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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Par la marionnette: Se libérer de son agressivité sans faire de mal

Et vlan sur la tête, pan… voilà morte la grande soeur, bébé-frère à la poubelle, maman enfermée au frigo… il n'y a que Véronique elle-même qui survit, sous la forme d'une poupée que l'on enfile sur la main et qui devient ainsi vivante par notre vie: la marionnette. (Car évidemment Véronique-la-vraie, l'être humain, n'aurait jamais causé un drame pareil, c'est une petite fille polie et comme-il-faut; avec seulement un petit défaut: elle ne rit jamais, ne mange presque rien, ne joue pas.)
Frédéric a tué son grand-père, et il l'a dûment enseveli dans la caisse à tissus, pour être sûr qu'il ne ressuscite pas - en marionette.
Christine torture et maltraite son maître d'école - en marionnette.
Un groupe d'enfants de 12/13 ans a imaginé et joué lors d'une de nos représentations une pièce qui finissait par la pendaison d'une mère et d'un père - en marionnettes.
Tout le spectacle du groupe des jeunes (14/15 ans) racontait la vie d'un supergangster qui commençait par tuer sa mère, appelée Helvétie, et qui finissait par abattre tout son entourage, n'ayant appris rien d'autre pour arriver à vivre - en marionnettes.

Il y a donc, et je peux le constater sans cesse pendant mon travail avec enfants et jeunes dans mon atelier de marionnettes, beaucoup d'agressivité en nous. D'une part nous vivons sous grande pression, ceci de plus en plus, le monde étant surpeuplé et nous, devant vivre en nous conformant à des règles et lois qui diminuent continuellement notre liberté. L'enfant doit se plier non seulement aux exigences de ses parents et maîtres, il doit aussi subir la vie peu libre de nos villes - règles de circulations, etc. L'adulte qui aurait traversé aux heures de pointe et en voiture n'importe quelle ville, avec arrêt, obéissant à chaque feu, stockerait en lui par la suite une grande quantité d'agressivité. La pression appelle la contre-pression comme réaction.
D'autre part nous sommes confrontés continuellement à la violence, l'agressivité, par les journaux, la radio, la TV, les enfants et jeunes en sont marqués, ils emmagasinent l'agressivité qu'ils ont consommée et la sortent à nouveau un jour ou l'autre. Cette violence quotidienne de notre vie qui se reflète dans nos mass média est d'ailleurs également conséquence de notre mode de vie plein de contrainte. L'enfant subit et la cause directe et les conséquences, car la violence engendre la violence (réaction en chaîne). En plus, individuellement il est bien souvent dans une situation qui lui est difficilement tolérable - parents très exigeants, ambitieux, etc., école très conformiste et laissant peu de place à la liberté personnelle, parents désunis, divorce, jalousie entre frères et soeurs souvent non sans raison, manque d'amour du côté des parents, etc.
Il y a deux possibilités de réaction - ou agression active et ouverte ou répression de cette agression par des tabous personnels ou par l'éducation. La première, quoique souvent difficile à supporter pour l'entourage, est à préférer, car elle évite une trop grande pression. La deuxième crée une situation qui peut être lourde de conséquences si toute la force d'un être humain est finalement utilisée pour retenir le couvercle sur cette marmite à pression qui risque d'éclater et de causer de grands dommages.

