui
Les réflexions qui nous sont proposées ci-dessous ont été glanées à l'occasion du travail en commun de quelques mères réunies pour préparer une discussion pour la «Semaine des femmes romandes» à Genève en avril dernier.
C'est Mme Nancy Rossier, psychanalyste, qui en avait la responsabilité. Nous la remercions infiniment de nous avoir autorisés à publier les grandes lignes de son travail.
Souvent, les filles aimeraient être des garçons et les femmes imaginent qu'elles seraient plus heureuses si elles étaient des hommes. Ceci est bien connu. Ce qu'on sait moins, c'est combien d'hommes envient les femmes, leur vie apparemment plus tranquille, leur droit à la passivité, etc.
Les femmes disent: ils nous exploitent
Les hommes disent: elles nous embêtent
D'une façon générale, on croit toujours que l'autre a plus de chance, que le frère ou la soeur est mieux aimé. Souvent, à l'âge adulte, des frères et soeurs font la découverte que chacun était jaloux de l'autre et croyait que l'autre était préféré. Dans mon métier, la psychothérapie, j'entends exactement autant d'hommes que de femmes se plaindre de leur sort.
Quand les hommes sont furieux contre les femmes, c'est souvent en repensant inconsciemment à leur enfance et avec rancune contre leur mère qu'ils jugent tyrannique, possessive ou froide.
Nous tous, hommes et femmes, naissons trop tôt; nous sommes encore des fÅ“tus, incapables de bouger, de prendre, de parler pendant de très longs mois. Notre intelligence et notre compréhension viennent avant que nous puissions nous en servir, ce qui est très énervant. Cette très longue enfance humaine a des avantages, mais elle nous oblige à vivre très longtemps dans la dépendance des adultes.
Certains en sortent trop dociles et conventionnels; d'autres se révoltent contre cette vieille dépendance et la voient partout. Ils deviennent les bons et les pires révolutionnaires.
Alors, comment élever nos filles et nos garçons?
1. Premièrement, en essayant de les accepter comme ils sont, avec leur sexe, fille ou garçon.
Rien de plus désagréable que d'avoir l'impression d'être mal accueilli, mal aimé, de ne jamais être celui ou celle qu'on attendait. C'est difficile pour beaucoup de parents d'accepter leurs enfants à tous points de vue, car bien des gens espèrent revivre à travers leurs enfants.
2. Dans la toute petite enfance, les soins et l'éducation ne diffèrent pas beaucoup. Filles et garçons dorment, mangent, pleurent, mouillent et se salissent à peu près de la même façon. Mais dans l'imagination du père et de la mère, les idées concernant l'enfant et son futur sont bien différentes selon qu'il s'agit d'un fils ou d'une fille, ou même d'un fils à l'autre ou d'une fille à l'autre.
3. Dès 2 ou 3 ans, les enfants s'étonnent de la différence des sexes. Ils
posent des questions sur la naissance de leurs frères et soeurs, sur leur propre naissance, etc
C'est là qu'il devient important de répondre de façon honnête, sans dévaloriser personne, ni les filles, ni les garçons. Les générations précédentes, persuadées que le sexe était le mal, évitaient ce genre de questions et le mystère était lourd. Actuellement, on essaie de répondre mieux. On explique certains phénomènes: comment le bébé grandit dans le ventre de sa maman, comment il en sort, parfois comment il y entre. Mais on oublie souvent de confirmer aux enfants que le désir sexuel, le plaisir joue un grand rôle dans la vie adulte. On oublie aussi de comprendre leurs sentiments devant ces problèmes. On néglige la violente jalousie des enfants devant la vie passionnante des grandes personnes. On oublie aussi les jalousies qu'ils éprouvent entre eux, la jalousie des grands aînés envers les petits et vice versa. Les petites filles sont envieuses du zizi des garçons et parfois les garçons envient le pouvoir des femmes de faire des enfants.
Souvent, les filles et les garçons tout petits, dès 3 ou 4 ans, sont amoureux de petits copains ou de leurs parents (je t'épouserai quand je serai grand (grande) ! Si les parents rient de cela, se moquent, cela peut blesser terriblement des petits enfants naïfs, mais dont les sentiments sont très vifs et très vrais.
