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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURTu peux tout nous dire… Ces dernières semaines, Florian a le cerveau en ébullition. Il est souvent invité par un garçon qui a trois ans de plus que lui et dont l'appartement est toujours vide jusqu'au repas du soir. Un appartement où on peut faire ce qu'on veut, sans que personne ne vous demande tous les quarts d'heure: - Florian, où es-tu? A quoi tu joues? Tu ne fais pas de bêtises au moins? As-tu fini tes devoirs? Qu'est-ce que tu attends pour entreprendre un jeu intelligent? Chez le copain, c'est la grande liberté. On fait l'inventaire du frigo. On mélange des sirops et des épices qui vous mettent le palais en feu. On regarde le programme de TV qui vous plaît. On fouille dans la bibliothèque du père. On vérifie les produits de beauté de la salle de bains. La belle vie, quoi! Malheureusement, ces heures d'exploration grisantes se paient. De même que les petits quarts d'heure volés à la sauvette en sortant de l'école. La mère de Florian est toujours fidèle à son poste quand son fils rentre. Elle mène une existence ordonnée, les yeux sur la pendule, l'oreille aux aguets. Son fils ne peut lui échapper sans qu'elle se méfie de quelque chose. Et justement, elle se méfie depuis quelque temps. Pourquoi Florian revient-il si essoufflé quelquefois? D'où lui viennent ces airs tour à tour enjoués ou rêveurs, tendus ou distraits? Qu'est-ce qui l'empêcherait de se confier honnêtement à sa mère s'il avait quelque chose à lui dire? Oui, précisément, qu'est-ce qui l'en empêche? Florian a beau n'avoir que onze ans, il a repéré depuis longtemps que ses parents ne supportent pas toutes les révélations. Ils lui répètent avec régularité: tu peux tout nous dire, tu dois le faire pour que la confiance puisse régner entre nous. Et lui ne demanderait pas mieux! Mais il y a des obstacles. Il a souvent l'impression que ses parents savent trop bien ce que lui, Florian, devrait sentir, penser et faire. Comme s'ils portaient constamment sur eux (pour des vérifications éventuelles) le portrait détaillé de l'enfant-type qu'il devrait être. Dans ces conditions, il n'est pas facile d'entrer réellement en communication avec eux. Tant qu'il dit qu'il n'a pas fait de fautes à sa dictée ou que le maître de gymnastique est un champion, ça va. S'il souhaite s'inscrire à un cours de natation ou demande à aller au Musée d'histoire naturelle avec le premier de sa classe, très bien. Mais quand il se prétend fatigué après quatre petites semaines d'école; quand il demande de pouvoir jouer d'abord et travailler ensuite; quand il avoue ne plus apprécier les pique-niques du dimanche; quand il réclame un chat, des tritons, une tortue; quand il déclare qu'il sera pâtissier et qu'il ne fera pas un jour de plus que les années scolaires strictement obligatoires, alors là, ça se gâte. Ses parents réagissent comme s'ils lisaient à haute voix le code contenant tout ce qu'un jeune garçon de onze ans devrait aimer, ne pas souhaiter, vouloir, ne pas imaginer, envisager, ne pas espérer. Dès que ses aveux ou ses espoirs sortent du cadre prévu, sa mère a les larmes qui lui montent aux yeux. Elle s'inquiète et tremble à l'ouïe des réflexions imprévues de ce garçon qui sort des normes qu'elle a soigneusement établies. Le père, plus rude, n'y va pas par quatre chemins: «c'est toujours la même chose! Insatisfait, mécontent, aspirant à tout sauf à ce qu'on a prévu pour lui! Ça ne m'étonne pas de toi! Tu n'en feras jamais d'autres!» L'une qui s'écroule. L'autre qui condamne. Alors, où trouver l'interlocuteur qui écoute, s'intéresse, consent aux échanges? La confiance, la confiance: Florian ne demande pas mieux. Mais pour qu'elle puisse se développer, il faut qu'il subsiste une zone libre entre les êtres qui la souhaitent. Un terrain neutre où l'on peut se montrer tel que l'on est, avec ses manques, ses faiblesses, ses rêves fous, ses peurs dérisoires, ses ambitions irréalisables. Ce qui est le plus urgent, ce n'est pas de décider en quinze secondes qui a tort et qui a raison. C'est de prendre son temps. De se dévoiler. D'essayer de comprendre ce que l'autre cache maladroitement sous ses armes. D'aller à sa rencontre sans préjugé. Et de ne pas couper le contact à la fin de se première phrase par un: «Défendu de dire ça!» |
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