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Quelques notes sur le comportement sexuel des adolescents
Une journée internationale d'études sur la sexualité des enfants et des adolescents a réuni dernièrement à Genève un groupe de sociologues, psychiatres et médecins. ll s'agissait de confronter plusieurs disciplines pour aborder le sujet de la sexualité normale; terrain d'étude encore relativement neuf, bien qu'on entende souvent cette remarque: «On ne parle plus que de ça»
ou: «Ça allait aussi bien quand on n'en parlait pas».
La question peut donc se poser de savoir à quoi servent les grandes enquêtes statistiques sur le comportement sexuel des adolescents. Le professeur Ira Reiss, psychosociologue américain, en a montré l'intérêt. Par exemple, le célèbre rapport Kinsey avait révélé que 37 % des hommes avaient eu une expérience homosexuelle avant l'âge adulte. De ce fait, une telle expérience chez un adolescent n'apparaît plus comme très exceptionnelle. Le sachant, les parents ne réagiront plus de la même façon dramatique
On voit ainsi que de sèches enquêtes statistiques peuvent influencer nos idées et nos réactions.
Le professeur Reiss a montré comment évolue la signification même de l'amour. Avec l'augmentation des divorces et des remariages, un nombre considérable d'enfants ont plus de deux parents. De même, un nombre croissant d'enfants sont nés hors mariage. Pour eux, l'amour n'est plus cette image d'un couple lié pour la vie. Il ne s'agit plus de deux personnes seulement. L'idée du mariage est en pleine évolution, tandis que la notion de groupe gagne du terrain.
Avec l'autonomie croissante des femmes, l'ouverture des couples, les adolescents pensent de plus en plus que le choix sexuel est un droit. Ils sentent la permissivité des adultes, même si celle-ci ne s'exprime pas en paroles. Le dialogue parents-enfants semble, en effet, encore très pauvre.
Contrôle des parents
Le contrôle exercé par les adultes sur la sexualité des adolescents existe surtout de façon indirecte. Si les premiers rapports sexuels ont lieu en moyenne à 16 ans en Suède et à 18 ans aux Etats-Unis, c'est le reflet d'une plus ou moins grande permissivité de la société dans son ensemble, et non l'effet d'un réel contrôle des parents.
Le dialogue parents-enfants, même lorsqu'il existe, semble entaché de beaucoup d'ambiguités. L'adolescent est partagé entre sa dépendance et son envie d'autonomie, son désir d'être compris et son besoin de garder des secrets, ou de s'opposer. De plus, ce que les parents disent n'a pas toujours autant d'importance que ce qu'ils sont. Leur permissivité peut être perçue indirectement, par exemple dans la place qu'ils accordent à leurs propres plaisirs, au sens le plus large.
Les normes des adultes ont moins de poids, en fait, que les normes du groupe des égaux. Ce sont les camarades du même âge qui exercent l'influence déterminante. C'est par eux que l'adolescent ressent «ce qui se fait», cette norme qui lui permet de se sentir en conformité, donc en relative sécurité.
«L'abandon de l'intimité»
Ces remarques sociologiques ne sont que l'un des aspects de la question. Le Dr Ladame, psychiatre genevois, devait éclairer le même sujet sous un autre angle: la qualité des premières relations sexuelles qui, même si elles font partie d'une norme courante, ont une signification bien différente d'un adolescent à l'autre. Le Dr Ladame pense que «l'abandon de l'intimité» de son corps, pour un adolescent, n'est pas devenu chose anodine. Anodine pour la statistique, non pour la personne humaine dans sa vraie dimension.
Des relations sexuelles précoces ne sont pas forcément le signe d'un rapide développement vers l'âge adulte. Elles peuvent être parfois le signe d'un profond désarroi. Il arrive que le besoin d'intimité avec un autre être ne trouve, sous la pression du groupe, que l'issue de s'exprimer au niveau sexuel, alors que ce n'était pas vraiment encore le but recherché. «C'était le seul moyen, dit alors l'adolescent, d'entrer en contact avec telle personne». Signe d'une solitude.
Besoin de se conformer (au groupe), ou de s'opposer (aux adultes), recherche du plaisir, de nombreux motifs différents entrent en jeu et donnent au comportement un sens, une qualité très divers.
Hier et aujourd'hui
Ces notes un peu décousues indiquent simplement la direction de quelques études actuelles. Un certain nombre d'idées reçues ont été bousculées.
Exemple: «La pilule encourage les expériences précoces.» Le sociologue s'inscrit en faux: la pilule est utilisée par une si petite minorité de la population qu'elle n'a pas encore pu changer le comportement social. De plus, les enquêtes montrent, même dans les milieux universitaires, une méconnaissance stupéfiante des problèmes de contraception.
Autre idée reçue: «On peut sublimer la sexualité dans le sport» (ou la politique). Illusion, disent les statistiques (encore elles!), les groupes les plus sportifs sont aussi ceux où l'on a noté la plus grande activité sexuelle
Toutes ces recherches, pour inutiles qu'elles puissent paraître, influencent à la longue l'attitude des adultes. Il n'est pas tout à fait indifférent de savoir qu'une première expérience sexuelle ne conduit plus au mariage. Que même pour une jeune fille, quatre à cinq partenaires avant le mariage sont une «moyenne». Faut-il vraiment s'en étonner? Ou encore, qu'une sexualité de groupe est très souvent une étape transitoire. Tout ceci n'enlève rien au fait que la qualité des relations affectives reste de loin l'essentiel, pour l'adolescent d'aujourd'hui comme pour celui d'hier. Si l'on pense que le recours à une prostituée fut autrefois chose courante pour une première expérience, on peut supposer qu'aujourd'hui, une plus juste importance est attribuée aux besoins de sa partenaire. La dimension affective y a sans doute gagné.
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