L'histoire personnelle de Véronique explique clairement cet assassinat de toute la famille: L'enfant avait été écartée pour quelques mois lors de la naissance du bébé, de plus elle était à priori moins belle, moins brillante que la grande soeur qui existait déjà et avait par une naissance difficile presque tué sa mère… bref, à son retour et trouvant un nouveau-né à la maison, Véronique n'a pas fait des attaques envers le bébé, elle a préféré le repli, espèce de suicide passif (refus de nourriture, passivité complète, etc.) Car l'interdiction en elle était forte: il ne faut pas faire mal aux autres. Aussi avait-elle peur d'une agressivité si puissante qui, elle, aurait pu anéantir tout ce dont Véronique par ailleurs dépendait. Blocage complet donc. Il a fallu du temps à l'atelier, pour débloquer tout ça, du temps et un climat détendu et acceptant d'avance tout ce qui pouvait arriver, aussi inattendu que cela eût pu être. Pendant des mois Véronique a fait de jolis petits nains, des poupées mignonnes - ce qui était méchant, elle l'évitait soigneusement, le contact à lui seul aurait été un risque; petit à petit et voyant les autres enfants de son groupe faire des improvisations soit avec de bonnes fées soit avec des monstres et des diables, etc. elle se relaxait; il n'y avait pas de catastrophe, se disait-elle. Après cinq mois finalement elle osait prudemment toucher, elle aussi, au mal. Et puis, enfin, il y avait eu cette mise à mort, répétée pendant des semaines, et avec variantes. Aurait-il fallu interrompre ce jeu sanglant, cette vengeance sans réticence? Surtout pas… ce n'étaient «que» des marionnettes. En plus Véronique ne savait pas, intellectuellement, ce qu'elle jouait, elle ne le «savait» que dans son subconscient. Ou plutôt, son subconscient savait ce qu'il lui fallait créer pour guérir et pour retrouver une joie de vivre. De temps à autre elle s'enquerrait auprès de moi de s'il y avait du mal dans ce qu'elle jouait là, mais je la rassurais. Donc, aucune culpabilité. Finalement, toute cette agressivité endiguée et sournoise s'écoula librement, sans faire du mal à qui que ce soit, Véronique était soulagée d'un grand poids, devenait un enfant joyeux, trouvait de nouvelles relations avec sa famille - en marionnettes d'abord, dans la réalité ensuite.
Aucun être humain ne peut vivre avec une trop grande agressivité qui n'a pas de sortie. Frédéric devait tuer le grand-père, car il était si puissant et dominateur qu'il l'écrasait. Et Christine souffrait à l'école, trop de discipline et le tout dans la main d'un maître trop dur. Ceux qui pendaient les parents le faisaient comme réaction contre la dégradation de l'environnement, car c'est la génération des parents qui construit tout ce qui abîme le monde. Et «mère Helvétie» fusillée avait voulu faire de son fils un superhéros et ne lui enseignait que la violence - il fallait qu'elle meure par lui, devenu trop violent et agressif, comme nos enfants deviennent trop agressifs aussi par leur entourage, qui est en dernier ressort créé par la collectivité de nous, les parents.

Il reste à ajouter que notre société d'hommes blancs a depuis longtemps cultivé une sorte d'agressivité; nos enfants, surtout nos garçons, nous les voulons dynamiques, virils, d'attaque, fonceurs, compétitifs - ils doivent savoir user de leurs coudes et attaquer avant d'être forcés à la défensive. Notre éducation est programmée à partir de là; nous ne nous rendons pas compte que ce conditionnement peut être mis en question et n'est nullement valable pour tous les peuples. Margaret Mead, anthropologue américaine, nous donne pour exemple la description de tout autres méthodes d'éducation qui, elles, créent des hommes pacifiques, calmes et nullement agressifs - mais qui ne bâtiraient évidemment pas une Europe industrielle et supertechnique avec ce que nous connaissons comme progrès jadis inimaginé. C'est finalement notre agressivité qui nous a poussés vers le progrès et il ne nous reste qu'à nous débrouiller avec le surplus d'agressivité qui commence à échapper à notre contrôle.
La marionnette est une possibilité.
Nous construisons d'abord une marionnette qui sort directement de notre imagination, de nos profondeurs, pour ensuite l'animer, lui donner de notre vie, la faire porter une partie de nous, dans nos créations, nos pièces; il y a là un traitement très intense et complet - par la marionnette - qui s'avère infiniment efficace aussi bien pour des enfants et des adolescents que pour des adultes.
Par ce moyen idéal et complet d'expression on peut ainsi donner forme aux images qui sont en nous - celles qui nous rendent heureux ou aussi celles qui nous torturent - et la pire agressivité étouffante peut être alors libérée en symboles et sans la culpabilité qui serait causée par une compréhension intellectuelle et moralisante.









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