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Enfant unique: un malheur ou un privilège? L'enfant unique est-il un anormal ?…

On l'a longtemps considéré comme un «anormal» et comme le symbole de l'égoisme familial. Mais, après l'avoir accablé, les psychologues sont en train de réhabiliter l'enfant unique.

Anémique, capricieux, d'une intelligence terne, dépendant entièrement d'autrui, c'est ainsi que Zola, dans Fécondité, décrit l'enfant unique. Il rejoint ainsi une idée fortement répandue. Stanley Hall, en 1907, affirmait que l'enfant unique ne pouvait vivre sa condition que comme une «maladie en soi».
La démonstration de la thèse va de soi. Pour l'auteur de J'accuse, par exemple, elle se fait en trois temps: l'unicité est une anomalie sociale, car elle perpétue le système capitaliste, permettant aux riches de s'enrichir encore plus; c'est une anomalie morale, car limiter ainsi sa progéniture est l'indice infaillible d'une déviation; c'est enfin une situation nocive, pour l'enfant lui-même, et qui ne peut que perturber son développement physique et surtout mental (1).
Zola, dira-t-on, est un écrivain, non un chercheur, et ses thèses datent de plus de trois quarts de siècle! Certes. Mais les psychologues et les psychiatres les plus réputés continuaient, à une époque récente, à développer la même argumentation… ou à peu près. Ainsi Robert Debré, en 1950: «L'enfant unique ne peut pas ne pas se croire le centre du monde… ll est destiné à devenir exigeant, comme tout être «gâté», et se prépare aux déceptions et aux souffrances qu'éprouve celui qui fut mal armé pour la vie et aussi aux tristes jouissances d'un égoïsme bien explicable.» Combaluzier (à la même date): «Le fils unique (pourquoi lui seulement… et la fille?) a toujours été considéré comme le prototype de l'anomalie. Non sans raison.» Et même la psychanalyste Françoise Dolto, qui ne se laisse en général pas emporter par des considérations moralisantes: «Les enfants uniques sont des hyperverbaux et des hyposensoriels. Chez eux, la puberté n'arrive pas à se faire. A quinze-seize ans, ce sont des sujets d'élite au point de vue scolaire, mais des êtres nuls au point de vue des échanges humains» (toujours en 1950).

Si l'enfant est unique, la faute en incombe, bien sûr, à l'égoïsme des parents. Selon Combaluzier, l'enfant unique «est le produit d'un couple qui mesure, qui calcule…, qui n'a pas foi dans l'avenir…, qui aime sa vie, mais qui n'aime pas la vie». Porot (en 1954), marque une différenciation entre les deux membres du couple: «Le père est souvent un être mou, à la remorque de sa femme. La mère échappe difficilement à un comportement sur-protecteur. Quant au groupe comprenant le couple et son enfant, il ne (forme) pas une famille au sens plein du terme.»

Des failles…

Les «preuves» administrées par les auteurs sont, d'après eux, incontestables. Et pourtant, comme J. P. Almodovar l'a notamment fait observer, elles présentent certaines failles. Elles reposent en particulier sur un postulat discutable et dont aucun de ces excommunicateurs n'examine jamais la valeur: les enfants uniques dont on parle - «repérés», en général, par l'intermédiaire de consultations médico-psychologiques - sont représentatifs de l'ensemble des enfants uniques. Or c'est loin d'être évident. De même, on prend comme consubstantiel à l'unicité elle-même d'autres éléments qui ont pu s'y ajouter, ou en être la cause dans certaines circonstances bien particulières (par exemple, en temps de guerre, la captivité du père).

D'autres études, menées en particulier par des auteurs de langue anglaise, aboutissent, malgré leur caractère très partiel, à un tout autre tableau. Partant toutes d'hypothèses de travail pourtant très défavorables à l'enfant unique, elles concluent dans l'ensemble que celui-ci est certes différent de l'enfant qui a des frères et soeurs, mais que ces différences se situent à l'intérieur de la normalité.

La légende de l'unicité «mère de tous les vices» semble donc être un de ces très nombreux concepts forgés pour les besoins de la cause par des auteurs qui se bornent à revêtir les vieux arguments du bon sens populaire d'oripeaux pseudo-scientifiques. Et quelle cause, après la saignée de la guerre, pouvait apparaître comme plus noble que celle de l'essor démographique français?

On n'en est plus là aujourd'hui. La contraception est licite, même recommandée, l'avortement autorisé. Certains spécialistes lancent des cris d'alarme: la population du globe s'accroît trop rapidement. Paul Ehrlich, un chercheur américain, se vante de n'avoir eu - exprès - qu'une fille. Les recherches sur l'enfant unique aboutissent à des conclusions relativement rassurantes. Les allusions à l'unicité, défaut majeur, disparaissent, semble-t-il, progressivement des manuels et leur formulation se fait en tout cas de façon plus nuancée. Quant aux études récentes (par exemple celle de J. Burstin: la Psychiatrie de l'enfant, fascicule 2, 1966), elles sont plus que prudentes dans leurs affirmations. Ainsi, il apparaît que l'«unicité est incapable de susciter à elle seule les méfaits dont on l'accuse, et souvent même ses conséquences sont négligeables, voire nulles». En fait, elle peut accentuer, comme toute autre influence extérieure, certaines dispositions naturelles à tel enfant, ou telle famille, mais elle ne les crée pas.

Ainsi, tout ce qu'on croyait caractéristique de l'enfant unique - l'immaturité, la dépendance, la «sottise devant la vie», la timidité, l'inadaptation à autrui, au groupe, l'égoïsme - n'est pas son apanage exclusif, mais peut se retrouver chez un enfant nanti de plusieurs frères et soeurs. Et quand bien même une influence défavorable s'exercerait sur l'enfant unique au cours des premières années de sa vie, la suite de ses expériences peut parfaitement réduire, sinon annuler, cette phase négative.

En fait, il revient aux parents de ne pas assimiler, comme l'ont fait certains idéologues, enfant unique et enfant gâté. Si on remarque parfois chez les «uniques» quelques indices d'absence d'ordre, de continuité et de régularité, en particulier au cours des premiers apprentissages scolaires, ce sont là les résultats d'une attitude éducative familiale, qui peut tout aussi bien se modifier.

Parents d'enfants uniques de tous les pays, redressez la tête! Abandonnez toute idée de culpabilité! Ayez confiance en vous-mêmes! Vos fils et vos filles n'en seront que mieux élevés.

(1) Cette analyse des arguments de Zola est tirée, comme d'autres références bibliographiques, d'une excellente étude de J.-P. Almodovar: «Existe-t-il un syndrome de l'enfant unique?». Enfance, juillet-octobre 1973.









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