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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURL'allaitement maternel est-il encore possible à notre époque? 1. Vous avez un bébé de 4 mois que vous nourrissez encore entièrement au sein. A une époque où les jeunes femmes qui allaitent semblent de plus en plus rares, comment votre cas s'explique-t-il? Réponse: Il s'explique, non pas par ce que la plupart des gens appellent «la chance», mais plutôt par la technique que j'utilise. J'ai renoncé aux horaires fixes, généralement préconisés dans les cliniques et les maternités pour appliquer la méthode «à la demande» et je n'ai jamais complété les tétées qui étaient petites par du lait industriel. J'ai donné les deux seins à chaque tétée, ce qui stimule nettement la lactation. 2. Disposez-vous d'atouts personnels particuliers? Réponse: Physiquement, certainement pas plus que n'importe qui; mais j'ai eu l'occasion de voir en Afrique et en Asie des centaines de femmes allaiter sans problèmes. Je me suis dit que ce ne devait pas être une question raciale, puisque nos grand-mères le faisaient aussi et qu'il devait s'agir plutôt d'une question de méthode. En effet: regardez les mères africaines! Même fatiguées, souvent mal alimentées, buvant extrêmement peu, en mettant leur enfant au sein chaque fois qu'il en manifeste le désir, elles ont bien assez de lait pendant généralement deux ans. 3. Les choses sont-elles allées comme vous vous y attendiez, dès le début ? Réponse: Le fait d'avoir un bébé qui réclamait le sein à un rythme assez régulier et pas trop précipité (toutes les trois ou quatre heures) m'a facilité les choses. Mais il est évident qu'il a parfois pleuré à des intervalles plus rapprochés et qu'alors j'étais assez inquiète et je n'osais pas, au début, lui donner des tétées plus fréquentes, encore imbibée que j'étais des théories préconisant des repas à heures régulières. Après un mois à six semaines, j'étais plus sûre de moi et j'ai essayé de le mettre au sein chaque fois qu'il pleurait; parfois il tétait, parfois non. Comme ça je me rendais compte s'il pleurait de faim ou d'autre chose et c'était rassurant. 4. Qu'est-ce qui vous a le plus frappée au cours de ces premiers mois? Réponse: A quel point, bien qu'intellectuellement convaincue de la justesse de ma méthode et très désireuse d'allaiter mon enfant, je me laissais influencer par des lectures stupides et néfastes qui nous sont envoyées par les maisons bien connues, spécialisées en aliments pour bébés qui tendent à faire croire qu'un bébé doit absorber des sucs de légumes et des farines dès les premières semaines si l'on veut qu'il se développe harmonieusement et suive la courbe de poids optimale. Je ne pouvais m'empêcher de surveiller anxieusement la prise de poids hebdomadaire et si elle était inférieure aux «statistiques» j'avais de la peine à ne pas sauter sur les biberons avec sucs de légumes, farines complètes, vitamines A B C D E et j'en passe. Ces maisons savent très bien nous culpabiliser et nous pousser lentement mais sûrement à utiliser leurs produits. 5. Si vous avez un autre enfant, recommencerez-vous de la même manière avec lui? Réponse: Certainement, mais avec encore un peu plus de souplesse. Pourquoi, par exemple, croire indispensable de changer un enfant rituellement après chaque tétée? Une fois toutes les quatre heures me paraît suffisant quand on a parfois des tétées toutes les deux heures certains jours (bébé enrhumé ou soumis à un changement d'environnement). Par ailleurs, je suis maintenant convaincue qu'un enfant nourri au sein, bien que prenant moins vite du poids, se développe plus vite et se porte mieux qu'un enfant nourri au biberon. (Le poids pris par la plupart des enfants occidentaux est excessif et prédispose à l'obésité plus tard.) Je serai moins encline à accorder de l'importance à la pesée. 6. L'allaitement maternel présente-t-il autant d'avantages pour la mère que pour l'enfant? Réponse: Si pour l'enfant il est effectivement tout bénéfice, il faut se rendre compte que pour la mère il a non seulement des avantages, mais aussi des inconvénients. Les avantages: pas de biberons à stériliser ni à prendre avec soi lorsque l'on emmène le bébé chez des amis ou en promenade prolongée, moins de soucis quant aux infections et allergies possibles. Les inconvénients: très grande difficulté pour sortir seule. Aller en ville, au cinéma, au concert, etc, est presque impossible les trois premiers mois. D'autre part l'allaitement est évidemment incompatible avec une activité professionnelle. Il représente un choix; il faut en être conscient. 7. Que répondriez-vous à une future mère qui se demande si elle va opter pour le biberon ou pour le sein? Réponse: Je lui répondrais comme je l'ai dit plus haut: que l'allaitement naturel est un choix qui impose un certain nombre de sacrifices mais que si elle le fait de bon coeur, son enfant en tirera des bénéfices immenses. Je ne pense pas qu'il faut allaiter longtemps si l'on n'en a pas profondément envie. (D'autre part il faut naturellement tenir compte du fait que certaines mères ne peuvent pas cesser leur travail.) 8. Quelles ont été les réactions de votre gynécologue?, de votre pédiatre? de votre mari? Réponse : - Mon gynécologue: «Eh bien! Vous avez de la chance. Je n'ai dans ma consultation que 5% de femmes qui allaitent plus de six semaines…» (Je répète que je suis convaincue que ce n'est pas une question de chance mais de méthode.) - Mon pédiatre: «C'est certainement le meilleur aliment que vous puissiez donner à votre enfant, mais ajoutez peut-être un peu de jus d'orange et une farine le soir.» (A mon avis, aucun complément avant la fin du troisième mois.) - Mon mari (il est médecin): «C'est sûrement la meilleure chose que l'on puisse faire pour notre enfant, mais on n'a plus eu depuis sa naissance une vraie soirée, rien que pour nous! Et moi je ne sers à rien, je ne peux pas donner le sein!» (Il est heureux maintenant de pouvoir commencer à donner des bouillies et des légumes à sa fille et de s'en mettre jusqu'aux yeux!) Je tiens à la disposition de celles que cela intéresse un livre paru aux Etats-Unis, L'art de l'allaitement maternel, qui m'a beaucoup soutenue, ainsi que l'adresse d'un groupe de femmes à Genève, ayant allaité et prêtes à aider celles qui auraient besoin d'un coup de pouce moral ou pratique. |
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