4. A la période scolaire, ces problèmes d'amour sont souvent mis de côté. Les filles ont tendance à jouer avec les filles et elles trouvent les garçons affreux, bruyants, sales, etc. Les garçons jouent entre eux et trouvent les filles chichiteuses, pas franches, sans intérêt, etc.
5. A la puberté, période de la formation physique, tous les problèmes de la différence des sexes reviennent à la surface. Une question lancinante de cet âge est: serai-je une fille ou un garçon réussi? serai-je aimé? serai-je admiré? Les filles craignent de ne pas devenir assez séduisantes et de n'avoir aucun succès ou bien elles craignent de ne pas pouvoir avoir d'enfants ou de ne pas avoir de bon métier, etc. Les garçons se demandent aussi s'ils sont normaux physiquement, s'ils seront capables de bien faire l'amour, etc.
En général, ils n'en parlent pas directement à leurs parents ou à leurs copains. Ces soucis restent au dedans d'eux. Ce qu'on remarque de l'extérieur, c'est qu'ils sont des enfants distraits, rêveurs ou au contraire agités, nerveux, désagréables.
Les filles font des histoires pour leurs habits; les garçons font des scènes pour un vélomoteur, etc. Ces réactions à propos d'objets matériels sont les signes de leur évolution physique, affective et sexuelle.
6. L'adolescence est un gros sujet qui mérite d'être traité plus longuement à une autre occasion.
Série de questions particulières qui feront l'objet de notre discussion tout à l'heure:
Les jouets. Faut-il donner les mêmes jouets aux garçons et aux filles? autos, fusils, poupées, articles de sports, etc.
Les habits. Est-il judicieux de mettre les mêmes habits aux deux sexes: blue-jeans, etc.
Les services rendus à la maison. Peut-on demander les mêmes choses aux filles et aux garçons? vaisselle, commissions, boutons à coudre, etc.
La formation scolaire et professionnelle. Est-il justifié de pousser plus les garçons que les filles à l'école et dans la vie professionnelle?
La liberté. Faut-il donner plus de liberté aux garçons qu'aux filles? Les dangers courus par les filles sont-ils plus grands? (Q en pensent nos lecteurs? Réd.)
Conclusions
Les humains naissent avec un corps de fille ou un corps de garçon: c'est inchangeable.
Les humains naissent avec un tempérament particulier, calme ou agité, lent ou vif, une intelligence souple ou rigide, large ou étroite, etc.
Les humains naissent aussi dans une famille, une société bien définie.
Cette famille, cette société jouent un grand rôle dans la formation de la personnalité. L'éducation peut être oppressive et forcer le caractère de l'enfant. Elle peut aussi être aimante et respectueuse et l'enfant suivra certains modèles, non pas par peur et haine, mais par amour et estime des adultes qui l'entourent. Ceci s'applique à tous les domaines de l'éducation. Par rapport à la féminité et à la masculinité, les habitudes dépendent de la culture, de la société dans laquelle on vit, mais avec des variantes. En Afrique du Nord, par exemple, ce sont toujours les hommes qui se servent des machines à coudre. Dans certaines tribus les femmes doivent se cacher le visage. Ailleurs, elles sont nues jusqu'à la taille et ce sont les hommes qui sont voilés, etc. Tous les humains ont des traits physiques et psychiques masculins et féminins, ce qui donne une grande variété de personnalités, heureusement.
Ce qui me paraît fondamental dans l'éducation, c'est l'exemple vécu et non les leçons et les explications ou les ordres. Donc une mère aide sa fille à se réaliser en se réalisant elle-même. Si elle se plaint sans cesse de sa condition de femme et ne fait rien pour l'améliorer, devenant acariâtre ou geignarde, sa fille aura beaucoup de peine à trouver sa voie. Si un père se plaint de tout, déteste son travail et vit dans la tension nerveuse maximum de notre société, son fils aura envie de dire zut à tout et quittera l'école, la formation professionnelle et se mettra à vagabonder. C'est assez logique.
Donc, la meilleure voie et la plus difficile pour élever nos filles et nos garçons est de nous perfectionner nous-mêmes, et d'essayer d'être heureux. Il ne sert à rien de jouer la comédie, les enfants ne sont pas dupes.
Puisque nous ne pouvons être parfaits, nous pouvons au moins être vrais et ouverts à la recherche d'un mode de vie plus heureux.
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